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Qu'est-ce qui constitue l'unité spécifique de l'humanité ?

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« Introduction S'il existe une unité de l'humanité, par-delà la divergence des cultures et des différents groupes ethniques, en quoi consiste-t-elle ? Est-elle simplement de nature biologique (l'espèce humaine) ? métaphysique (le genre humain) ? transhistorique et universelle (la nature humaine) ? Ou est-ce au contraire une unité historique, forgée par les relations d'interdépendance économique (mondialisation des échanges), ou les échanges culturels (« citoyen du monde ») ou politique (l'Empire comme sphère politique prétendant à l'universalité) ? Loin de se contredire inéluctablement, ces différentes définitions de l'humanité peuvent se compléter : si la biologie nous apporte l'idée d'espèce humaine, cette notion peut prendre un sens métaphysique et politique dans la « littérature des camps » (Giorgio Agamben, L'Espèce humaine), tandis que la mondialisation est à la fois économique, culturelle et politique, unifiant ainsi les hommes entre eux par-delà les continents. Première partie - Présupposés de l'idée (humaniste) d'unité de l'humanité : par-delà les différences biologiques, sociales et culturelles qui nous séparent, nous faisons tous partie d'une même humanité.

Cette idée ne va pas de soi : critiquant l'illusion ethnocentrique, Claude Lévi-Strauss montre comment la plupart des « peuples primitifs » se désignent sous le nom d' « Hommes », rejetant les autres en-dehors de la culture : « Le barbare, c'est d'abord celui qui croit à la barbarie » (Race et histoire, 1952).

Les Grecs eux-mêmes qualifiaient de « barbares » tous ceux qui ne parlaient pas Grec, tandis que le racisme, qui affirme l'existence de différentes « races humaines », nie l'idée même d'une unité biologique de l'humanité. Lévi-Strauss: « Est barbare celui qui croit à la barbarie.

» Qui n'a pas accusé autrui de se comporter en barbare ? Quel peuple n'a pas accusé d'autres peuples d'être des barbares ? Lévi-Strauss, grand anthropologue français, souligne, dans Race et Histoire, d'où est extrait notre citation, ce trait propre à toute société, qu'est l'ethnocentrisme : chaque ethnie, c'est-à-dire chaque peuple, a tendance à se penser comme étant au centre du monde, à considérer ses coutumes, ses mœurs, ses règles, ses croyances, ses modes de penser,...

comme meilleurs que ceux ethnies ou des peuples différents, comme si sa tribu, son village, son clan, son pays, sa culture étaient plus représentatifs de l'humanité que tous les autres.

Ainsi le barbare, le non civilisé c'est toujours l'autre; l'autre au sujet duquel on raconte toute sorte d'horreurs ou d'atrocités ainsi des Vikings, des Huns, des Goths, des Tartares, Mongols, des Chinois..., sans parler de tribus sauvages au fin fond de l'Afrique ou de l'Amazonie, etc.

Or, peut-être commence-t-on à ne plus être un barbare, ou commence-t-on à être un homme civilisé, le jour où l'on reconnaît qu'on est le premier, peut-être, à être capable de se comporter en barbare. Le mot "barbare" - barbaros en grec- signifie à l'origine "l'étranger qui ne parle pas grec" : on pouvait être étranger à Athènes, venir de Corinthe ou de Thèbes, on était alors un xénos, un étranger certes, mais un étranger qui parlait grec; en revanche les Egyptiens, les Perses, etc.

étaient appelés "barbares".

Pour les Romains, de même, les barbares étaient ceux qui ne parlaient pas latin, ou ceux qui, malgré la colonisation et la construction de l'empire romain, n'avaient pas été latinisés, et qui se situaient donc au-delà des frontières de l'empire.

Or ces peuples extérieurs ont fini par envahir l'empire romain et renversé son ordre : c'est ainsi qu'on parle encore dans les livres d'histoire de l'invasion des barbares.

La phrase de Lévi-Strauss est quelque peu dérangeante: car elle revient à condamner l'usage de mot barbare.

Celui qui accuse l'autre de barbarie est lui-même un barbare.

Mieux, c'est celuilà même qui est réellement un barbare.

Pourquoi ? Parce qu'accuser autrui de violences et d'atrocités, de cruauté, de sauvagerie...

croire que l'autre est un barbare, c'est supposer que soi-même on ne serait pas capable de maux semblables.

Est civilisé celui qui admet bien plutôt que tout homme, à commencer par soi, est capable du pire. - Si la biologie moderne a rejeté les préjugés racistes en affirmant la validité du concept biologique d'espèce humaine (cf.

ouvrages d'Albert Jacquard, ou André Langaney), l'unité de l'humanité se réduit-elle à celle-ci ? Dès lors que l'on distingue l'homme de l'animal par son accès au Logos, sa capacité à dialoguer et à raisonner, et donc à sa capacité de sortir du seul domaine naturel pour entrer dans la culture, n'est-ce pas contradictoire d'exclure toute unité culturelle de l'idée d'humanité ? Et comment concevoir une telle unité qui semble être démentie par l'existence de cultures plurielles donnant lieu à des groupes ethniques distincts ? Seconde partie - Aristote définit l'homme comme zoon politikôn (« animal politique »).

Il rejoint ainsi le mythe de Prométhée rapporté par Platon : celui-ci dérobe aux dieux « les arts (teknè) et le feu » qu'il transmet aux hommes, assurant ainsi leur survie.

Mais, ceux-ci étant dépourvus de la « science politique », ils n'arrivent pas à vivre ensemble dans des cités, et sont, in fine, menacés de disparition.

Zeus leur offre alors « la pudeur (αίδώς ; aidôs) et la justice (δίκη ; dikè) » par lesquels ils peuvent vivre civilement (cf.

Platon, Protagoras, §11 et 12, 320c-323d).

L'organisation politique est alors ce qui permet d'unir les hommes, au sein de la polis ou, à l'échelle de l'humanité, au sein de l'Empire, doté d'une vocation universelle et assimilatrice (Rome, cosmopolitisme stoïcien, etc.). »

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