Aide en Philo

Technique et aliénation ?

Extrait du document

« Vocabulaire: TECHNIQUE Tout ensemble de procédés pour produire un résultat utile.

La technique moderne s'appuie sur la science; mais elle s'en distingue puisque la science est un effort pour expliquer ce qui existe tandis que la technique cherche à produire ce qu'on souhaite qui soit — qui n'est pas.

La technique peut se définir comme un vouloir, incarné en un pouvoir par l'intermédiaire d'un savoir. Comme adjectif: par opposition à esthétique, qui concerne des procédés susceptibles d'être développés et transmis, et non des dons ou capacités innées. Aliénation Du latin alienus, « étranger », de alius, « autre ».

En droit, désigne le fait de donner ou de vendre.

C'est le sens qu'utilise Rousseau dans Le Contrat social. Pour Hegel, Feuerbach et Marx, l'aliénation est le processus par lequel un individu est dépossédé de ce qui le constitue au profit d'un autre, ce qui entraîne un asservissement. A.

La machine déshumanise l'homme • Si le travail se définit comme la transformation de la nature par l'intelligence humaine, les conditions de cette transformation ont prodigieusement changé au cours de l'histoire.

Ainsi la substitution progressive de la machine à l'outil a pu créer les conditions d'un nouvel asservissement.

Le machinisme a augmenté la puissance de l'homme sur la nature, mais au prix d'une séparation, d'une aliénation redoutable. Marcuse, cité par Harbemas dans « La technique & la science comme idéologie », explique que « ce n'est pas après coup seulement, et de l'extérieur, que sont imposés à la technique certaines finalités et certains intérêts appartenant en propre à la domination – ces finalités et ces intérêts entrent déjà dans la constitution de l'appareil technique lui-même ».

On ne saurait être plus clair : Marcuse soupçonne la technique de porter en elle ses fins. « Ce n'est pas seulement son utilisation, c'est bien la technique elle-même qui est déjà domination (sur la nature et sur les hommes), une domination méthodique, scientifique, calculée et calculante.

Ce n'est pas après coup seulement, et de l'extérieur, que sont imposés à la technique certaines finalités et certains intérêts appartenant en propre à la domination – ces finalités et ces intérêts entrent déjà dans la constitution de l'appareil technique lui-même.

La technique, c'est d'emblée tout un projet socio-historique : en elle se projette ce qu'une société et les intérêts qui la dominent intentionnent de faire des hommes et des choses. Cette finalité de la domination lui est consubstantielle et appartient dans cette mesure à la forme même de la raison technique.

» Marcuse. • L'artisan était à côté de ses outils, il en était l'âme, et son oeuvre était la sienne, alors que l'homme de l'ère post-industrielle semble dépassé, dominé de toutes parts par le système complexe de ses machines.

Dans l'industrie, l'ouvrier n'est plus que le maillon d'une chaîne de production qu'il ne maîtrise pas ; et comme le souligne Marx, les biens qu'il contribue à produire lui échappent totalement.

La machine déshumanise l'homme.

Tandis que l'artisan s'affirme et se reconnaît dans ses oeuvres, l'ouvrier d'usine, dépossédé des produits de son travail et de son travail lui-même, s'abrutit dans des tâches mécaniques et répétitives qui sont la négation même de la vie.

Et son temps hors du travail n'est plus qu'un temps voué à la reproduction de sa force de travail.

Manger, boire, procréer sont des fonctions authentiquement humaines ; mais, séparées du travail, ces activités deviennent bestiales. B.

La technique rend le travail superflu • Il n'est cependant pas impossible que le machinisme lui-même, en se développant, apporte des remèdes à ses propres inconvénients.

Le travail automatique, monotone et inhumain de l'ouvrier rivé à sa chaîne pourrait provenir d'une mécanisation insuffisante de l'industrie.

De plus en plus, les machines délivrent l'homme des tâches pénibles et répétitives.

L'inhumain travail à la chaîne sera un jour exécuté par la machine elle-même, qui ne laissera probablement à l'homme qu'un travail intelligent d'invention, de contrôle et de réparation. • Toutefois, le progrès incessant de la mécanisation pose le douloureux problème du chômage.

Aristote disait ironiquement, dans La Politique, que les maîtres pourraient se passer d'esclaves si « les navettes tissaient d'ellesmêmes ». "Si chaque instrument était capable, sur une simple injonction, ou même pressentant ce qu'on va lui demander, d'accomplir le travail qui lui est propre, (...) alors, ni les chefs d'artisans n'auraient besoin d'ouvriers, ni les maîtres d'esclaves." Aristote, La Politique, 384-322 av.

J.-C. Aristote envisage un état de la technique où le travail pourrait être fait par des machines.

N'est-ce pas en partie le cas du monde moderne ? Mais à la différence des citoyens libres d'Athènes, les hommes d'aujourd'hui ont une conception de la vie où le travail occupe une place essentielle.

Si les Grecs de l'Antiquité avaient disposé de moyens techniques suffisants, il est fort probable qu'ils auraient conçu une société où les machines auraient remplacé les esclaves (les outils).

La finalité du travail aurait eu dès lors un tout autre sens. Le machinisme ne devrait-il pas, rétrospectivement, donner à la boutade d'Aristote le sens d'une prophétie ? Pour la philosophe Hannah Arendt (1906-1975), l'automatisation rend progressivement le travail superflu, alors même que le travail est partout glorifié et qu'il constitue la clé de toute reconnaissance sociale.

Il semble qu'aujourd'hui, le châtiment ne soit plus dans le travail, mais dans sa privation.

Privé d'emploi, l'individu est stigmatisé comme inutile à la communauté et à lui-même.

On ne saurait pourtant réduire l'activité humaine au travail économiquement productif.

Il reste donc à inventer les conditions d'un partage équitable du travail, qui permette à tous d'avoir également accès au loisir.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles