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Travail et liberté s'opposent-ils

Extrait du document

« I.

— INTRODUCTION POSSIBLE. La religion chrétienne laisse entendre que le travail serait un châtiment imposé à l'homme pour avoir désobéi aux ordres du Créateur.

De son côté, V.

Hugo le considère comme une joie.

Une troisième formule en fait une façon de devenir libre individuellement et socialement. Avant de nous prononcer sur la valeur de cette dernière définition, étudions d'abord de près la notion de travail, puis ses rapports avec la liberté. II.

— LA NOTION DU TRAVAIL ET SES AMBIGUÏTÉS. Dans un sens quasi-physique, tout travail est une dépense d'énergie.

Cette dernière peut provenir de l'homme, d'un animal ou d'une machine.

L'ouvrier qui transporte des matériaux d'un endroit à un autre, le cheval qui tire un chariot chargé, la charrue mécanique qui laboure un champ, travaillent.

Si une main humaine fait tourner un volant, ce dernier reçoit le travail que la main a fourni.

Dans ce cas, celle-ci possède une propriété qu'on appelle énergie, notion essentielle à la dynamique. Une remarque s'impose pourtant ici, on ne dira point qu'un sportif comme le coureur travaille, bien qu'il dépense une énergie considérable, car on admet généralement que pratiquer un sport, même difficile, constitue plutôt un dérivatif, un loisir. D'autre part, il est plus difficile de saisir le travail intellectuel dont le point d'application, la direction et l'intensité sont peu observables. L'intellectuel, ne travaillerait-il donc pas ? Pourtant, il a en commun avec tout objet, tout animal au travail, de dépenser de l'énergie, de se fatiguer... Dans notre société moderne, travailler est presque synonyme de gagner de l'argent.

On en arrive même à considérer que le voleur à la tire ou le mendiant travaillent à leur façon.

Il est vrai que l'un et l'autre dépensent une certaine énergie et en retirent de quoi subvenir plus ou moins à leurs besoins.

En réalité, le mendiant ne travaille pas, il implore. Le cas du voleur permet de saisir un aspect essentiel du travail.

Lui, il n'implore pas.

Il acquiert sa subsistance par un prélèvement qu'il opère en dehors de toute règle sociale, sans respect pour la justice la plus élémentaire qui veut qu'il y ait réciprocité.

Le travail se situe précisément dans ce contexte du rapport de chacun à autrui, selon des formes sociales déterminées et, c'est parce qu'il s'exclut de ces formes sociales que le voleur est réputé voleur.

Il vit en parasite, aux crochets de la société et en rupture avec elle. On peut déjà en conclure que le travail est un fait essentiellement humain, parce qu'il est un fait social. La conception chrétienne du travail est tout autre : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front.

» De plus, elle considère le travail manuel comme une tâche morale; d'où l'interdiction de travailler le dimanche, jour consacré au Seigneur. III.

— LE TRAVAIL ET LA NATURE. La vie difficile et laborieuse des premiers hommes indique qu'ils ont lutté pour tenir tête à la nature.

Même l'humain d'aujourd'hui doit se nourrir, se vêtir et s'abriter. La seule ressource dont l'homme dispose pour satisfaire ses besoins est la nature mais elle ne lui fournit pas directe-»ment les produits indispensables.

Il se les procure par une lutte engagée avec la nature.

Il transforme en produits utiles à sa subsistance les matériaux naturels.

Il se fait agriculteur, sème, cueille et récolte.

Il domestique et élève les animaux utiles.

Il construit sa maison et fabrique ses vêtements. Dès lors, le travail devient relation entre l'homme et la nature, le premier se faisant intermédiaire régulateur et contrôle.

Le travail peut donc apparaître comme une contrainte dans la mesure où il est la conséquence de nos besoins impérieux. Cependant, l'aspect positif du travail est le plus important. Par le travail, l'homme s'affranchit de ses vieilles terreurs.

Il utilise à son profit les forces naturelles.

Il affirme sa propre puissance et réduit considérablement la pression des conditions extérieures sur son être.

Il est sorti victorieux dans la lutte engagée contre la nature... Le travail se révèle donc créateur de valeur.

Non seulement, il humanise la nature, mais il humanise surtout l'homme en le faisant accéder à sa propre liberté, conquise sur les conditions naturelles. IV.

— LE TRAVAIL, LA SOCIÉTÉ ET LA LIBERTÉ. Aucune réalisation née du travail ne résiste au temps sans un nouveau travail pour le maintenir.

Le travail s'impose de lui-même et le résultat obtenu impose de nouveaux travaux. Le travail, est, avons-nous dit, transformation de la nature.

Mais ce processus s'accomplit dans les conditions de la vie sociale et détermine la structure des rapports sociaux. Dans la division du travail, la tâche à accomplir est répartie entre plusieurs individus qui se spécialisent. Mais la décomposition du travail de transformation en mouvements simples successifs entraîne une solidarité des divers individus accomplissant le travail et par là, restreint la liberté individuelle. Dans ces conditions, le travail supprimant toute initiative personnelle, transforme parfois l'ouvrier en une sorte de mécanique qui accomplit de façon fastidieuse et pénible les mêmes opérations stéréotypées, selon une cadence toujours plus accélérée.

Dans le machinisme, l'homme devient force productive engagée dans une production organisée. Le salaire que reçoit l'ouvrier ne correspond pas toujours au paiement équitable de son travail.

Travail et capital s'opposent alors. Dans la dialectique du Maître et de l'Esclave, Hegel montre comment le Maître fonde sa propre liberté sur le travail de son esclave qui détient par son travail, la liberté de son maître.

Le travail est source de liberté pour le maître il le sera aussi pour l'esclave.

Ce dernier n'est plus esclave puisqu'il travaille.

Il le demeure cependant, puisqu'il travaille sous la domination d'autrui qui le prive de sa liberté propre par le truchement d'institutions sociales.

Le maître est fort contre l'esclave par des pouvoirs sociaux.

Il en a fait son sujet. L'esclave, lui, tire sa liberté de son travail et, s'il cessait de travailler, il ferait retomber son maître dans la dépendance de ses besoins que celui-ci serait fort embarrassé de satisfaire. V.

— CONCLUSION. L'homme lutte contre la nature pour obtenir ses moyens de subsistance.

Ce faisant, il se libère.

Mais à l'ère du machinisme, il se trouve aux prises par ailleurs avec des contraintes de production qui restreignent sa liberté. Il n'est cependant pas impossible d'envisager un âge où le travail « devenu premier besoin de l'homme », sera l'épanouissement de son intelligence, de sa sensibilité, de son activité, de sa liberté surtout.. »

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