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Qu'est ce qu'un acte libre?

Extrait du document

« Introduction.

— Il n'y a de vraiment nôtres que nos actes volontaires et libres.

Par suite, il importe de bien préciser leurs caractères distinctifs.

Nous mettrons particulièrement en relief celui qui nous paraîtra essentiel. I.

— NOTIONS Précisons d'abord, à l'aide d'exemples, ce qu'il faut entendre par acte volontaire et par acte libre. Bien que ces deux termes soient souvent pris comme synonymes, il faut distinguer l'acte volontaire et l'acte de volonté.

L'acte de volonté (dans le vocabulaire technique, la volition) constitue l'impulsion première, d'où pourra résulter toute une série d'actes que nous appellerons volontaires en considération de la volition dont ils dépendent, bien qu'ils n'impliquent aucun nouvel acte de volonté. Ainsi, je décide un voyage et, la décision n'étant guère effective avant un commencement d'exécution, je pose un premier acte qui m'engage, par exemple j'annonce mon arrivée : c'est la volition ou acte de volonté.

A moins que, à certains moments, je ne remette ce voyage en question, tout ce que je ferai pour exécuter ma décision (préparation des bagages, achat du billet, départ pour la gare, etc.) constituera un acte volontaire, mais non un acte de volonté.

A cette série d'actes volontaires se mêleront des actes d e volonté d'où résultera peut-être une autre série d'actes volontaires (ainsi, par exemple, je déciderai d'occuper le temps du trajet à lire ou à étudier le paysage) et surtout des actes involontaires (en allant à la gare, je regarderai les vitrines des magasins ; dans le train, je serai distrait de ma lecture par une conversation...). Ce que nous venons de dire de l'acte volontaire est également vrai de l'acte libre, qu'il faut distinguer de l'acte de liberté.

C'est par un acte de liberté que je décide d'affecter à un voyage le crédit qui m'a été ouvert comme récompense de mon succès à l'examen et que j'opte pour l'Italie.

Tous les actes que j'exécute en conséquence de ces déterminations sont libres, sans constituer des actes de liberté. Il est au contraire assez courant de distinguer l'acte volontaire et l'acte libre, le second impliquant un choix que le premier ne comporte pas.

Par suite, l'acte libre serait une espèce particulière d e l'acte volontaire : tout acte libre serait volontaire, tandis que tout acte volontaire ne serait pas libre. Mais les psychologues contemporains semblent abandonner cette distinction, et avec raison.

D'une part, en effet, il n'est pas essentiel à l'acte libre de comporter un choix, car nous n'avons pas besoin d'avoir choisi pour éprouver le sentiment d'agir librement.

D'autre part, on peut montrer que tout acte volontaire comporte un choix : le choix de l'ordre rationnel auquel on subordonne l'ordre sensible. Nous pouvons donc considérer l'acte volontaire et l'acte libre comme une m ê m e réalité, la liberté n'étant qu'une propriété de l'acte volontaire, et chercher les caractéristiques de l'acte volontaire et libre. II.

— CARACTÉRISTIQUES Nous partirons des caractères les plus apparents et par suite les plus communément reconnus pour en venir ensuite aux caractères essentiels. L'acte volontaire et libre paraît pénible, et certains sont portés à l'identifier avec l'effort. Effectivement, étant donnée la dualité de la nature humaine, l'activité volontaire et libre implique un effort soutenu : elle consiste, en effet, dans la maîtrise des forces rationnelles sur les forces inférieures, maîtrise qui exige un certain et parfois un puissant effort. Mais si cet effort nous est nécessaire pour accéder et nous maintenir au niveau de l'activité rationnelle, une fois parvenus à ce plan, c'est sans effort que nous posons des actes volontaires et libres.

Il faut, par exemple, un certain effort au travailleur pour se mettre à sa tâche ; mais, une fois au travail (travail de l'écolier comme travail de l'ouvrier ou du fonctionnaire) , il n'a pas besoin d'un nouvel effort pour poser les actes volontaires et libres dont est faite sa journée.

(Exemples.) Bien plus, nos actes sont d'autant plus volontaires et d'autant plus libres qu'ils demandent moins d'effort, le besoin d'effort étant le signe que nous ne voulons qu'avec une partie de nous-mêmes. L'acte volontaire et libre est aussi considéré comme constituant une innovation, un commencement ; il est aux antipodes de la routine, et les actes habituels passent facilement pour involontaires. Mais cette caractéristique, qui n'est pas essentielle à l'acte de volonté (il peut n'être qu'une confirmation d'une décision déjà prise) , l'est encore moins de l'acte volontaire, et il n'y a aucune opposition entre volontaire et habituel : il est, en effet, des habitudes volontaires grâce auxquelles les actes d'abord pénibles deviennent plus faciles et par là même plus pleinement volontaires. On voit par là ce qu'il faut penser d'un autre caractère, qu'on attribue souvent aux actes volontaires et libres : conscience et réflexion. Sans doute, l'absence de conscience et de réflexion peut amener à une routine étrangère à la volonté et à la liberté, mais il n'est pas essentiel à l'acte volontaire et libre d'être conscient et réfléchi ; il n'y a pas d'opposition entre « automatique » et « volontaire » ; bien plus, c'est grâce aux automatismes que nous pouvons mener à bonne fin les travaux complexes entrepris volontairement et librement. L'acte volontaire et libre, dit-on encore, présente une certaine personnalité : en ce premier sens, qu'il résulte, non d'une contrainte extérieure, mais d'un principe intérieur ; en ce second sens, qu'il exprime le fond de notre personnalité (Bergson). Cette caractéristique est plus fondamentale que les précédentes ; mais, comme l'activité passionnelle et m ê m e l'activité impulsive procèdent elles aussi d'un principe intérieur et résultent d e ce que nous sommes, il faudrait préciser l'acception du mot « personnel « : est personnel l'acte qui dépend de nous en tant que personne, c'est-à-dire en tant qu'être raisonnable et libre, celui qui résulte d'une détermination commandée par des motifs rationnels. En définitive, la caractéristique fondamentale d e l'activité volontaire et libre est la rationalité : agir volontairement consiste à se conformer aux indications de la raison ; l'agent doué de volonté devient libre dans la mesure où il se rend indépendant de l'action des forces irrationnelles. Nos actes peuvent dépendre d'une décision rationnelle prise depuis longtemps et qui, depuis lors, n'a jamais été remise en question (bien plus, ce qui est constamment remis en question ne saurait être profondément volontaire), ni même explicitement renouvelée (sans de tels renouvellements, l'action tomberait dans la routine), et rester pleinement volontaires.

(Exemples pris dans l'activité professionnelle ou dans la vie morale.) Conclusion.

— On dit quelquefois que nos actes volontaires et libres ne constituent qu'une portion infime de notre activité et que, par suite, c'est exceptionnellement que nous agissons en hommes.

Cette remarque, nous l'avons vu, n'est juste que de l'acte de volonté et de l'acte de liberté ; elle ne vaut pas des actes volontaires et libres que les moralistes appellent des actes humains ».

S'il reste beaucoup d' « inhumain » dans notre activité, l' « humain » y constitue une trame serrée qui justifie l'optimisme.. »

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