Suffit-il de savoir pour pouvoir ?
Extrait du document
«
[Le savoir permet d'agir, mais aussi d'avoir une emprise
sur les choses.
L'ignorance s'oppose au savoir comme
l'impuissance s'oppose à la puissance.
L'homme
ne maîtrise que ce qu'il sait.]
L'ignorance paralyse l'action
De même que l'âne de Buridan, aussi affamé qu'assoiffé, est mort parce que, se trouvant à égale distance
d'un sceau d'eau et d'un picotin d'avoine, ignorait s'il lui fallait commencer d'abord par boire ou par manger, de
même, je ne peux pas agir si je ne sais pas ce que je veux, ce a quoi j'aspire; si j'ignore tout de la nature des
phénomènes que j'observe.
Qui dit savoir dit pouvoir" - On ne commande la nature qu'en lui obéissant." Bacon
Cette citation de Francis Bacon met en avant le problème classique du rapport homme/nature.
En
effet, par la science, l'homme cherche à mieux comprendre la nature en visant l'idéal d'une connaissance
parfaite de celle ci et par la technique, il a su appliquer son savoir acquis par l'expérience et
l'observation et ce dans un but précis : maîtriser la nature.
Dans la Bible, l'homme a été placé au centre
de l'univers, il règne sur la Terre et en est la maître.
Ainsi, comment concevoir que lui , être doué de
raison, ne pourrait prendre le dessus sur l'ensemble des éléments de la nature qui ne sont au mieux que
des organismes vivants mais non conscients de leur existence?
De là, on peut s'étonner de l'apparente contradiction que Bacon offre dans sa citation, comme
concevoir d'obéir à la nature et de la commander par le même processus? Il faut pour cela s'attarder sur
les progrès techniques.
Prenons l'exemple de l'agriculture, pour pouvoir faire pousser des végétaux,
l'homme doit connaître tous les processus propices à la floraison, les périodes favorables à la moisson, le
mode d'alimentation des plantes etc.
Tout cela dans le but de pouvoir s'approprier la faculté de faire ses
propres récoltes, en quantité suffisante et dans des endroits qui lui conviennent.
L'homme doit donc
connaître les règles de la nature et s'y conformer pour pouvoir utiliser la nature à son avantage.
Ainsi,
obéir, n'est ce pas suivre des règles strictes et sans échappatoire possible? L'homme doit obéir à la
nature, suivre ses modes de fonctionnement pour pouvoir ensuite l'utiliser, la maîtriser selon son gré.
C'est donc par la technique, comme le soutient Descartes, que l'homme se rend maître et possesseur de
la nature.
Dans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637),
Descartes met au jour un projet dont nous sommes les héritiers.
Il
s'agit de promouvoir une nouvelle conception de la science, de la
technique et de leurs rapports, apte à nous rendre « comme
maître et possesseurs de la nature ».
Descartes n'inaugure pas
seulement l'ère du mécanisme, mais aussi celle du machinisme, de
la domination technicienne du monde.
Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de la
philosophie, c'est qu'il rompt de façon radicale et essentielle avec
sa compréhension antérieure.
Dans le « Discours de la méthode »,
Descartes polémique avec la philosophie de son temps et des
siècles passés : la scolastique, que l'on peut définir comme une
réappropriation chrétienne de la doctrine d'Aristote.
Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à la
philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles » une «
philosophie pratique ».
La philosophie spéculative désigne la
scolastique, qui fait prédominer la contemplation sur l'action, le
voir sur l'agir.
Aristote et la tradition grecque faisaient de la
science une activité libre et désintéressée, n'ayant d'autre but
que de comprendre le monde, d'en admirer la beauté.
La vie active
est conçue comme coupée de la vie spéculative, seule digne non
seulement des hommes, mais des dieux.
Descartes subvertit la tradition.
D'une part, il cherche des « connaissances qui soient fort utiles à la vie
», d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature, mais construit des
objets de connaissance.
Avec le cartésianisme, un idéal d'action, de maîtrise s'introduit au coeur même.
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