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Sommes-nous conscients ou avons-nous à nous rendre conscients ?

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« Introduction La conscience se donne comme une ouverture sur le monde, comme la mise en relation du sujet à autre chose que lui-même.

Être conscient, c'est toujours être en rapport avec un objet, c'est-à-dire quelque chose qui est posé devant moi (du latin objectum: «placé devant»): il peut s'agir soit des objets extérieurs qui se donnent dans l'espace à la perception sensible, soit des objets intérieurs («états d'âme» ou perceptions corporelles) qui passent et qui à ce titre doivent être distingués du sujet qui, lui, ne passe pas (du latin subjectum: «ce qui est jeté dessous», «se tient en dessous», «subsiste»).

Mais cette relation du sujet à un objet est-elle une donnée, un état que l'homme découvre en lui? Sommes-nous depuis toujours installés dans cette condition naturelle ou bien avonsnous eu à la conquérir? Est-elle acquise une fois pour toutes? Ou bien notre degré de conscience est-il le fruit d'un effort, d'un travail permanent? 1.

La conscience comme condition naturelle A.

La conscience, fonction sensorielle? Il est tentant de mettre l'ouverture du sujet au monde au compte de ses appareils sensoriels.

La conscience n'estelle pas, en l'homme comme chez les animaux, un prolongement des sens? Les sens livrent à l'être vivant des informations sur le milieu extérieur qui lui permettent de s'y orienter.

Être sensible à ce qui environne, n'est-ce pas déjà une forme de conscience? Ainsi, être conscient reviendrait à voir, entendre, sentir, toucher ou goûter.

La suspension des fonctions sensorielles, dans le sommeil par exemple, entraîne d'ailleurs une perte de conscience. On peut toutefois se demander s'il suffit de sentir pour prendre conscience.

Percevoir, n'est-ce pas en effet toujours reconnaître, saisir quelque chose à travers ce qui est senti (ce que laisse entendre l'étymologie latine du verbe percevoir: per capere, «saisir à travers»)? L'expérience immédiate de la sensation ne livre pas le recul constitutif de la conscience: percevoir, ce n'est pas seulement recevoir; c'est s'apercevoir de ce qui est perçu. B.

La conscience, fonction intellectuelle? Il ne suffirait pas d'avoir des sens pour être conscient.

II faut supposer une pensée au-delà des sensations pour que celles-ci puissent être comprises et reconnues.

Sans cette reconnaissance, les sens restent aveugles.

La conscience, chez l'homme, enveloppe ainsi toujours de l'intelligence, ce qui la distingue sans doute de la conscience animale, strictement sensorielle.

Si les animaux ne pensent point, il faut admettre alors aussi que le monde dont nous avons conscience n'existe pas pour eux.

Nous évoluons, eux et nous, dans des univers parallèles. Mais quelle est cette pensée qui rend l'homme conscient? Elle ne permet pas seulement de déchiffrer ce que nous livrent nos sens, elle est toujours aussi déchiffrage d'elle-même.

Penser, c'est toujours se dédoubler: c'est à la fois penser et savoir qu'on pense.

Autrement dit, le sujet conscient n'est pas seulement ouverture sur un objet mais aussi retour sur lui-même: toute conscience est conscience de soi.

Cette réflexivité de l'expérience de la conscience est une structure que le sujet découvre en lui, qu'il peut décrire mais qu'il ne peut produire. C.

La conscience, trouble fonctionnel? On peut s'interroger sur l'origine de cet état de dédoublement réflexif du sujet qui définit, comme nous venons de le voir, la conscience.

Si l'homme se distingue par sa capacité à prendre conscience du monde et non pas seulement à répondre aux sollicitations sensorielles de l'environnement, c'est peut-être au prix de la perte d'une certaine cohésion intérieure.

L'être conscient adhère-t-il en effet encore à lui-même? Peut-il encore être spontané s'il fait toujours retour sur lui-même? Réflexions, doutes, hésitations, débats intérieurs...

semblent témoigner d'une véritable incapacité à être, à s'affirmer, à accepter la vie dans ce qu'elle a d'immédiat et de changeant.

L'homme conscient, ne se confondant pas avec ce qu'il ressent immédiatement, paraît être un animal malade de lui-même. Qu'elle soit conçue comme normale ou comme pathologique, la conscience semble être, d'après ce qui précède, une condition que l'homme subit, qu'il trouve en lui comme son horizon naturel.

Or ne se pourrait-il pas que l'homme ne soit pas spontanément conscient mais le devienne en participant à la communauté humaine? 2.

La conscience comme effet culturel A.

Le rôle du langage dans la conscience Nous avons souligné plus haut que la conscience consistait non pas en une simple réceptivité sensorielle mais surtout en un dédoublement réflexif.

Or n'est-ce pas le langage qui nous permet de prendre ce recul par rapport à ce que nous ressentons? Percevoir, avons-nous dit, consiste toujours à reconnaître un objet.

Mais qu'est-ce que reconnaître si ce n'est être en mesure de nommer ou d'articuler verbalement ce qui est perçu? Prenons l'exemple d'un état intérieur.

Lorsque je m'aperçois que j'ai chaud, que je m'ennuie ou que je suis amoureux, la prise de conscience n'est pas l'effet de la présence en moi de la seule sensation ou du simple sentiment.

Quelques secondes avant de m'apercevoir de la chaleur ambiante, mon corps avait déjà chaud.

La prise de conscience à proprement parler n'a lieu qu'à partir du moment où je me dis: «Il fait chaud!» Sans les mots, nous serions la proie de nos sensations sans être capables d'y distinguer quoi que ce soit; nous subirions l'existence et nous ne serions conscients de rien; nous réagirions instinctivement sans jamais rien comprendre.

Bref, «nous», en tant que sujets conscients, n'existerions même pas. B.

Le monde est construit C'est donc une illusion de croire que le monde dont nous avons conscience existe par lui-même et se révèle. »

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