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Qu'est-ce que la technique moderne ?

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« Vocabulaire: TECHNIQUE Tout ensemble de procédés pour produire un résultat utile.

La technique moderne s'appuie sur la science; mais elle s'en distingue puisque la science est un effort pour expliquer ce qui existe tandis que la technique cherche à produire ce qu'on souhaite qui soit — qui n'est pas.

La technique peut se définir comme un vouloir, incarné en un pouvoir par l'intermédiaire d'un savoir. Comme adjectif: par opposition à esthétique, qui concerne des procédés susceptibles d'être développés et transmis, et non des dons ou capacités innées. La technique moderne se targue d'être le progrès incarné prometteur d'un bonheur généralisé certain.

On ne cesse pas de vanter le pouvoir libérateur de la technique moderne, de préservation de la santé (on laisse même entendre que les hommes pourraient se guérir de la mort), d'amélioration continuelle de l'existence.

Et pourtant c'est cette même technique qui a produit les pires atrocités et les plus graves accidents que l'histoire ait connus. À QUELLE ÉPOQUE LA TECHNIQUE MODERNE EST-ELLE NÉE ? Le Moyen Âge regardait la nature comme l'oeuvre de Dieu et en cherchait les signes et signatures.

La civilisation médiévale s'étant éteinte, épuisée, la Renaissance a émergé avec de nouvelles finalités, non plus spéculatives et comtemplatives, mais visant l'efficacité et l'utilité. QUEL EST L'IDÉAL MODERNE ? En dépit des résistances de l'Église, la Renaissance causa un bouleversement des mentalités.

Les mondes grec et romain devinrent les modèles à imiter, supplantant les exemples bibliques.

La nature fut considérée comme une immense mécanique créée par un Grand Horloger impersonnel, ouvrant l'ère du culte des machines et des automates. QU'EST-CE QUE LA SÉCULARISATION? Avec les Temps Modernes disparaissent les idéaux chevaleresque et religieux; un nouveau type d'homme apparaît: le bourgeois.

Ses valeurs sont profanes; il ne compte plus sur les grâces divines, mais pense que les forces humaines suffisent à sauver la civilisation.

Dieu n'est plus qu'une hypothèse inutile, laissant place à une morale laïque. Les attributs auparavant dits de Dieu sont alors projetés sur l'humanité, sur l'espèce humaine (qui reste une abstraction), mais évidemment pas sur les personnes qui restent fragiles et souffrantes. Cette passation de qualités et cette sécularisation sont perceptibles dans l'évolution du sens des mots.

Contentons-nous d'un simple exemple très révélateur : pneumatique désignait au Moyen Âge l'état le plus élevé de la spiritualité; on connaît suffisamment le sens actuel du pneumatique des automobiles : du souffle divin l'on est descendu à l'air comprimé... La technique moderne promet un avenir radieux Descartes, dans la sixième partie du Discours de la méthode, prophétise l'état d'esprit et les idéaux de la civilisation moderne industrielle, mais sans jamais en imaginer les nuisances et catastrophes.

Il ramène le bien et le bonheur à l'utilité, veut des sciences pratiques et appliquées, consistant en la connaissance de l'énergie que recèle la matière, aussi bien céleste que terrestre, et conduisant à l'exploitation intensive de ses propriétés.

Il voit l'homme devenir « comme maître et possesseur de la nature »; non plus dans une alliance et compagnie douce, mais tel un artisan, ou telles les industries pliant et employant à leur convenance les matériaux.

Cet accomplissement, explique encore Descartes, délivrerait l'homme de la servitude du travail par la création d'un immense parc de machines nous procurant sans peine « les fruits de la terre », les commodités et les remèdes qui s'y trouvent.

La médecine serait parfaite, permettant aux hommes de rester indéfiniment en pleine santé, leur épargnant les maux du corps et de l'esprit, ceux de la vieillesse, et la mort enfin pouvant être vaincue. Les promesses de la civilisation moderne industrielle et marchande ainsi que la société idéale conçue par Marx sont identiques au paradis terrestre cartésien.

Dieu ne joue plus aucun rôle : c'est le règne de l'homme-dieu. A ces beaux tableaux manquent illusoirement les horreurs, atrocités de masse et catastrophes engendrées par la technique moderne.

Il suffit de prononcer deux noms : Auschwitz, Hiroshima. Il n'est pas du tout indifférent que la civilisation industrielle extermine systématiquement (en force ou en douceur apparente) les civilisations traditionnelles (la Chine, par exemple, n'a pu chasser les "étrangers" qu'en se servant de la technique moderne et en important une idéologie typiquement occidentale) ; et qu'elle dispose d'une possibilité multiple de ravager la terre entière par les bombes nucléaires.

