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Qu'est-ce que juger ?

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« ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION • Sujet que l'on peut considérer comme « incomplètement » déterminé dans la mesure où l'on ne sait pas de quel « domaine » il s'agit : « théorique », « esthétique », « moral »? • On ne saurait, pour une telle question, ignorer les positions kantiennes (même si l'on juge qu'elles ne sont pas satisfaisantes). Il faut savoir que, pour Kant, « penser, c'est juger ».

Cf.

: Critique de la Raison pure (P.U.F.), notamment pages 87 et suivantes. • En ce qui concerne le domaine moral et judiciaire, la question fondamentale à se poser est de se demander si et sur quoi peut être fondé le fait de juger (est-ce l'individu en tant que tel qui est fondé à juger; sinon en quoi et à partir de quoi est-il fondé à juger ?). L'effort qui est fait à titre personnel pour se prémunir contre les préjugés dans le domaine théorique doit être également accompli à propos des opinions qui concernent la pratique, c'est-à-dire l'action sous toutes ses formes.

C ar, lorsqu'il s'agit de se déterminer dans l'action - qu'il s'agisse de morale, de politique, d'économie, etc.

- on ne dispose le plus souvent que d'opinions, c'est-à-dire d'idées qui ne sont pas absolument démontrées.

C omme le dit Aristote, la prudence consiste à agir sans certitude absolue mais en faisant des choix adaptés aux circonstances, toujours particulières, de l'action.

Le stratège, le médecin, le juge, ont tous pour tâche de faire preuve de jugement, c'est-à-dire d'appliquer au domaine du probable, de l'incertain, du possible, des connaissances et des règles générales. C'est ainsi que, pour les Anciens, le stratège athénien Périclès incarnait le modèle du dirigeant avisé et perspicace, détenteur d'une sagesse véritable, qui ne sépare pas mais au contraire harmonise la pensée de l'homme et la réalité du monde, la théorie et la pratique. Lorsque le Président d'un tribunal porte une sentence, il a tous les éléments de l'affaire en main, grâce à l'instruction.

Il est impartial : « On ne peut être à la fois juge et partie.

» Puis ayant étudié le rapport des faits entre eux, il accuse ou acquitte. Dans le domaine psychologique, il en est de même.

Avant de juger un fait « vrai ou faux », il faut que celui-ci soit extérieur à nous, il nous faut alors en analyser les éléments puis voir enfin le rapport en tant que tel, et ensuite, tout bien pesé et réfléchi, affirmer ou nier. Comme on ne peut être juge et partie, il faut pour juger, être objectif, c'est-à-dire, se débarrasser de l'égocentrisme.

Ne plus concevoir les relations des idées à nous-mêmes, mais le rapport des idées entre elles.

Voilà la première étape du jugement. Cet égocentrisme est avant tout, affectif.

Il se manifeste principalement chez l'enfant, incapable de sortir de son moi, seul élément dont il soit sûr.

Il ne connaît que lui comme élément stable, il est le seul sujet auquel il puisse rapporter objet ou attribut.

Aussi est-ce juger que dire « il fait chaud » ou de s'exclamer à propos de tout ou de rien, « c'est divin » ? Apparemment, et sur le plan purement logique, on peut répondre par l'affirmative.

Dans chacune de ces expressions, il y a un sujet et un attribut, élément essentiel du jugement.

Mais si l'on veut étudier tel jugement, du point de vue psychologique, on s'aperçoit que sous les apparences se cache un véritable égocentrisme verbal.

Il vaudrait mieux dire pour être objectif : «j'ai trop chaud », « ceci me plaît ».

Car de ces jugements, le vrai sujet est en réalité celui qui parle.

Le rapport n'est pas établi entre deux objets du monde extérieur, mais entre nous-mêmes et le « milieu ». Si par exemple, je juge du prix d'un objet, je dis « c'est cher », ce jugement, je ne le porte pas en fonction du prix réel, mais bien en fonction de mes possibilités financières du moment.

Dans une telle occasion, puis-je dire que j'ai jugé ? Car peut-on arbitrer un match auquel on participe en tant que joueur ? Une fois supposée l'existence de cet arbitre impartial, débarrassé de tout égocentrisme, de toute affectivité, à cette seule condition, il peut y avoir jugement. Si je dis « la vitre est transparente », il me faut distinguer dans cet ensemble, les deux éléments correspondant à ce qui est le sujet d'une part, et l'attribut d'une autre part : voir si ceci est bien une vitre, connaissant sa matière, sa forme, son emploi, sa position dans l'espace, les autres éléments du décor qui l'entourent.

Au su de tous ces éléments, je peux dire : ceci est une vitre.

Les qualités de l'autre élément de mon jugement, me sont également données par mes connaissances antérieures, au sujet de ce qui est transparent. La définition donnée par mon dictionnaire, l'usage que j'ai déjà eu à faire d'objets transparents, la différence que mon expérience passée m'a obligé à faire entre un objet transparent, et un autre qui ne l'est pas. Pour revenir à l'exemple du « prix » choisi tout à l'heure, l'objectivité m'appellera à réfléchir sur la nature exacte de l'article en vente, sa place dans la hiérarchie des matières vénales, le travail nécessaire à sa facturation, la concurrence que son fabricant peut rencontrer, le salaire des ouvriers, la marge bénéficiaire, le nombre des intermédiaires.

Je dois pour bien juger, reconnaître que cet objet est luxueux, superflu ou de première nécessité.

Dans le jugement qui est un tout, l'objectivité et l'analyse s'entraînent.

Si je suis objectif, j'analyse, et si je veux analyser je suis obligé d'être objectif. L'objectivité permet l'impartialité.

L'esprit d'analyse permet de dissocier un ensemble, de le réduire à ses éléments constitutifs, mais le jugement n'est pas alors établi.

Une troisième étape reste à franchir pour pouvoir affirmer ceci est ou n'est pas : La synthèse du jugement qui me permettra de prendre conscience du rapport des éléments entre eux. L'analyse nous a fait démonter le mécanisme, pièce par pièce, la synthèse nous fait voir la position de chacune par rapport aux autres. Pour juger, il faut non seulement bien distinguer les termes d'un rapport, mais il faut ensuite que ces termes soient pensés ensemble. Quand je dis : cette figure est carrée, je perçois cette figure comme un objet frappant ma vue.

D'autre part, je connais les qualités géométriques du « carré » : angle droit, côtés égaux. Par synthèse, j'applique à cette figure les qualités du carré et je perçois ce rapport attribut-sujet comme un tout.

C'est seulement d'ailleurs, si je pense à la fois propriété du carré et figure perçue, que je saisis la ressemblance entre les deux.

Ici encore, comme pour l'analyse, j'utilise l'ensemble de mes connaissances acquises.

Elles me permettent non plus d'individualiser chacun des termes perçus ou pensés, mais de penser le rapport entre eux, et de synthétiser caractères de l'un et qualités de l'autre en un tout logique dont les éléments collent parfaitement les uns aux autres. Si d'ailleurs, bien qu'objectif et ayant avec conscience, analysé les constituants d'une phase, je ne peux concevoir logiquement le rapport des uns aux autres, je ne peux juger sûrement.

Mon esprit ne sera pas sûr de la réalité.

Un doute subsistera dans mon esprit. Mon affectivité, mes tendances naturelles m'entraîneront à adopter telle ou telle solution.

Je n'aurai pas jugé, car je ne serai pas sûr. Si l'une de ces trois attitudes : objectivité, analyse, synthèse me font défaut, je ne peux juger.

Je ne peux, en dernier ressort, affirmer ou nier.. »

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