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Suffit-il d'être indépendant pour être libre ?

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« [Introduction] Définir la liberté par l'indépendance, est-ce déterminer suffisamment la liberté ? Ou : l'ensemble des caractères qui appartiennent au concept de liberté est-il suffisamment déterminé par ce terme d'indépendance ? Ou encore : la liberté peut-elle se définir par l'absence de contraintes, l'indépendance signifiant n'être soumis à rien ni à personne, être sans entraves ? Le terme liberté est ambigu.

Le sens commun définit la liberté comme le pouvoir de faire ce qui plaît ou le pouvoir de se libérer des contraintes, ces contraintes étant d'ordre social, politique, familial, etc. Être libre s'identifie-t-il alors à cette définition négative de la liberté qui est de n'être soumis à rien ni à personne ? [I.

Être libre, est-ce vivre sans contraintes ?] Partons de la conception naïve de la liberté telle qu'on la trouve affirmée par Calliclès dans le Gorgias de Platon.

Ce personnage fait un éloge des passions : « Pour bien vivre, il faut laisser prendre à ses passions tout l'accroissement possible, au lieu de les réprimer », dit-il dans le Gorgias. C'est la seule façon d'être libre et heureux : satisfaire sans limites les passions les plus débridées.

Cette position extrême constitue aussi la façon d'être le plus esclave de ses impulsions, puisque les passions peuvent asservir.

On dépend de ses passions.

Certes, il existe une liberté de fait : être libre, c'est ne pas être entravé dans ses mouvements, pouvoir se déplacer sans aide.

C'est aussi pouvoir jouir des biens matériels – être indépendant financièrement.

Si l'on est au chômage, on dépend des systèmes sociaux, du recruteur, etc.

Il en est de même de la liberté politique : la république instaure dans sa constitution la liberté et l'égalité en droits, contrairement aux dictatures qui ne laissent pas de marge d'indépendance à l'égard du pouvoir. La liberté dont il est ici question, se définirait par l'absence de contraintes physiques et externes.

Est libre non seulement celui qui n'est ni malade, ni infirme, ni esclave, ni prisonnier, mais encore celui qui sait se libérer des contraintes intérieures que sont les passions.

Mais on peut se demander s'il existe en l'homme un pouvoir de décider et d'agir indépendamment de toute influence extérieure et de toute détermination intérieure.

Si être libre s'identifie, en première analyse, à être indépendant, cela est-il suffisant pour cerner le concept de liberté ? [II.

Être libre, est-ce être indéterminé ?] Il s'agit maintenant de s'interroger sur le libre arbitre : l'homme aurait la faculté de se choisir et même, comme le dit Sartre, de s'inventer ; en effet, «l'existence précède l'essence », c'est-à-dire qu'il n'existe pas de nature humaine. L'homme existe avant de se définir.

La célèbre formule sartrienne, «L'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait », signifie que le libre arbitre est absolu et que rien n'est jamais déterminé à l'avance.

L'homme est absolument libre et absolument responsable. Mais la position de Sartre n'admet aucune influence autre que notre choix, sans cesse remis en question.

Une totale indétermination – agir sans motif – ne suffit pas à rendre compte de la liberté. Être libre suppose la maîtrise de soi, la réflexion, la raison : volonté et liberté sont intimement liées.

Certes, la liberté d'indifférence est toujours la liberté, mais être vraiment libre, c'est choisir rationnellement, c'est-à-dire clairement et distinctement, comme le préconise Descartes (Méditations, IV). Bien sûr, on peut penser, comme Spinoza, que le libre arbitre est une illusion, et que, comme l'univers, l'homme est soumis à la nécessité et au déterminisme.

Être libre ne peut donc pas se définir comme être indépendant : au contraire, « une chose est dite libre quand elle existe par la seule nécessité de sa nature ». Il ne suffit pas d'être indépendant – sans contraintes – pour être libre. Il est nécessaire d'avoir une certaine indépendance, comme nous l'avons vu précédemment, mais cela ne suffit pas.

Que faut-il donc pour être libre ? [III.

Être libre, c'est être autonome] Si être libre n'est ni faire ce que l'on veut, comme Calliclès, ni être dans l'absolue indétermination, comme le pense Sartre, et si nous pensons que la liberté est possible, nous pouvons partir de la définition cartésienne qui repose sur la maîtrise de nos choix par la raison. Être libre serait comprendre que nous appartenons, comme l'explique Kant, à deux mondes : en tant qu'être physique et plongé dans le temps, dans l'histoire, l'homme est soumis à la causalité et au déterminisme naturel.

Par conséquent, il n'est pas libre.

Mais en tant qu'être intelligible et rationnel, il est libre.

Kant va plus loin en affirmant l'autonomie de la volonté : c'est-à-dire se donner à soi-même sa propre loi, la loi morale inscrite en chaque homme.

Ainsi, être libre, c'est bien être indépendant – physiquement et matériellement sans entraves –, mais c'est surtout comprendre que la loi morale ne peut s'épanouir que dans la contrainte que l'on s'est donnée. Car être indépendant, autonome, est une rude tâche : beaucoup préfèrent rester mineurs, c'est-à-dire ne pas oser penser par eux-mêmes.

Par manque de courage, les hommes préfèrent la dépendance.

C'est pourquoi il est nécessaire de s'émanciper de toute autorité pour être libre.

Mais cela ne suffit pas.

Il faut ensuite construire son autonomie au sens kantien du terme : comprendre qu'être libre, ce n'est pas être indépendant à l'égard de toute loi.. »

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