L'homme moderne dispose pour la première fois d'un pouvoir de destruction et d'extermination total, sans avoir le moins du monde progressé en sagesse; peut-être même a-t-il régressé... Que faut-il entendre par technique moderne ? La technique moderne est le plus souvent assimilée à l'industrie, à la mécanisation, la robotisation, à la découverte des nouveaux matériaux et de nouvelles énergies.

Par enjeux, il faut comprendre ce qu'induit cette technique moderne, a-t-elle un avenir, peut-elle progresser, représente-t-elle un danger pour l'homme et pour l'environnement, modifie-t-elle nos conceptions morales, nos schémas de pensées ont-ils encore une valeur à l'heure de sa domination, apporte-t-elle un supplément de bonheur ? Il n'est douteux que la technique moderne a apporté de nouveaux problèmes encore en voie de résolution au 21e siècle. 1) La fin du progrès technique ? Il faut comprendre que le progrès est un phénomène d'ensemble susceptible de bouger des masses et de changer profondément les habitudes humaines.

L'apparition de nouveaux matériaux, l'énergie électrique, les nouveaux moyens de transports, les progrès de l'industrie, des sciences, de la médecine au siècle dernier et dès le 19 e , ont modifié profondément la vie humaine.

Si bien qu'on peut considérer que le Moyen Age s'est terminée dans les tranchées de la Grande Guerre.

L'époque post- moderne est précisément l'époque où ces changements ont eu lieu, que les changements qui vont suivre seront de changements de surface par rapport à ceux qu'a connu le siècle dernier.

Aussi, il ne faut pas confondre les changements d'habitude de consommation avec un quelconque progrès, la sortie d'un nouvel objet n'est pas un progrès tout comme la sortie d'un nouvel album d'artiste.

L'effervescence de surface de nos sociétés n'est qu'une apparence générée par une dialectique mercatique savamment distillée pour donner le sentiment d'une véritable libération alors que seules les habitudes de consommation ont changé. Cette tendance fondamentale de la modernité est suractivée depuis le XXe siècle par la diffusion industrielle des moyens culturels, l'extension d'une culture de masse et l'intervention gigantesque des médias (presse, cinéma, radio, télévision, publicité).

Le caractère éphémère des contenus et des formes s'est accentué, les révolutions de style, de mode, d'écriture, de mœurs ne se comptent plus.

En se radicalisant ainsi dans un changement à vue, dans un travelling continuel, la modernité change de sens.

Elle perd peu à peu toute valeur substantielle de progrès qui la sous-tendait au départ, pour devenir une esthétique du changement pour le changement.

Elle s'abstrait et se déploie en une nouvelle rhétorique, elle s'inscrit dans le jeu d'un ou de multiples systèmes de signes.

Il est bien entendu que nos civilisations peuvent encore connaître des progrès, on peut encore découvrir de nouveaux remèdes à certaines maladies, créer des véhicules moins polluants, trouver d'autres manières de produire de l'énergie, de se déplacer.

Mais l'impression générale est que les progrès que nous avons encore à accomplir ne seront là que pour rectifier, corriger les erreurs du passé, pour empêcher les catastrophes sanitaires et écologiques qui adviendront si justement, on ne change pas nos habitudes et nos techniques.

Il y aura un progrès dans la mesure où on se décidera à repenser entièrement nos modes de vie.

Aussi, à cette origine il y aura une véritable révolution intellectuelle à construire avant toute révolution technique.

C'est certainement par la remise en cause de la sur- consommation, de l'irresponsabilité morale qui existe dans les mentalités pour que d'autres progrès soient possibles.

Le véritable progrès aura pour source ce changement moral ou il n'aura pas lieu. 2) La technique modifie-t-elle nos conceptions morales ? Selon Hans Jonas dans le Principe La technique a transformé en profondeur l'essence de l'agir humain.

La technique a considérablement augmentée la portée de l'agir humain.

La portée causale déborde tout ce que l'on a connu autrefois.

La promesse technique s'est transformée en menace, ce que l'homme pourra faire à l'avenir n'a pas d'équivalence par le passé.

Elle a fait apparaître de nouveaux devoirs.

L'éthique antique est inopérante à l'heure de la technique.

Aujourd'hui, les conséquences de certains actes ne seront visibles que dans quelques centaines d'années.

L'exemple de la pollution, de la surexploitation des ressources forestières, des pêches abusives, de la disparition des déchets nucléaires) .Aussi tous nos pronostics à long terme sont incertains.

Le principe responsabilité voudra donc que l'on favorise les hypothèses pessimistes au profit des hypothèses optimistes.

Le mal est toujours certain.

Le principe responsabilité dit « Agis de telle façon que les effets de ton action soient compatible avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre.

