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Si la technique est libératrice, de quoi nous libère-t-elle ?

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« Pourquoi la question ? Attention ! Le libellé du sujet peut inciter à produire un catalogue des misères et difficultés dont nous libère la technique.

Il faut veiller à ne pas se contenter d'une énumération et donner au développement un tour véritablement interrogatif. L'enjeu du sujet est de clarifier le rapport de la technique avec la liberté en regard de deux lieux communs contradictoires : l'apologie du progrès vante toujours le caractère libérateur de la technique, tandis que, de Rousseau à Heidegger, bien des critiques dénoncent la servitude de l'homme à l'égard de la technique.

Il faut bien prêter attention à la forme hypothétique du sujet : « Si la technique est libératrice...

» : on ne considère donc pas d'emblée qu'elle le soit. De quoi la technique nous libère-t-elle ? Ici les exemples sont nombreux et faciles à trouver; il ne faut pourtant pas se contenter d'une accumulation mais tenter de les organiser dans des catégories générales.

La technique peut nous libérer dans notre rapport à un environnement naturel souvent hostile ou même par rapport à nos conditions de vie « naturelles » ;par rapport à l'espace, au temps, au travail, aux relations sociales. En nous libérant, la technique nous rend-elle libres ? La question n'est pas contradictoire, elle n'est qu'une variante du sujet.

Il est indéniable que la technique nous libère d'un certain nombre de servitudes.

Mais l'accumulation de facilités fait-elle nécessairement de nous des hommes libres ? Attention ! Il faut éviter d'opposer à la liste des bienfaits de la technique celle de ses inconvénients : on ne répondrait pas vraiment à la question. Pour éviter le défaut de la simple énumération, on peut repartir de ce qu'est la liberté :si on la définit comme la capacité de savoir ce que l'on veut, on peut se demander si la technique, en mettant à notre disposition de plus en plus de possibilités, nous donne aussi les moyens de choisir au mieux parmi ces possibilités.

Si la liberté c'est le fait d'être vraiment soi-même, la technique, qui tend vers une standardisation croissante des produits, nous permet-elle de conserver notre identité et de l'épanouir ? [Introduction] Lorsque Descartes annonce, à la fin du Discours de la méthode, que la technique nous permettra de modifier notre existence et que, alliée à la science, elle réalisera la maîtrise et la possession de la nature, il esquisse le programme qui a, depuis le xviiie siècle, suscité le développement accéléré des techniques.

L'être humain semble trouver son avantage dans un tel développement, mais il convient de se demander pourquoi.

Si les techniques nous rendent plus aisément « comme maître[s] et possesseur[s] de la nature », est-ce d'un mouvement sans ambiguïté ? La technique est peut-être libératrice — mais de quoi peut-elle exactement nous libérer ? [I.

La technique facilite la satisfaction des besoins] Puisque le travail humain a initialement pour but de satisfaire les besoins élémentaires, l'invention technique lui est favorable.

Elle permet en effet une économie de l'énergie physique, et autorise une production plus abondante.

De ce point de vue, l'histoire du travail est aussi celle des inventions techniques, progressivement capables d'utiliser des énergies empruntées à la nature, et non plus au corps de l'homme.

Celui-ci, à en croire le Protagoras, est particulièrement peu apte à survivre : « nu, sans chaussures, ni couvertures ni armes », il doit à Prométhée le don du feu, puis de la connaissance technique qui lui permet d'obtenir de la nature de quoi répondre à ses besoins. Dès la préhistoire, l'outil est un prolongement du corps, qui assure une meilleure efficacité des gestes : il accroît la puissance d'un coup, ou précise son impact.

Au Moyen Age, l'invention du gouvernail, puis de la boussole, permet les voyages d'exploration et la « découverte » de nouveaux continents.

Dans les temps modernes, le perfectionnement des moyens de communication détermine une meilleure circulation des marchandises, tandis que la multiplication des machines-outils augmente la production dans des proportions inédites.

Marx soulignait ainsi que le monde humain avait davantage été modifié depuis les débuts du capitalisme, grâce à l'innovation technique, que durant toute l'histoire antérieure de l'humanité.

Mais il notait aussi qu'une telle accélération de l'histoire n'était bénéfique qu'à la classe dominante, dans la mesure où elle garantissait avant tout un surcroît de profit, mais se soldait pour les travailleurs par une déshumanisation plus prononcée que jamais.

Le progrès technique n'est donc pas sans ambiguïté. Toutes les sociétés en ont d'une certaine façon conscience — même si elles ne connaissent pas le concept de lutte des classes : dans de nombreuses sociétés « primitives », les forgerons sont des personnages sacrés (admirables et redoutables) en raison même de leur savoir concernant la maîtrise du feu et des métaux, qui les met en contact avec des forces ou des puissances auxquelles les hommes ordinaires n'ont pas accès.

Le mythe de Prométhée renvoie à un demi-dieu, et non aux hommes eux-mêmes, la responsabilité des premières techniques.

C'est que la technique rend plus virulente encore l'agression que tout travail inflige à la nature.

Elle exploite cette dernière de manière évidemment plus intense que le seul corps humain, lui arrachant jusqu'à ses sources d'énergie, et la modifiant de fond en comble.. »

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