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Tout est-il déterminé à l'avance ?

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« Dire que tout serait déterminé à l'avance peut renvoyer à deux conceptions qu'il importe de distinguer 1) le fatalisme, qui postule qu'une intelligence supérieure, divine, a fixé à l'avance ce qui va advenir dans le temps 2) le déterminisme, qui ne suppose pas cette intelligence divine, mais qui considère qu'il y a un rapport de nécessité entre les causes qui interviennent dans le monde et les effets qu'elles produisent.

En ce sens, tout serait déterminé d'avance parce que l'enchaînement des causes produira nécessairement certains effets et pas d'autres.

On peut refuser la thèse numéro 1 tout en acceptant la deuxième.

En effet il semble bien que la science, qui grâce à des lois universelles permet de prévoir ce qui va arriver, atteste de la validité du déterminisme.

Pourtant il importe de se pencher de plus près sur la question, pour se demander si toute science va dans le sens du déterminisme, ou si certaines branches de la science ne le remettent pas en question.

D'autre par dire que tout est déterminé à l'avance revient à nier la liberté humaine, puisque nos choix ne seraient plus alors que des choix illusoires, qui seraient en fait déterminés par des causes dont nous n'aurions pas conscience.

Or ne faut-il pas reconnaître à la liberté humaine une réalité qui fait que l'existence humaine, dans les choix qu'elle opère, n'est pas déterminée d'avance ? I.

Les lois universelles de la science sont l'expression d'un déterminisme intégral Si les événements qui surviennent dans le monde se produisaient de façon désordonnée, il serait impossible de prévoir quoi que ce soit.

Or la science atteste du fait que l'on est capable de prévoir ce qui va arriver.

Donc il faut bien supposer que toujours les mêmes causes produisent les mêmes effets, et que toutes choses du monde se produisent en vertu de causes déterminées.

La position consistant à soutenir cette thèse s'appelle le déterminisme.

Laplace soutient cette thèse en se basant sur le principe leibnizien de raison suffisante.

Ce principe est que rien n'existe dans le monde sans qu'il y ait une raison qui explique pourquoi cette chose est telle qu'elle est.

Si l'on admet ce principe, toutes les choses sont déterminées par une cause précise à se produire de telle façon et à tel moment.

Or Laplace considère que ce sont les lois de la science, universelles et nécessaires, qui expliquent pourquoi les choses surviennent de telle ou telle façon.

C'est pourquoi il dit que si un démon (un être imaginaire), savait toutes les lois de la science, et l'état dans lequel est le monde à un moment donné, il pourrait prévoir tout ce qui va arriver.

Il est vrai que l'homme ne connaît ni toutes les lois universelles (puisque la science progresse sans cesse) ni l'état de toutes les choses du monde, si bien qu'il ne peut se représenter l'avenir que dans une mesure limitée, mais les choses elles, sont toutes déterminées d'avance à se produire d'une manière déterminée. II.

Certaines branches de la science nous montrent que le déterminisme n'est pas total Le déterminisme de Laplace dit que l'homme ne peut pas tout prévoir, mais qu'il se rapproche sans cesse de cette possibilité parce que tout est déterminé d'avance.

Mais on peut se demander s'il n'y a pas des choses qui échappent par essence à toute prévision justement parce qu'elles ne sont pas déterminées à l'avance.

Dans Le hasard et la nécessité, le biologiste Jacques Monod remet en question le déterminisme de Laplace.

Selon Monod, les mutations génétiques comportent une part de hasard.

D'abord parce qu'elles ont lieu à une échelle microscopique, où s'applique le principe de physique quantique dit principe d'incertitude.

Ce principe dit que lorsqu'on a affaire à des corps extrêmement petits (sous l'échelle de l'atome), il y a toujours une marge de hasard dans ce qui va arriver (contrairement à ce qui se passe au niveau de la macro physique, qui étudie le fonctionnement de corps plus grands).

Ensuite dit Monod, même si l'on pouvait prédire exactement comment va muter un gène, on ne pourra jamais prédire quel effet aura le nouveau gène sur la formation de l'organisme, parce que le fonctionnement de l'organisme dépend de l'interaction de chaque partie avec l'ensemble, et que la façon dont sera modifiée telle partie du corps par une mutation génétique, dépendra elle-même des relations de cette partie avec les autres parties du corps, ce que la mutation génétique ne peut déterminer intégralement).

Donc même au niveau des phénomènes étudiés par la science, il y a des choses qui ne sont pas déterminées d'avance III.

Dire que tout est déterminé d'avance c'est manquer la liberté essentielle de l'homme Dire que tout est déterminé d'avance reviendrait à soutenir que le déterminisme doit s'étendre non seulement à toutes les choses du monde, mais aussi à l'être humain, dont les comportements seraient dès lors aussi prévisibles que les phénomènes météorologiques.

Or nier la liberté de l'homme, c'est nier sa responsabilité et par la même sa dimension d'être moral, alors que cette dernière semble être un trait fondamental de l'humain.

Pour surmonter cette aporie, Kant considère qu'il faut penser l'homme comme un être doué d'une double nature, nouménale et phénoménale.

Comme être phénoménal, l'homme peut être pensé comme déterminé à l'avance dans ses comportements par les enchaînements des causes du monde.

Cela signifie que l'humain n'échappe pas à la détermination qui régit toute chose.

Mais comme être nouménal, l'homme est doué d'une liberté transcendantale, ce qui signifie qu'il est toujours libre de faire son devoir, et donc responsable de ses actes.

Dans la Critique de la raison pratique Kant précise que cette responsabilité est aussi ce qui lui donne une valeur (absolue), contrairement aux choses qui n'ont qu'un prix (relatif).

Penser l'humain seulement par rapport à sa dimension phénoménale, c'est donc le manquer dans sa plus haute valeur.

En ce sens l'on est obligé de penser que l'être humain au moins, n'est pas intégralement déterminé d'avance dans ses choix et son être. Conclusion Se représenter les choses comme déterminées d'avance permet d'agir dans le monde pour subvenir à ses besoins et parer le danger.

La science, en dégagent des lois universelles, atteste que beaucoup de phénomènes sont déterminés d'avance, sans quoi on ne pourrait pas les prévoir.

Mais même dans le domaine scientifique, certaines choses échappent par essence à toute prévision, et l'on a de bonnes raisons de penser que c'est justement parce qu'elles ne sont pas déterminées d'avance.

D'autre part si l'on considérait que l'homme était lui-même déterminé d'avance, on ne pourrait plus l'envisager comme un être moral, responsable de ses choix car capable de se déterminer lui-même.

Considérer que le comportement de l'homme n'est pas déterminé d'avance relève donc d'une perspective éthique.. »

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