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Selon un poète contemporain, le monde poétique est celui d'une « autre planète ». En vous aidant des poèmes - ou des chansons - que vous connaissez, vous vous demanderez quelles peuvent être les relations qui unissent monde poétique et monde réel. ?

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Nombre d'écrivains et de critiques se sont plu à donner des définitions de la poésie : c'est en effet une tâche difficile, car ce genre littéraire revêt des formes diverses et présente un caractère un peu magique. Ainsi, un poète contemporain considère que « le monde poétique » est celui d'une « autre planète ». Sans doute le monde de la poésie appartient à une « autre planète », mais il a tout de même beaucoup de liens avec la nôtre.

La poésie semble souvent avoir une origine « extra-terrestre », comme le suggère notre critique : c'est ce que pensaient les Anciens, c'est l'idée reprise par les poètes qui privilégient l'inspiration, et c'est ainsi qu'apparaît un monde étrange.

« Nombre d'écrivains et de critiques se sont plu à donner des définitions de la poésie : c'est en effet une tâche difficile, car ce genre littéraire revêt des formes diverses et présente un carac tère un peu magique.

A insi, un poète contemporain considère que « le monde poétique » es t celui d'une « autre planète ». Sans doute le monde de la poésie appartient à une « autre planète », mais il a tout de même beaucoup de liens avec la nôtre. La poésie semble souvent avoir une origine « extra-terres tre », comme le suggère notre critique : c'es t ce que pens aient les A nciens, c'est l'idée reprise par les poètes qui privilégient l'inspiration, et c'est ainsi qu'apparaît un monde étrange. Selon la conception antique, le poète était inspiré par les M uses, qui lui rapportaient la pensée d'A pollon : il est alors un interprète du dieu auprès des hommes, le « vates », et la poésie est considérée comme la divination ou la folie, c 'est la fureur divine, et donc le genre s acré par excellenc e.

Montaigne est largement influencé par c ette conception lorsqu'il définit ainsi le poète : «...

A ssis sur le trépied des muses, [il] vers e de furie tout ce qui lui vient en la bouche, comme la gargouille d'une fontaine, sans le ruminer et pes er.

» C ette théorie, au-delà de l'A ntiquité, est partagée par de nombreux poètes.

A insi, au xvie siècle, du Bellay se lamente de l'abandon de sa muse, il a perdu l'inspiration et ne peut donc plus écrire : « C ette divine ardeur, je ne l'ai plus aussi, Et les mus es de moi, comme étranges, s'enfuient.

» M ais c'est surtout au xixe siècle que les Romantiques ac cordent une place prépondérante à l'inspiration : la muse est toute-puissante, le poète rejette les règles ; comme dans l'A ntiquité, il a un caractère sac ré, c'est un être à part, un être supérieur.

A insi Muss et, dans « La Nuit de M ai » fait parler la muse, qui lui donne l'inspiration, et c'est dans un état second qu'il a écrit ce poème, en une seule nuit.

Dans sa pièc e C hatterton, V igny considère que le poète est un guide : « Il lit dans les astres la route que nous montre le doigt du Seigneur.

» Pour V ictor Hugo, le poète est « pareil au prophète » « C ar la poésie est l'étoile Q ui mène à Dieu rois et pasteurs.

» On peut noter d'ailleurs que ce lien entre Dieu, le poète et les hommes est souligné chez la plupart des auteurs romantiques.

Les surréalistes défendent eux aussi la même conception, mais pour des raisons différentes : ce n'est plus Dieu qui parle, mais l'inconscient.

Ils vont jusqu'à nier complètement le rôle de la pens ée ; l'inspiration seule crée la poésie sans aucun contrôle de la raison, par le biais de l'écriture automatique, définie par A ndré Breton dans le M anifeste surréaliste. La conséquence de cette création plus ou moins divine, c'est l'émergenc e d'un monde à part, aussi bien pour le poète que pour le lecteur.

Le poète vit dans une s olitude terrible, V igny le souligne dans C hatterton et dans La M ais on du Berger, V ictor Hugo dans Les Rayons et les O mbres : « C 'est lui qui, malgré les épines , L'envie et la dérision M arche courbé dans vos ruines » et Baudelaire dans L'A lbatros : « Exilé sur le s ol au milieu des huées, Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

» C ette solitude et même ce rejet que ressentent les poètes comportent cependant une contrepartie, dont ils ont le plus souvent conscience : ils vivent dans un monde d'exc eption, dans une sphère supérieure que V igny décrit ains i : « P oésie ! O trésor ! P erle de la pensée.

» C e monde semble appartenir à une autre planète pour le lecteur aus si, qui découvre un cadre irréel : il ne peut retrouver aucun pays connu dans le paysage de L'Invitation au V oyage de Baudelaire, et il ne connaît s ûrement pas de lieu où « La T erre est bleue comme une orange », comme le dit Eluard.

Il rencontre aussi des sentiments d'exception, bien éloignés de ceux de la réalité quotidienne : l'amour peint par Ronsard, Lamartine ou Baudelaire a peu de points communs avec les aventures faciles ou décevantes qu'il peut vivre, et la recherche de l'abs olu tentée par C hateaubriand, dans s a prose poétique, ou Baudelaire et V erlaine, ressemble de bien loin à ses vagues désirs de faire « autre c hose », et de s ortir du cycle infernal « métro-boulot-dodo ».

