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Quelles leçons pouvons-nous tirer de nos expériences ?

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« INTRODUCTION On a coutume d'opposer la théorie à la pratique ou plus précisément encore le théoricien au praticien.

Il y a, en effet, deux manières de connaître dont l'une consiste en de pures spéculations tandis que l'autre repose sur l'expérience.

Aux yeux du sens commun ce second type de connaissance serait même supérieur au premier; il semble que la notion même de théorie enferme toujours quelque incertitude et que l'expérience seule soit capable d'infirmer ou de confirmer nos idées.

Aussi parle-t-on souvent des leçons ou des enseignements de l'expérience.

Nous allons nous demander en quoi consistent exactement ces leçons et jusqu'à quel point crédit peut leur être fait. I.

PRIMAUTÉ DE L'EXPÉRIENCE - A - L'expérience et le sens commun. Selon l'étymologie, l'expérience est une épreuve, c'est-à-dire qu'elle consiste à enregistrer quelques réalités données.

D'une façon très générale, on dit d'un homme qu'il a de l'expérience lorsqu'il a vécu au contact des réalités ; est inexpérimenté au contraire celui qui se trouve pour la première fois en présence d'un problème à résoudre.

On dit souvent d'un homme qui débute dans son métier qu'il manque encore d'expérience et l'on entend par là que seule la pratique pourra lui donner toutes les qualités qu'exige son métier.

C'est en ce sens, par exemple, que la pédagogie ne se confond pas avec l'éducation.

On peut être pédagogue, c'est-à-dire connaître parfaitement la théorie de l'éducation sans être pour autant un bon éducateur ; et il est clair que certaines qualités de l'éducateur dépendent, non point des connaissances pédagogiques, mais de la pratique de l'éducation.

Malgré les apparences, le mot expérience a le même sens dans l'expression: faire une expérience; aux yeux du sens commun, en effet, faire une expérience, c'est découvrir quelques réalités jusqu'alors ignorées et sans doute l'expression a-t-elle une signification légèrement différente pour le savant, mais l'essentiel de l'idée demeure dans tous les cas.

L'expérience, c'est le contact direct avec une réalité. - B - L'expérience et la science. Ce contact direct avec la réalité est précisément considéré par la philosophie commune comme la seule source de la vérité.

« Expérience passe science», dit-on quelquefois pour affirmer la supériorité des connaissances résultant de la pratique sur les connaissances purement livresques.

Toutefois ce serait une erreur de croire que, comme le suggère ce dicton, la science ne doit rien à l'expérience.

Ne parle-t-on pas, en effet, de sciences expérimentales ? L'expérience intervient dans ces sciences sous un double aspect : elle est d'abord observation, c'est-à-dire constatation de certaines données ; elle est ensuite expérimentation, c'est-à-dire observation provoquée.

Or, l'observation sert de point de départ à l'hypothèse dont l'expérimentation constitue la vérification.

Comme le dit Claude Bernard: «Le fait suggère l'idée; l'idée dirige l'expérience; l'expérience juge l'idée».

Sans doute l'hypothèse, c'est-à-dire la théorie, joue-t-elle un rôle dans la découverte scientifique ; mais il reste que c'est sur l'expérience que repose la science.

Newton disait qu'il ne faisait pas d'hypothèses, pour signifier que chacune des propositions qu'il avançait était vérifiée par l'expérience. - C - L'expérience et la philosophie. Les vérités scientifiques sont donc des enseignements de l'expérience ; mais y a-t-il d'autres enseignements que ceux-là, d'autres vérités que celles de la science ? Les philosophes empiristes répondent non à cette question.

Pour eux en effet : « il n'y a rien dans l'entendement qui n'ait été auparavant dans les sens», c'est-à-dire que toutes nos idées sont tirées de l'expérience.

Ce qui nous est donné, ce sont des impressions sensibles que nous éprouvons au contact de la réalité ; et toutes nos idées ne sont jamais, comme dit Hume, que des « copies de nos impressions ». L'expérience est donc la source des idées, mais elle explique d'autre part l'association de ces idées entre elles, c'est-à-dire le fonctionnement de l'esprit.

Qu'il s'agisse d'association par ressemblance ou par contiguïté, c'est toujours dans notre expérience antérieure qu'il faut chercher la raison de ces associations, et c'est pourquoi Hume pouvait dire : « l'habitude est le grand guide de la vie humaine».

La raison elle-même n'est qu'un ensemble de principes résultant de notre expérience : nous tenons pour rationnel ce à quoi nous sommes habitués, et pour absurde, ce qui nous est étranger.

Ainsi, la philosophie empiriste justifie à la fois le point de vue du sens commun et la méthode scientifique : il n'y a d'autres vérités que les vérités enseignées par l'expérience. II.

EXPÉRIENCE ET RAISON - A - Les insuffisances de l'expérience. Il est clair toutefois que ces enseignements de l'expérience ne sont pas les mêmes pour tous: le roi de Siam trouvait absurde l'ambassadeur d'Angleterre qui lui disait que dans son pays les éléphants pouvaient marcher sur l'eau ; c'est qu'il n'avait pas l'expérience du gel et de la glace.

L'empirisme conduit normalement au scepticisme, comme on le voyait déjà chez Protagoras qui, ayant dit que « la science est la sensation », en concluait logiquement que «l'homme est la mesure de toutes choses».

Les leçons de l'expérience sont subjectives et, à ce titre, n'ont aucune valeur véritable.

De plus, comme Kant en a fait la remarque, l'expérience ne peut rien nous enseigner qui soit universel et nécessaire: «l'universalité empirique n'est qu'une extension arbitraire de valeur», car rien ne m'autorise à affirmer pour tous les cas ce que j'ai constaté pour quelques cas ; d'autre part, l'expérience nous enseigne bien que les choses se produisent de telle ou telle façon, mais non point qu'elles ne puissent se produire autrement.

Si donc nous connaissons quelques vérités qui soient à la fois universelles et nécessaires, elles ne sauraient avoir pour origine l'expérience.

7 + 5 = 12, la ligne droite est le plus court chemin d'un point à un autre, tout phénomène a une. »

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