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Vous expliquerez, discuterez et commenterez ce jugement de Sainte-Beuve sur Carmen : Je viens de lire Carmen de Mérimée, c'est bien, mais sec, dur, sans développement ; c'est une Manon Lescaut plus poivrée et à l'espagnole. Quand Mérimée atteint son effe

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La critique de Sainte-Beuve porte sur le fond et la forme. Après un éloge rapide, Sainte-Beuve constate que le roman de Carmen n'est pas plus développé qu'une nouvelle ; il relève la sécheresse caractéristique de l'auteur, puis il résume le sujet dans une formule pittoresque : selon lui, Carmen est la transposition du roman de l'Abbé Prévost, c'est-à-dire l'analyse d'un amour fatal, qui dégrade progressivement l'homme et conduit au crime. Mais à la place du Paris brillant et libertin du XVIIIe siècle, où Manon et Des Grieux jouent leur jeu dangereux, Mérimée a peint l'Espagne pittoresque des gitanes et des brigands. Carmen n'a pas l'ingénuité perfide de Manon, mais la violence ardente qui subjugue. La seconde partie du jugement vise l'art de Mérimée : Sainte-Beuve semble dérouté par la rapidité du style de Mérimée et son ironie ; il soupçonne toujours une supercherie et se demande si l'auteur est sérieux ou s'il se moque du lecteur. Enfin, il trouve le grief décisif : Mérimée a recherché le naturel, mais son talent est trop minutieux, trop appliqué pour atteindre le vrai naturel, plus spontané et moins contraint. Que faut-il penser de ces critiques ?

« Vous expliquerez, discuterez et commenterez ce jugement de Sainte-Beuve sur Carmen : Je viens de lire Carmen de Mérimée, c'est bien, mais sec, dur, sans développement ; c'est une Manon Lescaut plus poivrée et à l'espagnole. Quand Mérimée atteint son effet, c'est par un coup si brusque, si court, que cela a toujours l'air d'une attrape...

Le style de Mérimée a un tour qui n'est qu'à lui; mais ce n'est pas du grand art ni du vrai naturel.

Le vrai naturel est autrement large et libre que cela. La critique de Sainte-Beuve porte sur le fond et la forme.

Après un éloge rapide, Sainte-Beuve constate que le roman de Carmen n'est pas plus développé qu'une nouvelle ; il relève la sécheresse caractéristique de l'auteur, puis il résume le sujet dans une formule pittoresque : selon lui, Carmen est la transposition du roman de l'Abbé Prévost, c'est-à-dire l'analyse d'un amour fatal, qui dégrade progressivement l'homme et conduit au crime.

Mais à la place du Paris brillant et libertin du XVIIIe siècle, où Manon et Des Grieux jouent leur jeu dangereux, Mérimée a peint l'Espagne pittoresque des gitanes et des brigands.

Carmen n'a pas l'ingénuité perfide de Manon, mais la violence ardente qui subjugue. La seconde partie du jugement vise l'art de Mérimée : Sainte-Beuve semble dérouté par la rapidité du style de Mérimée et son ironie ; il soupçonne toujours une supercherie et se demande si l'auteur est sérieux ou s'il se moque du lecteur.

Enfin, il trouve le grief décisif : Mérimée a recherché le naturel, mais son talent est trop minutieux, trop appliqué pour atteindre le vrai naturel, plus spontané et moins contraint.

Que faut-il penser de ces critiques ? Part de vérité: • Il est incontestable que Mérimée n'a pas écrit des œuvres très développées.

Ses romans la Chronique de Charles IX, Colomba, Carmen sont à peine plus longs que des nouvelles.

Comparés aux romans de Balzac, ils peuvent sembler secs.

Or cette confrontation se présentait naturellement à Sainte-Beuve : en 1845, date à laquelle paraît Carmen, presque toute la Comédie Humaine a été publiée.

A côté de ce fleuve immense, les romans de Mérimée ne sont qu'un mince ruisseau. • Le rapprochement entre Manon Lescaut et Carmen est justifié, mais il n'est pas désobligeant pour Mérimée. Carmen n'est pas un plagiat.

Les deux romans présentent des différences autres que la couleur locale : Manon et Des Grieux finissent par s'aimer et se racheter, tandis que José tue Carmen. • Sainte-Beuve n'a pas tort de craindre une attrape de la part de ce maître de la mystification.

Même dans ses œuvres sérieuses, Mérimée aime dérouter le lecteur par des traits imprévus.

Il n'est jamais si prêt à se moquer que lorsqu'il affecte la plus grande gravité.

Les récits macabres ou fantastiques conservent toujours un air de parodie. Comme son ami Stendhal, il multiplie les paradoxes, qui surprennent même des esprits aussi fins que Sainte-Beuve. • Le critique reconnaît l'originalité du style de Mérimée, mais il restreint aussitôt l'éloge en remarquant que le grand art et le vrai naturel ont plus d'envolée, constatation qui dépasse le cas de Mérimée et peut s'appliquer parfois à Stendhal, presque toujours à Flaubert.

Il est certain que le souci perpétuel de ne pas être dupe de son cœur et de brider toute effusion aboutit à une certaine froideur.

Le rire de Molière est plus humain que le sourire ironique de Mérimée. Part d'exagération : • Toutes les critiques de Sainte-Beuve sont néanmoins excessives.

Mesure-t-on la valeur d'une statue à sa taille ? Que Mérimée n'ait pas le génie inventif de Balzac, ne lui interdit pas d'atteindre la perfection dans le cadre plus étroit qu'il s'est choisi.

Maupassant, lui aussi, aimera le moule limité de la nouvelle et en tirera des effets saisissants. • Carmen est mieux qu'une Manon grimée en Espagnole.

Le goût de Mérimée pour l'Espagne est sincère et durable.

Il en aime le théâtre, la peinture, mais plus encore son peuple pittoresque, violent et rempli de contrastes.

Dès 1824, il traduit le théâtre de Calderón.

Sa parodie, le Théâtre de Clara Gazul, dénote une connaissance réelle non seulement des procédés romantiques, mais aussi de la couleur espagnole.

En 1830, il fait un long séjour en Espagne, s'intéressant à la vie artistique et mondaine, mais fréquentant aussi les milieux populaires, curieux de personnages singuliers.

C'est au cours de ce voyage, qu'il entre en relations avec la famille de la future impératrice Eugénie, qu'il connaît tout enfant.

Il retourne encore en Espagne en 1840 avec la même curiosité sympathique.

Ce sceptique aime les passions exceptionnelles, et les couleurs éclatantes. • Carmen n'est pas un personnage livresque inspiré par Manon, mais une création vivante, composée d'éléments empruntés à des souvenirs personnels et à des anecdotes contées par les Montijo.

Carmen est le symbole même de l'Espagne et peut-être plus généralement de la passion, s'il est vrai que Mérimée a déguisé en Bohémienne un vieux chagrin d'amour.

La passion sans doute est éternelle, mais ses manifestations varient selon l'époque et le cadre : Manon incarne la Régence, Carmen l'Espagne du XIXe siècle. Le jugement de Sainte-Beuve est clairvoyant, mais malveillant.

L'art de Mérimée ne manque pas d'humanité comme il l'insinue.

José et Carmen sont des personnages vivants : le temps les a épargnés et aujourd'hui, ils font partie de ces couples infortunés, qui nous émeuvent toujours.

La musique de Bîzet contribue à les rendre populaires, mais la nouvelle de Mérimée suffisait à leur accorder l'immortalité.. »

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