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Quelles réflexions peut-on faire à propos de l'inachèvement ?

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« Introduction : Bien définir les termes du sujet : - "Réflexions" : le sujet ne part pas de présupposé, et laisse le champs entièrement libre.

Il est possible de parler de tous les domaines, et de tous les types d'inachèvement. - " L'inachèvement" : caractérise l'état accidentel dans lequel se trouve une œuvre ou un travail qui a dû être interrompu pour des raisons contingentes, qui n'avaient pas été prévues au départ.

De ce fait, le résultat est involontaire, et peut apparaître comme étant imparfait.

Mais l'inachèvement peut aussi être, notamment en esthétique, une recherche de style, une manière d'apprivoiser l'inachèvement, s a spontanéité et s a force.

L'inachèvement est alors volontaire. Construction de la problématique : Il existe plusieurs manières de traiter le sujet : soit mener une plaidoirie en faveur de l'inachèvement pour qu'il ne soit plus vu comme imperfection, puis tenter une explication du phénomène - explication qui toucherait aussi bien les domaines à la psychologie, psychanalyse, qu'à la sociologie, religion ou encore biologie (cf.

C laude Lorin dans L'inachevé).

Mais il est préférable pour étudier l'inachèvement de la manière la plus détaillée possible, de choisir un domaine où il apparaît de façon explicite, et presque palpable.

Son domaine de prédilection est ainsi l'esthétique. Une réflexion sur l'inachèvement qui chercherait à comprendre son sens et sa fonction, doit d'abord tenter de le définir avec précision, de donner ses caractéristiques et d'étudier son statut, avec pour but de s'éloigner de l'idée commune selon laquelle inachèvement rime avec imperfection.

Il doit être étudié en tant que tel. Se pose ensuite la question de savoir dans quelle mesure et comment l'inachèvement peut intégrer les œuvres pour les enrichir sans leur nuire, quelles en sont les conséquences, et quelles sont les limites à ne pas dépasser pour rester dans le domaine de l'art. NB : nous ne parlerons pas des inachèvements dus à des accidents, comme la mort de l'artiste ou l'absence de son modèle, car cet inachèvement est dû à des contingences extérieures qui n'expliquent pas son statut. Plan : I/ L'inachèvement comme tel : Dans son sens le plus courant l'inachèvement caractérise une œuvre ou un travail qui n'est pas terminé parce que en cours d'exécution, ou parce qu'il a été abandonné par l'artiste qui n'était pas satisfait, ou qui n'a pas eu les moyens matériels de finir (mort, absence du modèle…) L'inachèvement caractérise ce qui n'a pas atteint sa fin, c'est un état transitoire, une suspension du travail.

Si parfois il est évident à apercevoir, ce n'est pas toujours le cas, et la décision de l'artiste est très importante. ∙ Prenons l'exemple du P ortrait d'Olga dans un fauteuil de P icasso : œuvre apparemment non terminée, abandonnée, avec encore les traces de pinceaux, des blancs dans la toile… L'artiste semble ne pas avoir atteint sa fin, réalisé son projet et son but.

C et état d'inachèvement paraît être un intermédiaire.

Pourtant, cette œuvre est considérée par l'artiste comme aboutie et complète, interrompue de façon logique, selon une nécessité interne.

Le peinte estime qu'il a fait pour l'œuvre tout ce qui était en son pouvoir, il s'est donc interrompu à un stade déterminé du processus de création : l'œuvre n'est pas suspendue mais simplement abandonnée.

C f.

A lain Système des beaux-arts, V II : l'abandon et l'inachèvement qui en découle n'est pas ratage, c'est une nécessité artistique, le résultat d'une logique interne.

P icasso voulait faire une œuvre et non pas une industrie, c'est-à-dire qu'il voulait découvrir son œuvre à mesure qu'il la faisait, la laisse apparaître.

Il a trouvé ce qu'il cherchait, découvert une technique.

Une fois celle-ci trouvée, la toile n'a plus d'intérêt, et il s'arrête.

S'il avait continué, il l'aurait fait de manière machinale, puisqu'il aurait appliqué "industrieusement" la technique trouvée, et se serait attendu au résultat final. Possible de prendre un exemple inverse de Giacometti, cf.