Enfin le lecteur ne reconnaît pas son langage de tous les jours : la poésie est éc rite non s eulement en vers, mais dans une langue qui transfigure la réalité.

C 'est « de la musique avant toute chose », comme le prônait V erlaine, c'est la recherche d'hallucinations, comme les traduisait Rimbaud dans ses Illuminations, où il mettait en pratique sa théorie du voyant, c'es t l'expres sion obscure des surréalistes, « dictée de la pensée en l'abs ence de tout c ontrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique et morale ». M algré son air d'« autre planète », la poésie appartient cependant à un monde qui a de nombreux liens avec le nôtre, tant par le cadre que par les sentiments exprimés dans une langue issue d'un travail certain. Le cadre poétique est certes trans formé, mais il part tout de même de la réalité.

Ronsard peint des fleurs, en général des roses , avec la plus grande précision : on le remarque dans « M ignonne allons voir si la rose » c omme dans La C ueillette d'A pollinaire, où nous assistons à tous les stades de l'éclosion et de la mort de la rose.

D e la même faç on, Lamartine, dans Le Lac, Le V allon, ou L'A utomne, décrit le lac bien précis du Bourget et des paysages d'automne conformes à ceux que nous voyons.

La vérité de la desc ription des animaux se trouve aussi bien c hez La Fontaine, qui a l'art de faire des croquis précis et res semblants du chat, du renard ou du loup, que c hez V erlaine, qui se livre à une peinture plus impressionniste de la mouette.

La présentation des pays se révèle elle aussi plus réelle qu'on ne pense à la première lecture : bien sûr, Baudelaire, dans son Invitation au V oyage, nous entraîne dans un pays imaginaire, mais qui est un mélange de pays bien préc is : la Hollande d'une part à travers ses canaux, ses vais seaux, ses « ciels brouillés » et ses « meubles polis par les ans », l'O rient d'autre part à travers s es « riches plafonds », ses « miroirs profonds », et s es « vagues senteurs de l'ambre ». D'un autre côté les sentiments sont plus vrais qu'on ne l'imagine.

On ne peut pas oublier que certains poètes décrivent ce qu'ils ont éprouvé réellement : Ronsard a vraiment aimé la jeune paysanne Marie, et la belle H élène de Surgères; du Bellay a ressenti une véritable déception à Rome, et a bien craint de perdre son inspiration ; Lamartine a été désespéré par la mort de Julie C harles, V erlaine était bien en prison quand il a écrit « Le c iel est par-dessus le toit. » Et ces sentiments restent profonds et vrais même si les poètes ont modifié certains détails : l'amour peint par Eluard, l'angoisse déc rite par Baudelaire, la peur de la mort et du temps qui fuit chantée par Lamartine ou A pollinaire restent éternels, même si des recherc hes peuvent prouver qu'ils n'éprouvaient plus ces sentiments au moment où ils ont écrit leurs œuvres. Enfin le langage harmonieux reste cependant le nôtre, et son aspect musical est bien souvent le résultat du travail.

« C e qui s e c onçoit bien s'énonce clairement », disait déjà Boileau, et on constate en effet qu'une grande partie des poèmes est éc rite comme nous aimerions écrire, mais pas d'une façon qui nous est totalement étrangère.

Bien sûr, certains poètes comme M allarmé, ou plus tard les s urréalistes, ont refusé ce principe de clarté, mais on peut remarquer que ces derniers, tout en gardant leur originalité par des images déroutantes, sont revenus à un langage plus accessible ; comme l'a exprimé A ragon dans Les P oètes , ils acceptaient mal de n'être pas compris de leurs lecteurs, et ils ont compris qu'un langage complètement différent des autres les coupait de toute communication.

Il paraît d'ailleurs difficile de croire que tous les grands poèmes aient été composés sans travail, et que même des vers apparemment faciles et légers ne soient pas le rés ultat d'un effort.

C ertains poètes, tels C atulle chez les Romains , p u i s M alherbe et les P récieuses, soulignent cette difficulté, tandis que T héophile Gautier va même jusqu'à l'exalter dans Émaux et C amées : « Oui, l'œuvre sort plus belle D'une forme au travail Rebelle V ers, marbre, onyx, émail...

» Boileau donne lui aussi des c onseils de travail : « V ingt fois sur le métier remettez votre ouvrage », et V aléry reconnaît la place de l'effort : « les dieux gracieusement nous donnent tel premier vers, mais c'est à nous de façonner le second, qui doit cons onner avec l'autre, et n'être pas indigne de son aîné s urnaturel ». La poésie, c'es t peut-être un autre monde, une « autre planète », mais elle reste cependant à notre portée.

Elle peint nos sentiments, elle utilise notre langage, mais elle les transforme et en fait du surnaturel par le moyen de l'art : c'est c ertes une sublimation, s inon, ce ne serait plus de l'art, mais c e n'est pas non plus complètement irréel, car alors nous ne s erions plus touchés .

C 'est que le lecteur de poésie rêve d'une autre planète dans laquelle il retrouve la sienne.. »

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