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Blaise Pascal: La raison peut-elle juger de tout ?

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Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore par le coeur; c'est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes, et c'est en vain que le raisonnement, qui n'y a point de part, essaye de les combattre. Les pyrrhoniens, qui n'ont que cela pour objet, y travaillent inutilement. Nous savons que nous ne rêvons point; quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison, cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas l'incertitude de toutes nos connaissances, comme ils le prétendent. Car la connaissance des premiers principes, comme qu'il y a espace, temps, mouvement, nombres, [est] aussi ferme qu'aucune de celles que nos raisonnements nous donnent. Et c'est sur ces connaissances du coeur et de l'instinct qu'il faut que la raison s'appuie et qu'elle y fonde tout son discours. Le coeur sent qu'il y a trois dimensions dans l'espace et que les nombres sont infinis; et la raison démontre ensuite qu'il n'y a point deux nombres carrés dont l'un soit double de l'autre. Les principes se sentent, les propositions se concluent et le tout avec certitude, quoique par différentes voies.

« PRESENTATION DES "PENSEES" DE PASCAL Pascal (1623-1662) rédige les Pensées durant les dernières années de sa vie ; il collectionne sur de petits papiers les éléments d'une oeuvre à visée apologétique.

Le texte sera publié une première fois de manière posthume par ses proches de l'abbaye de Port Royal, foyer de la pensée janséniste, et ne cessera d'être remanié par des éditions successives (nous choisissons ici le classement établi par Lafuma).

L'oeuvre est originale tant par les aléas éditoriaux qui la caractérisent que par la préoccupation qui l'anime ; on est loin des opuscules scientifiques et de leur argumentation proprement démonstrative.

Grand lecteur de Saint Augustin, Pascal est aussi marqué par la lecture de Montaigne, dont il gardera des leçons de scepticisme.

Mais ici, le scepticisme se réduit en fait à une arme critique censée ébranler ce que l'on croyait sûr, par exemple, la toute-puissance de notre raison à établir le vrai.

De ce point de vue, les Pensées représentent un contrepoint philosophique majeur à la métaphysique cartésienne qui prétend fonder tout l'édifice du savoir, l'existence de Dieu y compris, par l'examen rationnel. "Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore par le coeur; c'est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes, et c'est en vain que le raisonnement, qui n'y a point de part, essaye de les combattre.

Les pyrrhoniens, qui n'ont que cela pour objet, y travaillent inutilement.

Nous savons que nous ne rêvons point; quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison, cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas l'incertitude de toutes nos connaissances, comme ils le prétendent.

Car la connaissance des premiers principes, comme qu'il y a espace, temps, mouvement, nombres, [est] aussi ferme qu'aucune de celles que nos raisonnements nous donnent. Et c'est sur ces connaissances du coeur et de l'instinct qu'il faut que la raison s'appuie et qu'elle y fonde tout son discours.

Le coeur sent qu'il y a trois dimensions dans l'espace et que les nombres sont infinis; et la raison démontre ensuite qu'il n'y a point deux nombres carrés dont l'un soit double de l'autre.

Les principes se sentent, les propositions se concluent et le tout avec certitude, quoique par différentes voies." Blaise Pascal, Pensées et opuscules (1670, oeuvre posthume). QUESTIONNAIRE INDICATIF • Par quoi, selon Pascal, sont connus « les premiers principes »? • Que sont « ces premiers principes »? • Différences, selon Pascal, entre « les principes » et « les propositions »? — Par quoi sont appréhendés « les principes »? — Par quoi sont appréhendées « les propositions » ? — Les différences sont-elles, si l'on peut dire, de « méthodologie » ou d'ordre de « certitude » ? • Importance de la notation selon laquelle « c'est sur ces connaissances du cœur et de l'instinct qu'il faut que la raison s'appuie et qu'elle y fonde tout son discours »? • En quoi, si l'on suit Pascal, peut-on soutenir — comme lui — que « les pyrrhoniens qui n'ont que cela pour objet, y travaillent « inutilement »? • Quel est l'enjeu de ce texte ? • Que pensez-vous du raisonnement développé dans la dernière phrase du texte proposé ? • Que pensez-vous de l'affirmation de Pascal selon laquelle « le cœur sent qu'il y a trois dimensions dans l'espace »? • Peut-on « prouver » autrement que « par raison »? (Pascal dit « quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison ».) • Que pensez-vous de la position et de l'argumentation de Pascal ? • En quoi ce texte a-t-il un intérêt philosophique ? Ce que défend ce texte: Pascal cherche à définir dans ce texte les limites du pouvoir de la raison dans sa capacité à atteindre la vérité.

Sa démonstration repose sur la distinction de deux types de vérité, celle qui peut être atteinte par la raison et celle qui ne se laisse appréhender que par le coeur. La raison, qui est la faculté de produire des raisonnements, n'atteint que des vérités démontrables, comme celles qu'on appelle théorèmes, en mathématiques, et qui sont le résultat d'une démonstration : «la raison démontre qu'il n'y a point deux nombres carrés dont l'un soit double de l'autre», écrit Pascal en guise d'exemple (un nombre carré est un entier naturel multiplié par lui-même).

Si la raison n'atteint que les vérités démontrables, celles qui ne le sont pas ne s'obtiennent pas par son pouvoir. Quelle est donc cette autre faculté de connaissance qui nous fait accéder à des vérités indémontrables ? Pascal l'appelle le «coeur».

Elle n'est pas, comme la raison, une compétence discursive, c'est-à-dire qu'elle ne se déploie pas dans l'ordre du discours, mais relève de l'intuition, du sentiment ou de l'instinct.

Le mot «coeur» ne désigne pas ici un. »

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