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Quelles relations y a-t-il entre le doute et la croyance ?

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« Introduction Au sens le plus général, la croyance est l'équivalent de l'opinion, et désigne un assentiment imparfait, qui, comme l'opinion, comporte tous les degrés d e probabilité.

C e n'est qu'avec Kant que la croyance en vient à désigner un assentiment parfait (puisqu'il exclut le doute), sans cependant avoir le caractère intellectuel et logiquement communicable du savoir : « Lorsque l'assentiment n'est suffisant qu'au point de vue subjectif, et qu'il est tenu pour insuffisant au point de vue objectif, on l'appelle croyance » (Critique de la raison pure).

La croyance est le plus souvent opposée au savoir, à la vérité, puisqu'elle fait état d'une adhésion plus ou moins hasardeuse à quelque objet de pensée.

Mais on constate que la croyance est inhérente à l'homme, et qu'elle le pousse toujours à agir ou à penser de telle ou telle manière.

Peut-on voir dans la croyance la seule vérité que l'homme puisse prétendre ? I.

croyances et « épochè » a.

Le terme grec « Epokè » (arrêt, suspens) est spécifique à la philosophie des Sceptiques antiques, dont le fondateur est Pyrrhon d'Elis (365-275 av.

J-C).

C e n'est pas une remise en cause du monde extérieur.

Elle met simplement en doute l'exactitude des représentations et des croyances.

L'Epokè est un véritable suspens, une interrogation infinie dans la recherche de la vérité.

Ce n'est pas un arrêt de la recherche, mais un refus de se prononcer sur la nature d'une chose.

L'expression sceptique « ou mallon » désigne qu'une chose n'est pas plus ainsi qu'autrement.

Le sceptique fait dès lors un aveu d'impuissance face à la contrariété que l'esprit ne peut pas dominer.

Comme on ne peut pas décider, on se réduit à l'indifférence.

Et le résultat fondamental de ce mode de penser et de vivre est l'ataraxie, ou absence d e troubles, permettant à l'esprit d'être totalement en repos, et non plus inquiété par les contradictions qui jalonnent le savoir et le monde. b.

La vérité peut être comprise à travers l'évidence, mode originaire d'appréhension d'un objet par la conscience.

Ainsi pour Husserl, l'évidence est l'autodonation indubitable de l'objet d'une visée intentionnelle pour une conscience originairement saisissante (c'est en quelque sorte la vérité du fait brut tel qu'il apparaît à la conscience). Ainsi, pour apercevoir l'évidence, il est nécessaire d e modifier notre attitude naturelle à l'égard du monde, au moyen d e ce que Husserl appelle la « réduction phénoménologique ».

Dans l'attitude naturelle nous portons constamment des jugements sur l'être des objets en soi (croyance en l'être). L'attitude phénoménologique, en revanche, s'abstient d e tout jugement sur l'être et le non-être des objets, ce qui rend possible l'observation sans préjugés de la conscience pure, d e ce qui est donné comme phénomènes.

Ce procédé renvoie à l'époché (suspension du jugement) du scepticisme antique. II.

la faiblesse de la croyance a.

Spinoza posait l'opinion en tant que plus bas degré d e la connaissance ; ainsi, l'opinion est « sujette à l'erreur et n'a jamais lieu à l'égard de quelque chose dont nous sommes certains, mais à l'égard de ce que l'on dit conjecturer ou supposer » (Court Traité, chap.

II).

Platon a aussi rabaissait l'opinion ou la croyance à la connaissance du visible, et donc de l'inessentiel.

La croyance se situe ainsi, dans le « paradigme de la ligne » (République, L.

VI, 509-511), dans le domaine visible, et non intelligible.

Les objets matériels donnent lieu à une représentation plus précise (croyance) certes, que leur image (imagination), mais elle reste vouée à donner au sujet une connaissance ontologique faible et douteuse.

La vérité n'est possible que par l'intelligence, seule capable de contempler les Idées, principes de toutes réalités. D'où aussi les critiques fameuses de Platon adressées aux sophistes, ces marchands de savoirs, qui considéraient que la vérité n'est pas une, mais qu'elle est relative selon le point de vue de chacun : ainsi Protagoras affirmait que « l'homme est mesure de toutes choses », à la différence de Platon pour qui c'est Dieu. III.

la réhabilitation de la croyance : Montaigne. a.

Montaigne montre dans s e s Essais que vouloir saisir l'être, c'est comme vouloir empoigner de l'eau.

La raison n'est pas un honorable refuge, d'où une déconstruction d e l'homme et d e s e s prétendues facultés, c'est ce qu'appelle Montaigne « la vanité et dénéantise de l'homme ».

Il y a une vacuité ontologique de l'homme, alors que ce dernier croit le plus souvent fermement à sa raison, ou à son être.

Avec Montaigne on peut douter sur tout, sauf sur la vanité de l'homme.

Ainsi le stoïcien est vaniteux puisqu'il pense être maître de lui-même.

Le doute exclut qu'on ne fasse jamais sienne une certaine présentation du moi, et c'est toute la présentation des Essais : « Je ne peins pas l'être, je peins le passage » (III, 2).

Ainsi il n'y a pas avec Montaigne de résultat, que ce soit l'ataraxie sceptique, ou une certitude inébranlable ; de fait, pour cet humaniste, la vie humaine n'a pas de but, mais seulement « un bout » (Essai, III, 12).

Ainsi le titre de cette œuvre montre bien que l'homme est un essai permanent. b.

Montaigne s'emploie aussi à une critique de tout dogmatisme en réhabilitant la croyance.

Croyances et coutumes permettent de juger.

Le jugement avec Montaigne ne contredit pas le doute puisqu'il est toujours arrêt et mouvement.

Il y a une communication constante entre la pensée et la vie.

O n pense la vie en vivant.

Il met en valeur la contingence des croyances.

Le jugement permet d'intercaler entre moi et mes croyances tout un tas d'autres coutumes me permettant d'apprécier le caractère relatif de ma croyance.

Le but n'est pas de donner plus de poids à ma croyance.

Le doute doit aider à cultiver en soi-même la diversité des croyances.

Il faut avoir une « âme à plusieurs étages ».

On doit croire avec la conscience de la relativité des croyances (III, 3). Conclusion Le doute est un exercice au quotidien permettant à l'homme de réfléchir sur les choses qui se présentent à lui et sur lui-même.

Sa fonction doit moins être un handicap pour l'esprit q'une possibilité de s'ouvrir sur les différences.

C'est avec Montaigne, qui donne une belle leçon de vie, qu'on considère le doute comme puissance d'élargir sa conscience à toutes les formes de vie.

Cet instrumentalisation du doute oriente la pensée de l'homme vers un humanisme, puisqu'on accepte les croyances d'autrui sans les dénigrer.

Sans le doute, deux possibilités s'offriraient à l'homme : soit il serait Dieu (connaissance absolue de toutes choses), soit il serait une sorte de tyran, obéissant et soumettant autrui à ses seules certitudes.

Ainsi l'esprit doit dompter le doute en vivant avec lui, condition pour qu'il n'entrave pas son pouvoir essentiel, la réflexion.. »

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