Suffit-il d'être certain pour être dans le vrai
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«
Suffit-il d'être certain pour être dans le vrai?
INTRODUCTION
Toute pensée se voulant sérieuse est en quête de la vérité.
Mais à quoi se reconnaît cette dernière? Qu'est-ce qui peut nous garantir sa
présence? La certitude est-elle un indice suffisant de la vérité?
I.
LA TRADITION CARTÉSIENNE
— La certitude accompagne les idées claires et fondamentales: je suis certain de ne pas me tromper en affirmant «je pense donc je
suis » parce que l'équivalence entre la pensée et l'être ne peut être rationnellement mise en doute.
De même, je sais avec certitude ce
que signifie «exister », parce que le concept est présent dans mon esprit de telle façon que je peux le ramener à des idées plus
simples.
— Rappeler la position de Spinoza: l'idée vraie s'accompagne de certitude (la vérité est index sui) car sinon (si l'on pensait que la
certitude dépend d'autre chose que de l'idée vraie elle-même) on se trouve contraint à un
interminable travail de vérification des idées les unes après les autres.
Donc, «pour avoir la
certitude de la vérité il n'est besoin d'aucun autre signe que la possession de l'idée vraie...
personne, en dehors de celui qui possède l'idée adéquate ou l'essence objective de quelque
chose, ne peut savoir ce qu'est la certitude suprême » (Traité de la réforme de l'entendement).
La vérité est-ce l'évidence ?
La réponse la plus simple est celle-ci : le jugement vrai se reconnaît à ses caractères
intrinsèques : il se révèle vrai par lui-même, il se révèle vrai par lui-même, il se manifeste par
son évidence.
C'est le point de vue de Spinoza (« Ethique », II, 43).
« La vérité est à elle son
propre signe » (« verum index sui »).
« Celui qui a une idée vraie sait en même temps qu'il a
cette idée et ne peut douter...
Quelle règle de vérité trouvera-t-on plus claire et plus certaine
qu'une idée vraie ? De même que la lumière se montre soi-même et montre avec soi les
ténèbres, ainsi la vérité est à elle-même son critérium et elle est aussi celui de l'erreur.
» Pour
Descartes, comme pour Spinoza, une idée claire & distincte qui apparaît évidente est une idée
vraie et il n'y a point à chercher au-delà.
« Les idées qui sont claires & distinctes ne peuvent
jamais être fausses » dit Spinoza.
Descartes écrit de son côté : « Et remarquant que cette
vérité : je pense donc je suis était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes
suppositions étaient incapables de l'ébranler, je jugeais que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la
philosophie....
Après cela je considérai en général ce qui est requis à une proposition pour être vraie et certaine, car puisque je
venais d'en trouver une que je savais être telle, je pensais que je devais aussi savoir en quoi consiste cette certitude.
Et ayant
remarqué qu'il n'y a rien du tout en ceci : je pense donc je suis, qui m'assure que je dis la vérité sinon que je vois très
clairement que pour penser il faut être : je jugeais que je pouvais prendre pour règle générale que les choses que nous
concevons fort clairement et fort distinctement sont toutes vraies.
»
C'est donc dans l'intuition de l'évidence des idées claires et distinctes que Descartes situe le critère du vrai ; une perception
claire de l'entendement étant « celle qui est présente et manifeste à un esprit attentif » et « distincte, celle qui est tellement
précise et différente de toutes les autres, qu'elle ne comprend en soi que ce qui paraît manifestement à celui qui la considère
comme il faut.
» (« Principes », I, 45).
— Une telle conception suppose toutefois que la connaissance se règle sur l'objet lui-même, qui s'offre à l'esprit tel qu'il est dans sa
réalité, et la vérité est alors une qualité de l'idée.
Or,
• la critique kantienne nous enseigne que ce dévoilement de l'objet par lui-même
risque d'être modifié par la structure même de nos moyens de connaissance;
• la notion de vérité n'est plus aujourd'hui conçue comme s'appliquant à des idées (ce qui la confond avec la réalité de l'objet dont il y
a idée), mais comme concernant des jugements ou propositions.
Le problème doit donc être reposé différemment.
II.
LA CERTITUDE SENSIBLE
— Le rapport immédiat avec un objet passe d'abord par les sens.
Je puis être certain de ce que je ressens — mais aussi bien la
philosophie que l'histoire de la science m'avertissent que de cette certitude intime, il est dangereux de conclure qu'elle accompagne un
jugement vrai sur l'objet.
— Il existe en effet des erreurs de perception, ou de fausses perceptions (mirages, illusions des amputés) qui sont bien accompagnées
de certitude.
Dans de tels cas, la seule vérité que garantisse cette dernière concerne ce que je peux dire à propos de l'état de ma
subjectivité, mais non mon rapport au monde extérieur.
— De la même façon, je peux être certain d'avoir raison, parce que j'y suis poussé par de multiples déterminations (je fais confiance
aux informations que j'ai recueillies, ou au théoricien dont je répète les analyses ou la position en raison même de son « autorité », ou
à ce qui me paraît constituer un ensemble incontestable d'« évidences »...).
Mais il est toujours possible que j'ai tort (parce que je suis
mal ou insuffisamment informé, parce que l'autorité à laquelle je me réfère est elle-même dans l'erreur, etc.).
— Dans de telles situations, la certitude est un sentiment trop grossier ou simple pour correspondre aux conditions dans lesquelles une
vérité peut être élaborée.
Et il en est ainsi dès qu'il s'agit du « réel », de l'univers empirique: la vérité qui le concerne demande à être
élaborée scientifiquement, c'est-à-dire avec des méthodes et des concepts trop complexes et éloignés de l'intuition pour que la
certitude s'y trouve en jeu..
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