Portrait d'Isaku Y anaihara, La toile semble terminée, tout est travaillé, mais en réalité, œuvre inachevée, parce qu'elle ne satisfait pas l'artiste qui la considère comme ratée.

Il n'est pas parvenu au résultat attendu, l'inachèvement est indépendant de l'apparence de l'œuvre, le jugement de l'artiste sur son travail a une importance particulière Le statut de l'œuvre dépend de la décision de l'artiste, l'inachèvement peut être visible sans en être un réellement, et inversement. II/ L'effet d'inachevé : L'achèvement en tant que tel est dû à la décision de l'artiste, c'est la raison pour laquelle les croquis et les ébauches ne sont pas considérées comme des œuvres d'art, mais bien comme des inachevés.

C ependant, certains artistes ont remarqué la force et la puissance de ces ébauches qui sont parfois supérieures aux œuvres achevées elles-mêmes. ∙ C 'est ce que remarque Delacroix dans son Journal, et qui décide ainsi de travailler cet effet, pour renforcer ses toiles.

Il leur donne les caractéristiques de l'inachèvement, en copiant la vivacité du tracé de l'esquisse et de l'ébauche, alors qu'elles sont achevées, puisqu'il travaille la précision des détails.

C ette supériorité de l'inachèvement est soulignée par Nietzsche dans Humain trop humain : l'œuvre inachevé plaît parce que chacun peut la finir à son goût, et qu'elle permet toujours la nouveauté, par l'inexactitude des détails.

Il y a aussi le "voile du mystère" : Laisser quelques parties floues pour Nietzsche permet à l'œuvre de conserver sa force, puisque comprendre parfaitement les détails, les expliquer, c'est se mettre au dessus de ce que l'on explique. ∙ L'inachèvement produit donc plus d'effets sur le spectateur, parce qu'elle laisse la place à l'imagination, de même pour le talent de l'artiste qui paraît sans fin tant que l'œuvre reste imprécise.

Delacroix dans La chasse aux lions, travaille donc de manière à ce que son œuvre présente un effet d'inachèvement pour qu'elle garde toute sa spontanéité et son mouvement.

Les détails ne doivent pas étouffer le travail, mais s'intégrer dans l'œuvre. L'inachèvement possède ainsi des qualités propres qu'il peut être intéressant de garder dans les œuvres même les plus finies, pour leur donner force, mouvement et réalité. III/ L'inachèvement à son comble, l'ouverture de l'œuvre : Le travail de l'inachèvement peut encore être poussé plus loin, c'est-à-dire que l'artiste peut décider de livrer au spectateur une œuvre volontairement inachevée pour qu'il la termine lui-même.

C 'est c e que font les artistes contemporains qui essaient d'intégrer les spectateurs à leur travail. ∙ Exemple de l'œuvre de Fabro In cubo : cube léger aux parois translucides, qu'il faut soulever pour se mettre à l'intérieur et regarder le monde.

C ette œuvre est inachevée par l'artiste, elle n'est pas un objet à regarder, et a besoin du spectateur pour prendre toute s a dimension.

C 'est en c e sens qu'il est possible de parler d'inachèvement : l'œuvre n'existe pas sans le spectateur.

C et inachèvement volontaire laisse la place au hasard et à l'expérimentation. ∙ C ette manière de procéder pousse l'inachèvement à son comble, puisque contrairement à l'œuvre d'art traditionnelle qui donne par son achèvement une vision et un rapport trop spécifique au monde, l'œuvre laisse le spectateur choisir son point de vue.

L'univocité du chef-d'œuvre est dépassée. L'inachèvement de l'œuvre est garant de sa valeur, puisque garant de la multiplicité des interprétations qui donnent toute sa richesse au travail. Conclusion : L'inachèvement peut don être vu de différentes manières, et de défaut ou imperfection, il peut devenir effet recherché.

Quoi qu'il en soit, il ne se réduit pas à l'aspect technique et extérieur de l'œuvre, à sa matérialité, il la dépasse dans son intention.

L'inachèvement peut ainsi devenir une qualité intrinsèque.. »

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