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qu'entend Bergson quand il dit: "des outils à faire des outils". Que veut-il dire exactement ?

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« C'est en particulier dans L'Evolution créatrice que Bergson aborde la question de la différence anthropologique, il estime l'instinct et l'intelligence comme deux réponses « également élégantes au même problème », celui posé par la vie.

Il va ainsi à l'encontre d'une tradition philosophique subordonnant l'animal à l'homme ; il reste que les modalités d'adaptation de l'homme à son milieu ne sont pas équivalentes à celles de l'animal, Bergson reconnaît en l'homme un être foncièrement inadapté au monde naturel, et c'est ce qui justifie chez lui la formule « des outils à faire des outils », pour parler de la solution de l'intelligence au problème de la vie. I-L'homme dépourvu face au monde naturel. Contrairement à l'animal l'homme n'est pas « chez lui » dans la nature, il ne s'y adapte pas directement, mais seulement par la médiation d'une domestication.

Cette inadaptation physique, naturelle et constitutive du genre humain est expliquée par le phénomène de la néoténie, dont le terme est absent dans L'Evolution créatrice mais en parfait accord avec les thèses bergsoniennes. Ce phénomène se trouve, entre autres, mis en avant par Tinland dans La différence anthropologique : l'homme est un singe prématuré, ce que montrent les études embryologiques.

Il en découle que ses mains notamment sont inadaptées à une appropriation immédiate de la nature (possibles pour le singe), étant inadapté, l'homme doit pour se défendre (dans un état de nature plus ou moins hypothétique) voir arriver ses ennemis de loin (station debout), ce qui permet un accroissement de la masse cérébrale (le déplacement à quatre pattes faisant peser le poids du corps sur la base du cerveau).

L'homme devient capable de parler lorsqu'en prime la bouche est libérée de son rôle de main auxiliaire, les mains assurant seules le travail d'adaptation physique au monde. Ce travail passe par la construction d'outil, et si la formule de Bergson « des outils à faire des outils » peut désigner la technique, propre de l'homo faber, elle peut avant tout être comprise comme définition de la main de l'homme.

L'intelligence investit la main d'une fonction médiatrice entre soi et le monde, par quoi une adaptation est rendue possible.

Si l'animal ne s'aide pas d'outils c'est que ses organes lui suffisent généralement, sauf chez certains singes, dont le développement cérébral est suffisamment conséquent pour qu'ils puissent chercher d'autres moyens pour atteindre un but (usage de bâton, quoique cet usage soit souvent de circonstance, cf les analyses de Merleau-Ponty dans La structure du comportement, ou peut-être mimétique). II-L'homo faber. Pour Bergson l'homme, en vertu de son intelligence fabricatrice, doit être considéré comme homo faber plus que comme homo sapiens.

L'outil est l'indice d'une intelligence, parce que c'est le signe d'un détour, l'instinct essaie d'atteindre son but sans médiation, il ne connaît pas de détour, l'animal a un organe adapté à la tâche qu'il a en vue, il procède par essai et erreur mais est incapable du détour par l'outil. Tandis que l'instinct est rivé à sa tâche et que son être se résume à cette correspondance vitale pour l'animal, l'intelligence est caractérisée par sa grande plasticité.

Celle-ci est exprimée par Bergson dans la formule étudiée, en effet la possibilité même de l'outil implique une inadaptation, or l'intelligence n'a pas le choix, pour se corriger, s'adapter tant bien que mal, elle devra être plastique.

C'est aussi pourquoi aucun outil n'est fondamentalement adapté à une tâche singulière, l'utilisation d'outils tient du bricolage, c'est-à-dire implique le ratage, étranger a priori à l'instinct. L'intelligence incarne donc la faculté de fabriquer des « outils à faire des outils », parmi lesquels la main est la première.

Cette faculté est corrélative d'une distance de l'homme à la nature et de là naît la possibilité même de la domestication de la nature par l'homme, comme il n'est pas à distance d'elle, l'animal ne peut y prétendre. III-Conséquence : l'homme crée son propre milieu. Avec l'homme naît donc le règne de l'artificiel, celui-ci, loin d'être un luxe inutile au problème de l'adaptation de l'homme à la nature, en constitue la réponse même.

L'intelligence en tant que distanciation et domestication de la nature entraîne la possibilité pour l'homme de fabriquer son propre milieu. L'outil est une continuation du corps dans le rapport à la nature, c'est un prolongement inorganique de soi, or l'organisation des créations humaines abouti au monde de la technique et des machines, la nature ne pose plus de problème d'adaptation, la menace s'est retournée, elle est désormais asservie au monde humain. Cela au point qu'elle devienne elle-même un outil parmi d'autres, non plus un milieu mais une réserve, un fond, une ressource, bref le rapport est inversé. Conclusion : La formule de Bergson signifie donc la réactivité caractéristique de l'intelligence qui à la différence de l'instinct n'est pas enfermée dans une voie, mais ouverte à une variation de réponses possibles au problème de l'adaptation.

La création de machines, d'objets tels que des silex (qui permettent aussi d'affûter ce qui deviendra outil) ou même la main de l'homme sont des « outils à faire des outils » et incarnent le mode d'être au monde propre. »

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