Aide en Philo

Suis-je ce que je connais le mieux ?

Extrait du document

« En quoi la connaissance de soi diffèrerait-elle de la connaissance des autres objets, pour qu'un sujet puisse dire qu'il est ce qu'il connaît le mieux ? Il faut immédiatement remarquer que la connaissance de soi, avant de différer en quantité de la connaissance que l'on peut avoir des autres objets, en diffère en qualité.

En effet dans la connaissance que nous avons des choses autres que soi-même, le sujet de la connaissance et l'objet diffèrent.

Par exemple lorsqu'un homme apprend le fonctionnement d'un moteur, le moteur est un objet différent de lui, qu'il observe donc de l'extérieur.

A l'inverse, dans la connaissance de soi, le sujet et l'objet de la connaissance coïncident, puisque le sujet se prend lui-même pour objet de sa connaissance.

On peut alors se demander si cette connaissance par introspection, où le sujet et l'objet coïncident, est seulement possible.

Ensuite, il convient de se demander si cette connaissance est plus sûre que la connaissance où le sujet prend en vue un objet de connaissance extérieur à lui-même.

Enfin on pourra se demander si le sujet lui-même n'est pas constitué par son rapport à autrui, de telle sorte qu'il ne serait pas possible de se connaître soi-même indépendamment des échanges que nous avons avec nos semblables.

Il se pourrait alors que la connaissance de soi passe toujours par une connaissance de l'autre. I.

Si le sujet est ce qu'il connaît le mieux, c'est qu'il se définit avant tout par sa conscience Pour se connaître lui-même, le sujet a besoin de pouvoir se prendre comme objet de connaissance.

Dans quelle mesure cela est-il possible ? Une condition de possibilité de la connaissance de soi par soi est la réflexivité.

La réflexivité désigne la faculté pour une instance de connaissance, de pouvoir se prendre soi-même pour objet.

Or le sujet jouit bien d'une telle capacité de réflexivité, car le sujet se définit d'abord par la conscience, qui est elle-même une faculté réflexive, qui peut se prendre pour objet.

Dans les Méditations métaphysiques, au terme de l'épreuve du doute méthodique, Descartes découvre le cogito, comme première vérité indubitable.

En effet pour penser il faut être, donc puisque je pense, je suis.

Si je suis ce que je connais le mieux, c'est d'abord parce que la connaissance de la certitude de sa propre existence est la première connaissance qui soit absolument certaine.

Donc dans l'ordre de la connaissance, la connaissance de soi vient en premier.

Ensuite dans cette première connaissance qu'il a de lui-même, le sujet se découvre avant tout comme esprit, parce qu'il pourrait imaginer ne pas avoir de corps et rester le sujet qu'il est, mais si on le privait de son esprit il cesserait d'être ce qu'il est.

Donc puisque le sujet se définit par son esprit, et que cet esprit peut se prendre directement pour objet, il est ce qu'il connaît le mieux.

C'est pourquoi dans la 4 ème partie du Discours de la méthode, Descartes écrit que l'âme, ou l'esprit, est plus aisé à connaître que le corps. II.

Mais la conscience n'est qu'une partie du sujet.

L'inconscient échappe dans une grande partie au sujet, qui dès lors ne se connaît pas intégralement La conception cartésienne du sujet repose sur le présupposé que le sujet se définit seulement par la conscience. Or on peut mettre ce présupposé en question.

Freud explique que la conscience n'est qu'une partie du psychisme humain, qui serait composé du ça, du moi, et du surmoi.

Le ça correspond à l'activité inconsciente et pulsionnelle du sujet (c'est-àdire l'ensemble des désirs dont on n'a pas conscience).

Le surmoi c'est l'ensemble des interdits sociaux (ne pas tuer, ne pas voler, ne pas avoir de relations sexuelles à l'intérieur de la famille, ce que l'on appelle l'interdit de l'inceste).

Le moi essaye de satisfaire à la fois le ça et le surmoi, c'est-à-dire qu'il essaye de faire en sorte que les désirs profonds soient assouvis, mais sans que cette réalisation ne transgresse les lois humaines (ce sera par exemple avoir un rapport sexuel pour assouvir un désir, mais dans les limites autorisées par la société, donc ni à l'intérieur de la famille, ni avec un enfant, etc.).

Mais certains désirs que ne peut accepter le surmoi sont chassés de la conscience, ce que montre par exemple le phénomène des rêves.

Dans L'interprétation des rêves, Freud explique en effet que dans le rêve, des désirs inconscients sont réalisés symboliquement (par exemple je déteste sans le savoir une personne donnée, et je rêve que je la tue).

Dans cette mesure je ne suis pas nécessairement ce que je connais le mieux, puisque cette connaissance que j'ai de moi exige parfois un travail d'interprétation compliqué (par exemple en analysant le contenu d'un rêve pour comprendre son sens). III.

Pour se connaître on a besoin des autres, qui nous révèlent à nous-mêmes. Si je ne suis pas nécessairement ce que je connais le mieux, c'est aussi parce que ce que je suis dépend des relations que j'ai avec les autres.

On le voit avec le phénomène des enfants sauvages, qui ont grandi indépendamment de tout rapport avec les hommes, et qui ne jouissent pas de l'accès à la réflexivité de la conscience dont nous avons parlé en première partie.

Pour pouvoir se rapporter à soi (et donc se connaître soi), il faut avoir fréquenté les hommes, avoir été initié au langage, qui permet de penser, et de se penser soi-même.

Emmanuel Lévinas explique dans Totalité et infini, que l'on ne se découvre que par l'autre.

En effet dit Lévinas, un sujet se définit d'abord moralement par sa capacité à respecter autrui.

Quelqu'un qui est prêt à tuer une autre personne ignore son humanité véritable, parce qu'il ignore la caractère sacré de la personne humaine.

Il ignore donc en lui-même ce caractère sacré.

Donc pour se connaître comme sujet humain, il faut nécessairement reconnaître l'humanité en l'autre.

En ce sens on peut dire que la connaissance de soi n'est pas indépendante de la connaissance de l'autre, et que l'on ne se connaît qu'à travers les autres. Conclusion On peut considérer que le sujet est ce qu'il connaît le mieux si l'on identifie le sujet à sa conscience, parce que la conscience a la capacité de se saisir elle-même.

Mais c'est manquer toute la dimension inconsciente du sujet, mise au jour par la psychanalyse.

De plus le sujet humain ne se connaît lui-même qu'à travers la fréquentation des autres êtres humains.

Mais on peut par contre affirmer que la connaissance que le sujet a de lui est d'une nature particulière, qui diffère radicalement de la connaissance qu'il a des autres choses.

En effet, en se rapportant à lui-même, le sujet peut faire l'expérience de sa liberté, et de sa possibilité de se changer lui-même.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles