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Y a-t-il nécessairement du religieux dans l'art ?

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« VOCABULAIRE: ART: 1) Au sens ancien, tout savoir-faire humain, toute pratique produisant un résultat non naturel (artificiel).

2) Au sens esthétique moderne, production ou création d'oeuvres destinées à plaire (beaux-arts), c'est-à-dire à susciter par leur aspect, u n e appréciation esthétique positive. NÉCESSAIRE: Est nécessaire ce qui ne peut pas ne pas être, ou être autrement.

S'oppose à contingent. Sur le plan logique, est nécessaire ce qui est universellement vrai, sans remise en cause possible. Il s'agit ici de s'interroger sur l'art et plus précisément sur les rapports entre le religieux et l'art.

Y a-t-il nécessairement du religieux dans l'art ? Il faut prendre ici la mesure du terme " nécessairement " qui signifie, systématiquement, forcément.

Au demeurant, on est plutôt tenté de répondre par la négative.

Il n'y a pas toujours du religieux dans l'art, sauf...

dans l'art religieux.

Lorsque les artistes représentent la divinité et les symboles qui lui sont liés, alors il y a effectivement du religieux.

Dans le Requiem de Mozart ou dans la fresque peinte par Michel-Ange dans la chapelle Sixtine du Vatican il y a du religieux.

Mais y en a- t-il dans les Demoiselles d'Avignon de Picasso ? Sans doute pas...

Mais l'art est effectivement lié à la religion cependant, du moins dans sa destination originelle.

L'art en effet, dans sa période la plus ancienne jusque dans l'antiquité et dans l'époque classique exprime souvent un sentiment religieux mais ne s'y réduit pas cependant. La science, l'art, la philosophie, n'ont de valeur qu'en tant qu'elles sont religieuses, c'est-à-dire en tant qu'elles fournissent à l'homme le pain spirituel que les religions lui fournissaient autrefois et qu'elles ne peuvent plus lui donner (Oeuvres; I; 219).

En risquant une telle affirmation, Renan semble faire bien peu de cas soit de la religion, soit de l'art.

Car, s'il est possible d'affirmer que la philosophie naquit du déclin des Dieux, et la science d e la ruine d e la religion -l'une et l'autre sont en effet d e s disciplines relativement récentes dans l'histoire de l'humanité, et la religion, du moins en Occident,s'est vus très fortement affaiblie par le passage progressif du polythéisme au monothéisme-, il est en revanche plus audacieux, voire aventureux, de subordonner la valeur de l'art à la déchéance de la religion. Une telle sujétion revient en effet ou bien à alléguer que la religion ne remplit plus son office depuis des millénaires, ou bien que l'art n'a acquis sa valeur que très récemment.

Or, l'existence tant des peintures rupestres de la préhistoire, q u e d u Sphinx de la pyramide de Khephren, nous assure que l'art est une discipline plusieurs fois millénaire, et l'histoire, que le règne de la religion n'est pas encore tout à fait tombé en désuétude. L'affirmation de Renan est donc fausse si nous la considérons d'un point de vue purement historique: l'art n'est pas ce qui succède à la religion en palliant ses insuffisances. Mais Renan pose aussi comme un fait que l'art, pour ne nous intéresser qu'à ce dernier, n'a de valeur qu'en tant qu'il est religieux.

Or, si nous entendons par "religieux" ce sentiment du sacré, ce rapport à une instance ou valeur supérieure et comme transcendante dont il peut parfois nous sembler faire l'expérience, il faut alors comprendre que l'art n'a d e valeur qu'en tant qu'il renvoie à quelque chose d'extérieur à notre raison et qui nous dépasse, qu'en tant qu'il nous fait nous tourner vers un idéal, vers une valeur que nous sommes comme invités à vivre. Une telle affirmation semble donc poser que pour que l'art existe véritablement, il faut qu'il ait en son essence une part de religieux.

Mais y a-t-il nécessairement du religieux dans l'art? Quelle est la véritable fonction de l'art? L'opinion la plus courante que l'on se fait de la fin que se propose l'art, est qu'elle vise à imiter la nature, c'est-à-dire que l'art aurait pour but et pour fonction d'en rendre au mieux l'essence, l'ordre et l'organisation.

C'est ainsi q u e la valeur d e l'oeuvre d'art résulterait essentiellement du degré de ressemblance de la copie au modèle, et que l'artiste ne serait pas créateur mais artisan, technicien plus ou moins doué. Plus grande serait la perfection de l'illusion, et plus grande serait la valeur de l'oeuvre d'art: les raisins peints par Zeuxis, qui depuis l'Antiquité sont donnés pour modèle de la perfection d'une reproduction sous prétexte que même les pigeons ont eu un jour envie de les goûter, sont la preuve d'une telle perfection. Pourtant, il est tout à fait impossible que ce soit là la seule et unique valeur de l'art: non seulement rien ne justifie que l'on perde son t e m p s à simplement imiter quelque chose qui existe déjà indépendamment de nous, mais encore, le but qui serait de re-produire un objet de façon parfaitement identique à un m o d è l e est tout à fait impossible à atteindre.

L'art, s'il n e s e réduisait qu'à cela, n'aurait aucune valeur, et il en aurait d'autant moins que le modèle auquel il se réfère est condamné à disparaître.

Qu'en est-il en effet de la valeur d'une pure imitation lorsque l'on ne peut plus la confronter à son modèle? Il est cependant possible de voir en l'imitation non pas simplement une reproduction fidèle de la forme apparente d'un objet, et que nous nommerons la mauvaise imitation, mais aussi une volonté de retranscrire le principe créateur de l'objet matériel, l'esprit du modèle.

Car, par delà les apparences, l'artiste veut aussi retranscrire le vrai, et pour cela, il fait appel à son imagination pour rendre des formes et une atmosphère permettant de faire surgir dans la conscience le sentiment d'un quelque chose qui serait caché derrière les apparences du modèle. En ce sens, l'art devient la médiation nécessaire à une objectivation par le sujet d'un absolu qui échappe à sa raison, mais qu'il pressent. Ce qui fait alors la valeur d'une oeuvre d'art, ce n'est donc plus la pureté et la régularité des traits qui la composent, mais son degré d'approche de la nature intime de la chose, la façon dont l'artiste a saisit et retranscrit l'essence du modèle, son caractère universel. Ce qui importe donc dans une oeuvre d'art, ce n'est point sa simple matérialité.

Certes, elle reste sensible, mais ce qu'elle présente à notre sensibilité est de l'ordre de l'idéal et non plus de la pure réalité matérielle.

Elle tente de retranscrire sur un mode sensible ce qui auparavant était de l'ordre du suprasensible, et, ce faisant, l'art revêt un caractère religieux. Celui qui reproduit un objet en le peignant ou e n l e sculptant, ne le fait pas simplement pour imiter la nature; il le fait parce qu'il a conscience de quelque chose d'ultime dans l'être, de sacré, et son désir est d'objectiver cette conscience en l'exprimant dans une oeuvre. L'art, lorsqu'il est reproduction d'un modèle, contient donc nécessairement une part de religieux, faute de quoi il n'est que caricature d'un objet, mauvaise contre-façon.

Mais se limiter à une conception de l'art comme reproduction, bonne ou mauvaise, d'une nature extérieure, se contenter de l'inféoder au "schème de l'imitation", serait une erreur.

Car dans une telle optique, aucune place n'est faite, aucune valeur réelle n'est accordée à la création.

Or, l'artiste n'est pas simplement imitateur; on le dit aussi créateur.

Qu'elle valeur accorderons-nous dès lors à une création sans modèle?. »

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