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Savoir et se souvenir

Extrait du document

« Position de la question.

Il semble, à première vue, que savoir soit tout autre chose que se souvenir, et nous opposerions volontiers un « homme de savoir », comme on disait au XVIIe siècle, à l'homme qui tire toutes ses ressources de sa mémoire.

Cette opposition est-elle tout à fait fondée ? 1.

Opposition apparente. Précisons d'abord par où les deux termes s'opposent. A.

— Le mot savoir a une résonance plus intellectuelle que l'expression se souvenir.

Savoir, c'est connaître d'une façon systématique, organisée; c'est pouvoir rendre raison des choses : « Savoir vraiment, dit F.

BACON, c'est savoir par le moyen des causes.

» L'homme qui « sait », c'est le savant, c'est-à-dire celui qui non seulement connaît les faits, mais est capable de les expliquer.

Au contraire, se souvenir implique seulement un appel à la mémoire et celle-ci peut n'être, du moins pour le sens commun, qu'un enregistrement tout mécanique.

Tout au moins ne comporte-t-elle pas nécessairement cet aspect logique, rationnellement organisé qu'évoque le mot savoir : « Tout l'irrationnel de la réalité, échappant à l'intelligence, écrit DELACROIX (Nouveau Traité de DuMAS, t.

V, p.

332), est du domaine de la mémoire.

» B.

— Mais voici un tout autre aspect par où les deux termes s'opposent, et qui semble contredire en partie le précédent.

Savoir, c'est bien souvent aussi connaître par une information reçue de l'extérieur, tandis que se souvenir suppose une expérience personnelle préalable.

Dire : « Je sais qu'il est venu », c'est se référer, par exemple, au rapport d'une tierce personne, tandis que : « Je me souviens qu'il est venu me voir » implique quelque chose de vécu.

Nous « savons » tous qu'il y a eu en 1914 une première guerre mondiale, mais seules des personnes déjà âgées « se souviennent » d'y avoir participé.

C'est sur ce caractère extérieur du savoir que se sont appuyés bien souvent ceux qui, tel RoussEAu reprochant aux hommes d'être « abrutis par leur vain savoir », ont critiqué la science comme n'important pas à ce qu'il y a de profond en nous.

Le souvenir, au contraire, a quelque chose d'intime, parfois même de secret. II.

Affinité réelle. Le caractère presque contradictoire de ces deux oppositions nous montre cependant qu'elles sont quelque peu superficielles et qu'en y regardant de plus près, nous découvrirons entre savoir et se souvenir des affinités. A.

— En fait, le savoir emprunte ses premières données à la mémoire.

La « connaissance par ouï-dire », comme l'appelle SPINOZA, précède les autres genres de connaissance.

C'est seulement après coup que nous reconstruisons logiquement, quand cela est possible, ce qui nous a été offert d'abord comme un pur donné : « Ce que nous savons, en général, nous ne le savons pas à partir des principes : notre savoir commence par la mémoire » (DELACROIX, OUV.

Cité). B.

— D'autre part, la mémoire n'est pas toujours, peut-être n'est-elle jamais simplement cette faculté toute mécanique que se représente le sens commun.

Elle comporte le plus souvent une certaine part d'intelligence.

Par là, elle se rapproche du savoir logiquement organisé. C.

— Enfin, le savoir, même s'il nous a été enseigné, apporté du dehors, finit par s'assimiler, par s'intérioriser, par faire partie de notre vie intime, presque au même titre que nos souvenirs personnels.

« On ne sait bien, a-t-on dit, que ce que l'on apprend soi-même.

» A la limite, on pourrait soutenir avec PLATON que tout notre savoir — en tant qu'il existe virtuellement en nous, qu'il est, en un sens, « inné » — est réminiscence. 1.

La recherche des essences : la réminiscence Socrate montre par l'exemple la nécessité de faire l'hypothèse de la réminiscence.

En interrogeant l'esclave de Ménon sur un problème de géométrie, celui-ci finit par trouver la solution alors qu'il semblait l'ignorer : c'est qu'il la savait depuis toujours mais ne s'en était pas aperçu.

La réminiscence n'est pas un souvenir ordinaire comme le souvenir d'un événement dans le temps, mais le souvenir d'une autre existence, celle que l'âme menait lorsqu'elle pouvait contempler les essences.

La réminiscence est le souvenir des essences. 2.

Sensible et intelligible Pour Platon, est sensible ce que l'on peut saisir par les sens, intelligible ce que l'on saisit par l'esprit ou l'intelligence, ce que l'on comprend.

Ainsi, la croyance est déterminée par des objets sensibles, alors que la science a pour principe des réalités intelligibles. La réalité sensible est celle des objets qui nous entourent.

Soumise aux contradictions, celle du temps notamment, dans lequel chaque chose devient une autre, elle s'oppose à la réalité des essences, ou Idées, dans laquelle chaque chose est ce qu'elle est de toute éternité.. »

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