» Il s'agit d'un droit à l'existence d'une vie pas encore actuelle.

Ce principe est programmatique, il vise quelque chose qui ne s'est pas encore produit.

L'homme s'est vu remettre une essence, il en est responsable.

Il n'y a donc pas d'échappatoire à notre responsabilité face au développement technique.

Il faut donc une préscience, une anticipation.

Il faut une métaphysique que n'a pas encore la science.

Le principe responsabilité pressent l'impossible, il veut le limiter.

Il doit aller au devant des abus.

Tous les possibles demeurent une fois que l'action s'est produite.

Il faut que les conséquences des actions soient voulues.

Il faut pour cela que des principes soient voulus pour que les conséquences soient voulues.

Il faut donner à l'agir humain une dimension de volonté et qu'elle soit au principe de ses réalisations.

Car la réalité humaine correspond à quelque chose de non- voulu.

L'agir a pris des dimensions cosmologique.

La menace des civilisations technologiques repose sur l'idée que la technologie domine aussi l'homme comme elle domine la nature.

C'est l'étant dans sa totalité qui est menacé.

Jonas prône l'heuristique de la peur.

La peur détecte la menace, il faut faire la preuve que ce pressentiment est fondé.

Il faut avoir une intelligence de la peur, et connaître ses vraies faces.

On doit se prémunir par avance.

Le problème est qu'il n'y a pas de principes éthiques sans menace…risque de cercle herméneutique.

Il faut que l'imagination anticipatrice accompagne l'imagination technologique.

Il faut aller du côté du non- connu.

Mais le cours des choses ne nous laisse pas du temps devant nous.

Il faut un point d'arrêt au dynamisme du progrès.

Il faut revenir à l'équilibre.

La technique doit nous obliger à modifier nos conceptions morales. 3) La technique moderne en question. Selon Martin Heidegger dans la question de la technique dans Essais et conférences : « Elle aussi est un dévoilement.

C'est seulement lorsque nous arrêtons notre regard sur ce trait fondamental que ce qu'il y a de nouveau dans la technique moderne se montre à nous. Le dévoilement, cependant, qui régit la technique moderne ne se déploie pas en une production au sens de la poiesis.

Le dévoilement qui régit la technique moderne est une provocation par laquelle la nature est mise en demeure de livrer une énergie qui puisse comme telle être extraite et accumulée.

» C'est ce qu'il appelle l'arraisonnement du monde.

Cet arraisonnement n'a rien en vérité de technique.

Il fait la différence entre le commettre et le dévoilement.

Cet arraisonnement entrave le véritable dévoilement qui n'est possible en définitive qu'avec l'art.

La technique provoque la nature, Un paysan par exemple en labourant sa terre ne la provoque pas.

Il n'y a plus d'accord entre l'homme et la terre, il doit la transformer pour en tirer une énergie, une matière qui ne se trouve pas comme telle disponible.

Construire un barrage, une carrière de minerais, une centrale nucléaire est une provocation.

Aussi le travail du paysan sera dit proche de la nature, et la technique moderne éloigne l'homme de la nature en vérité puisque l'homme cherche à en outrepasser les limites, à la dépasser, à en retirer quelque chose qu'elle ne donne pas naturellement. La technique peut donc se retourner contre la nature après en être issue et constituer un danger pour elle, et ce en un sens qui n'est pas exclusivement matériel, mais qui est aussi spirituel.

Dans son analyse de la technique, Heidegger, très au-delà de la bonne conscience écologique, met en lumière une certaine relation d' « arraisonnement » : à force de vouloir se rendre « maître et possesseur de la nature », comme le disait Descartes, l'homme met, selon la riche métaphore heideggerienne, la nature « à la raison » : Heidegger parle aussi d' « arraisonnement » , comme si la technique abordait la nature en pirate ; Qu'est-ce à dire ? Dans sa conférence titrée « La question de la technique », Heidegger part de la question suivante : « quelle est donc l'essence de la technique moderne pour que celle-(ci puisse s'aviser d'utiliser les sciences exactes de la nature ? » Pour répondre à cette question, il faut inverser le rapport traditionnel entre science et technique.

En apparence, la technique suit les sciences exactes de la nature ; en réalité, la relation est presque inverse : c'est l'application technique qui renforce un certain aspect de ces sciences naturelles : « La physique moderne n'est pas une physique expérimentale parce qu'elle applique à la nature des appareils pour l'interroger, mais inversement : c'est parce que la physique –et déjà comme pure théorie- met la nature en demeure de se montrer comme un complexe calculable et prévisible de forces que l'expérimentation est commise à l'interroger », ajoute Heidegger.

Et peut-être en effet peut-on aller jusqu'à dire que lorsque la science travaille, elle a déjà en vue les applications. »

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