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Sur quoi repose le droit de punir ?

Extrait du document

« APPROCHE: 1.

Comprendre la question La question suppose qu'il existe un droit de punir, qui ne se réduit pas à la pure violence, mais est autorisé et encadré par la loi {présupposés).

La question porte sur l'origine ou le fondement de ce droit.

Punir consiste à appliquer un châtiment à quelqu'un pour une faute commise.

C 'est le privilège des parents ou des éducateurs envers les enfants, ou de l'État envers les criminels ; il faut donc une autorité reconnue, et une bonne raison pour justifier ce droit (le devoir d'éduquer pour les parents, le devoir de faire respecter la loi pour l'État).

À ces conditions, punir est un droit ; hors de cela, punir devient vengeance ou violence arbitraire, non un droit.

Le droit de punir définit aussi la justice pénale (tribunaux, juges, personnels chargés de l'application des peines) ; il vise, non à réparer le tort commis, mais à le sanctionner {analyser les termes).

Si l'on peut légalement punir, d'où vient la légitimité de ce droit {reformuler la question) ? 2.

Dégager la problématique et les enjeux La question pose le problème du rapport entre droit et violence {identifier les notions).

En effet, le droit et la loi visent, en principe, à empêcher le recours à la violence dans le règlement des conflits entre les hommes.

Or, par le droit de punir, la loi et l'État s'arrogent le droit d'exercer la violence.

L'État, dit Max Weber, « est le monopole légitime de la violence ».

Il peut paraître contradictoire que la loi use de violence pour empêcher la violence.

Poser cette question revient à distinguer une force légale et une violence illégale ; mais aussi à s'interroger sur la légitimité de cette distinction : comment justifier un droit à la force, alors que les deux choses devraient s'exclure ? Le « droit de punir » ne revient-il pas au droit du plus fort ? Pourquoi est-il réservé à quelques uns ? Peut-on lui trouver un fondement rationnel, ou est-il le fruit d'une coutume ? Enfin, la logique non violente du droit ne devrait-elle pas conduire à un renoncement au droit de punir ? Mais est-il possible d'avoir un droit sans force ? En tant qu'êtres responsables, nous avons la certitude d'avoir à rendre compte de nos actes.

Nous sommes aptes aux sanctions dans la mesure où nous comprenons que cette reddition de comptes ne saurait rester sans effet.

Dans la vie pratique, nous savons qu'une erreur entraîne un échec, qu'une inobservation des règles pratiques est suivie de conséquences parfois redoutables.

Si nous marchons au hasard dans la rue, en rêvant, nous risquons de nous faire écraser.

L'effet néfaste pour nous d'une conduite mal réglée nous paraît être une suite naturelle, inscrite dans la nature des choses.

Sur le plan de la vie morale, les conséquences de nos actions, sont les sanctions.

Nous les admettons certes, mais non sans réticences.

Nous avons commis une action jugée répréhensible, qu'une punition s'ensuive, cela n'est pas toujours accepté de bonne grâce.

Pourquoi ? Dans la question des sanctions, il s'interpose entre l'acte et sa conséquence, la punition, quelque chose d'autre.

La relation n'est pas directe, mais médiatisée sur la présence d'une autorité à qui revient le pouvoir d'établir un lien entre l'acte commis et la sanction.

Il nous apparaît que ce qui est jugé et sanctionné, c'est moins notre acte en lui-même, que la désobéissance à l'autorité.

Si l'autorité est représentée par nos parents, si nous avons transgressé un interdit, sommes-nous punis par l'autorité familiale, simplement parce que l'acte, qui ne nous a pas semblé répréhensible, l'est aux yeux de cette autorité.

Généralisons.

La société est une autorité qui exige obéissance de la part de chacun de ses membres.

Elle punira tout manquement aux codes qu'elle a édictés.

Dans tous les cas, nous sommes punis par une autorité supérieure ; elle prononce la sanction, elle s'attribue le droit de punir. Deux questions principales se posent donc : l'une, relative à la nature de l'autorité qui punit.

L'autre concerne le rôle de la punition.

Elles se posent, parce que le droit de punir n'est pas sans présenter un caractère tragique.

Dans les relations entre individus, un adulte et un enfant par exemple, c'est le plus fort qui s'arroge le droit de punir, et augmente ainsi sa puissance d'un pouvoir exorbitant.

Au niveau de la vie sociale, le droit de punir, dans les faits n'appartient peut-être pas à une autorité émanée du corps social tout entier, mais à la fraction socialement dominante de cette société, éventuellement à un homme, le tyran, qui augmentent ainsi leur supériorité de fait d'un pouvoir légal.

Le droit de punir confère un pouvoir extraordinaire sur l'individu soumis à l'autorité. Dans l'histoire, nous connaissons par exemple, l'autorité du père de famille, disposant à son gré et sans limitation d'un droit absolu sur tous les autres membres de la famille.

