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Une idée peut-elle etre neuve ?

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« Le publicitaire ne doute pas : il cherche une idée neuve pour vendre son produit, doit-on lui opposer qu'il utilise là un faux concept, que toute idée nouvelle n'est que recombinaison ou réminiscence ? La psychologie de l'invention correspond t-elle à un état de pure émergence, ou bien la notion même de nouveauté n'est elle qu'une ombre portée au tableau de la connaissance, une manière naïve de traduire l'invention ? Encore faut-il savoir ce qu'est une idée, la discussion ne prend pas le même tour selon que la notion d'idée est réduite à une proposition grammaticale ou comprise en un sens esthétique. I- La création d'idée est une combinatoire. Une idée c'est toujours une proposition, l'invention portée par le langage, et il n'est pas faux de dire que le langage est la condition même de la pensée et donc de la formation d'idées.

Or si le langage est la recombinaison permanente des mots, l'idée n'est qu'un arrangement signifiant d'unités de langage préexistantes. Comme le dit Bergson dans L'Evolution Créatrice il n'y a pas de nouveauté parmi les choses, en effet tout ce qui entre dans l'espace n'est qu'un réarrangement de ses parties.

C'est valable pour le langage qui est composition de mots et ne peut donc produire de nouveauté.

Non que tout ce qui est à dire, tout le virtuel de la Parole ait déjà été dit, mais ce qui est à venir dans le langage n'est que combinaison, non pure création épigénétique. Toutefois le problème ne semble que déplacé, en effet ne peut-on pas dire qu'en combinant on invente, que la combinaison peut-être nouvelle quoique si on l'analyse aucun de ses termes ne soit en lui-même nouveau ? II- L'idée transcende la combinaison qui l'exprime. L'idée n'est pas la somme de ses parties grammaticales, pour comprendre une idée il ne faut pas en analyser les modes d'expression lexicaux. Une idée n'est pas une combinaison « mot à mot » mais l'obtention d'un sens qui transcende le moyen spatial du langage par lequel il s'exprime.

Ce qui compte dans une idée poétique ce ne sont pas les mots, ceux-ci ne sont que les outils pour la provocation d'une résonance, d'un ébranlement dans la psychologie du lecteur. Le poète ou le philosophe qui inventent une idée sont donc toujours au-delà du langage, la preuve en est que les mots ne leur suffisent plus et qu'ils en créent de nouveaux.

Le concept de néologisme traduit la volonté de vouloir sortir le langage d'une logique combinatoire.

Lorsque l'idée colle au mot (« compossible » chez Leibniz, « nouménal » chez Kant, « Dasein » chez Heidegger) n'est-ce pas que la nouveauté n'est pas seulement transcendance d'un sens par rapport à ses moyens d'expression mais déjà nouveauté de ces moyens eux-mêmes ? Ce serait donc s'enfermer dans un dogmatisme que de ne pas reconnaître la possibilité d'idées neuves, il faut refuser la chosification de l'idée, elle n'est pas une construction secondaire obtenue à partir de la matière première du langage, mais passage, incarnation d'un thème dans la parole qui l'accueille. III- L'invention et la mémoire. Le langage même pressent que les difficultés ne sont pas résolues, en effet ne dit-on pas qu'on « cherche une idée » et puis qu'on l'a « trouvée » ? Pourquoi ne dit-on pas « créer » ou « inventer » une idée ? La langue française semble directement liée ici à la conception platonicienne de la réminiscence selon laquelle l'invention n'est pas création pure ex nihilo mais redécouverte de ce qui était voilé par l'oubli. Il y a incontestablement similitude entre inventer et se remémorer, lorsqu'on cherche un souvenir on est guidé par ce qui justement nous échappe (le souvenir oublié agit par sa propre absence) ; de même l'invention ne nous tombe pas dessus sans prévenir, l'inventeur pressent, tâtonne, et curieusement l'inventeur est comme guidé par ce qu'il va découvrir.

On ne cherche que ce que d'une façon on connaît déjà, on peut avoir une idée que l'on a jamais eu mais la façon dont nous la mettons à jour se confond avec la façon dont nous nous remémorons un souvenir oublié. Finalement une idée peut être neuve pour soi, pour la communauté scientifique ou dans le royaume des publicitaires, tout en étant découverte sur un mode commun à celui de la remémoration, l'inventeur dit « j'y suis presque ».

C'est-à-dire que la nouveauté est plus le résultat d'une recherche qu'un pur commencement.

L'idée neuve est construite, trouvée, elle réclame un effort d'invention à la manière du souvenir qui lui fait s'efforcer notre mémoire. Conclusion : L'idée n'est pas le cas particulier d'un système de signe mais une signification, en cela elle peut être dite nouvelle.

Cependant il est remarquable que sa découverte ressemble à la remémoration, en effet dans les deux cas, invention et mémoire, le sujet est guidé par une absence.

Le souvenir préexiste à la remémoration et tout se passe comme si l'idée neuve était de même conquise, trouvée ; certainement il n'y a là qu'une riche analogie et non une. »

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