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qu'est-ce que le rationalisme

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« Parmi les substantifs en -isme par lesquels on désigne les systèmes ou les théories philosophiques, il n'en est sans doute pas qui soit plus fréquemment utilisé que le mot rationalisme.

Aussi le rencontre-t-on avec des nuances variées.

Sans doute, sa signification reste toujours étroitement dépendante de son étymologie : tout rationalisme est une théorie qui attribue un grand rôle à la raison.

Mais ce rôle peut s'exercer dans des domaines assez divers et prendre une importance variable. Pour donner de l'esprit rationaliste une idée qui ne soit pas trop étroite, nous l'analyserons dans trois domaines différents : la psychologie, l'étude du monde ou cosmologie et la morale. * ** Le rationalisme psychologique est la théorie philosophique qui reconnaît à l'homme le privilège de la raison.

Sous cette forme, le rationalisme s'oppose à l'empirisme, et c'est par cette opposition qu'il se précise. Sans doute, tous les philosophes, et les empiristes comme les autres, admettent bien la supériorité intellectuelle de l'homme sur les animaux: il faudrait fermer les yeux à l'évidence pour prétendre que nous sommes au niveau du poisson, du lézard ou même du singe.

Seulement les empiristes ne voient pas de différence essentielle entre l'intelligence animale et l'intelligence humaine; d'après eux, il n'y a entre elles qu'une différence de degré; entre les singes supérieurs et les moins développés des hommes, la coupure n'est pas plus nette qu'entre le poisson et le singe ou qu'entre le primitif des forêts du Gabon et un membre de l'Académie des sciences.

Au sommet de l'échelle animale comme à son plus bas échelon, toute la vie de l'esprit s'explique par le pouvoir d'éprouver des impressions sensorielles, qui, restant associées entre elles, s'évoquent mutuellement suivant les lois de l'association.

Si l'homme a une vie mentale supérieure à celle des animaux, c'est qu'il est doué d'un système sensoriel plus perfectionné et surtout qu'il possède un cerveau d'une ampleur exceptionnelle pour ne pas dire anormale. Au contraire, les rationalistes, tout en accordant qu'une grande partie de la vie mentale de l'homme s'explique par le simple jeu des impressions sensorielles, tiennent que les formes supérieures de la pensée, ou plutôt la pensée proprement dite, requiert une faculté distincte du pouvoir d'éprouver des impressions.

Penser, en effet, c'est juger, et juger ce n'est pas seulement associer deux idées ou deux choses, mais percevoir et affirmer entre elles une relation ou un rapport.

Or, si les sens peuvent nous faire percevoir des choses, si l'habitude peut lier si fortement deux représentations que l'une évoque infailliblement l'autre, la perception des rapports suppose une faculté particulière.

En effet, ceux des animaux qui ont le même système sensoriel que l'homme n'ont pas les mêmes perceptions que nous.

S'ils voient les objets que nous voyons, ils n'aperçoivent pas les rapports qui frappent jusqu'au petit enfant : la ressemblance, le contraste, la symétrie...

leur échappent, car on ne voit pas qu'ils s'en étonnent.

Ce ne sont donc pas les sens qui perçoivent les rapports; pour expliquer cette perception, il faut faire appel à un pouvoir distinct de la sensibilité : ce pouvoir s'appelle la raison, et ceux qui l'admettent sont appelés rationalistes. En définissant la raison la faculté de percevoir des rapports, et la pensée la perception et l'affirmation d'un rapport, nous nous en sommes tenu à l'acte élémentaire de la raison et à la forme la plus simple de la pensée.

La pensée réelle, telle qu'elle se déroule au long de nos journées, est plus complexe.

L'analyse ne saurait la réduire à' une série de jugements affirmant des rapports : elle est une chaîne de jugements, ou mieux tout un réseau, d'une complication extrême, de jugements qui se rattachent les uns aux autres : la pensée est faite de raisonnements, et la raison est la faculté de raisonner.

Or, le raisonnement ne suppose pas seulement des données sensorielles entre lesquelles on perçoit des rapports; il implique aussi la perception de rapports entre les jugements eux-mêmes et la connaissance implicite des principes rationnels sur lesquels se fonde le raisonnement : le principe de contradiction, armature nécessaire de tout raisonnement; le principe de raison suffisante, ressort de toute recherche de l'explication des choses.

Ces principes, disent les rationalistes, étant universels et nécessaires, ne peuvent pas résulter de l'expérience, qui, aussi longue qu'elle soit, reste particulière.

Pour les expliquer, il faut admettre une faculté des principes, du moins une faculté de former les principes : c'est la raison. Enfin, le rationalisme s'efforce de bannir de la pensée tout ce qui n'est pas rationnel, c'est-à-dire logique, rigoureusement enchaîné comme la suite des théorèmes en géométrie.

Non seulement l'intervention du sentiment dans le jeu de la pensée est sévèrement prohibée, mais on n'y tolère même pas ces démarches mystérieuses que le sens commun a appelées du nom d'intuition ou d'inspiration.

Il ne suffit pas de parvenir à la clarté : c'est par des chemins clairs qu'il faut y aboutir.

Les rationalistes de cette espèce font un grand cas de la méthode et en viennent à dire, comme DESCARTES et BACON, qu'elle est presque tout. Le rationalisme cosmologique d'après lequel tout, dans le monde, est rationnel est une conséquence dit rationalisme psychologique.

En effet, les principes qui régissent notre pensée se présentent comme la loi de toutes choses.

Si nous cherchons naturellement la raison des choses, c'est que nous sommes convaincus de l'explicabilité de tout le réel, de la rationalité du monde. Ce rationalisme a été professé, dès l'aurore de la philosophie grecque, sous une forme mathématique : ratio signifie aussi calcul et les livres de comptes s'appelaient autrefois « livres de raison ».

PYTHAGORE, en particulier, avait été frappé par la simplicité de certains rapports étudiés en mathématiques et en physique : qu'on se rappelle le théorème du carré de l'hypoténuse et les intervalles des sons musicaux qui forment un accord consonant.

Poussé par la tendance naturelle de l'esprit et se fondant sur des observations de ce genre, PYTHAGORE avait dit que les nombres gouvernent le monde.

Plus tard, PLATON affirmait que dans toutes ses oeuvres Dieu fait de la géométrie. Cette conception du monde se heurta à pas mal d'exceptions, et l'homme dut constater pas mal d'irrationnels. PYTHAGORE avait été acculé, à son grand scandale, à reconnaître l'incommensurabilité de PI.

Qu'il n'y ait pas une mesure, aussi petite soit-elle, qui permette d'établir un rapport précis entre le diamètre et la circonférence était une telle défaite pour un adepte du rationalisme que la Maître, dit-on, faisait jurer à ses disciples de ne jamais révéler. »

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