Sous l'ancien régime, les peuples ont vécu dans l'angoisse des abus de la justice, dont la lettre de cachet, est comme le symbole. L'autorité qui dispose du droit de décerner les punitions a souvent imposé des peines excessives, arbitraires, assorties de procédés barbares, de supplices. Derrière ce droit, se profile l'ombre des gibets, la flamme des bûchers, les expéditions « punitives », les exécutions sommaires. Inversement, on n'imagine pas une société qui n'aurait pas le moyen de faire respecter la loi.

Le droit de punir se réfère à l'idée d'ordre, comme une réaction du corps social à un danger qui la menace.

Il s'agit d'une préservation du corps social, qui exclut tout délinquant, on le force à restaurer l'équilibre rompu par l'acte délictueux. On voit ici que, en fait, le droit de punir est conféré à la société, par les membres eux-mêmes si on les considère comme capables d'atteindre à l'intégrité du corps social, comme incapables d'obéir à la loi, par simple respect.

S'il faut ajouter la crainte, la terreur, pour que les hommes n'entrent pas en rapport les uns avec les autres, selon la loi de leurs instincts violents, le droit de punir est justifié.

L'incapacité à se conduire raisonnablement, pour soi-même et par soi-même, autorise l'intervention d'une autorité, on le voit bien dans l'exemple de la vie scolaire, ou les autorités constituées interviennent principalement pour rétablir un ordre troublé qui, il faut bien le dire, était nuisible aux élèves eux-mêmes. Mais nous apercevons maintenant que si le droit de punir se justifie en fait, et si d'autre part, il risque, en fait, d'être lui-même répréhensible, c'est lorsqu'il celle d'être un moyen et qu'il devient pour l'autorité une fin. Le problème de la nature de l'autorité, celui du rôle de la punition se ramènent à ce seul problème.

L'autorité elle-même doit réciproquement reconnaître une autorité, à laquelle elle puisse rendre des comptes.

Le droit de punir est une mission lourde, entraînant une responsabilité grave.

Sentant cela, un grand nombre de sociétés ont eu recours pour fonder le droit de punir à une métaphysique.

L'autorité, le souverain tiendrait ce droit d'une délégation divine, d'un absolu qui pourrait jouer, pour un esprit religieux, comme limitation de l'autorité sociale d'un homme ou d'un appareil punitif. Cette idée se retrouve dans les sociétés modernes sous une autre forme, dans la tendance à limiter et réglementer le droit de punir.

Il y a des règles auxquelles l'autorité doit se soumettre elle-même, car elle n'agit plus qu'en vertu d'un mandat reconnu par tous les membres du corps social.

La loi au nom de laquelle le magistrat décerne les sanctions punitives, doit être antérieure à l'accusation, et, en somme, supérieure à l'autorité elle-même.

Nul homme ne peut être puni qu'à partir d'une loi existante, dans des conditions préalablement fixées et dans une mesure que le code détermine. Ainsi la Déclaration des droits de l'homme stipule que nul homme ne peut être accusé, arrêté, et détenu que dans les cas déterminés par la loi, et dans les formes qu'elle a prescrites. L'autorité est limitée et le droit de punir réglementé du fait que la loi et les sanctions prévues forment un tout.

A insi, la punition ne dépend pas du bon plaisir de l'autorité mandatée, mais de la loi elle-même. Si nous nous dégageons de ces dispositions légales, il apparaît que l'autorité, responsable de l'application des sanctions, ne peut détenir le droit de punir que si elle se réfère à une loi morale qui lui est supérieure.

L'autorité ne dispose de ce droit que pour écarter des relations humaines, l'arbitraire des passions, l'incohérence des inégalités de fait.

Comment pourrait-elle accomplir sainement cette tâche, si elle devient elle-même arbitraire, dépendante de passions ou d'intérêts, assouvissement d'un orgueil démesuré, ou de rancunes personnelles. L'autorité détentrice du droit de punir ne peut être incontestable que si elle observe la loi morale, que si la maxime de son action se réfère à la raison, à l'universalité.

La justice, comme vertu morale, est sa référence et son fondement. De ce point de vue, la société elle-même, d'où émane l'autorité, est susceptible d'un jugement moral.

On peut se demander si la société elle-même ne doit pas tenir compte des maux sociaux dont elle est responsable, et qui sont à l'origine des délits et des crimes.

En un sens, la société, lorsqu'elle punit, se punit elle-même.

C 'est pourquoi de nombreux théoriciens de la morale pratique ont tendance à considérer la sanction, non pas comme une mesure de préservation, mais comme l'un des éléments d'une thérapeutique sociale ; on admet que l'on puisse surseoir aux peines, ou les adoucir par des circonstances atténuantes.

A insi le droit de punir cesserait-il d'être l'imposition mécanique d'un système répressif se référant à un ordre estimé immuable, mais l'exercice d'une fonction difficile, à la fois, réformatrice de la société, et rééducatrice des fautifs.. »

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