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Quel est le sens du travail ?

Extrait du document

« A.

Travail, société et loisir • La signification du concept de travail est inséparable des circonstances culturelles.

La civilisation grecque voyait dans le travail une activité dégradante réservée aux esclaves et aux Barbares, c'est-à-dire aux non-Grecs.

Un homme libre ne travaille pas, au sens manuel du terme.

Il a des occupations : guerrières, spirituelles, de gouvernement, mais il n'effectue pas de travail manuel.

Les Romains définissaient l'otium, le « loisir », comme le temps de travail personnel non contraint, par opposition au necotium, « le négoce, les affaires ».

Rappelons que le loisir en grec se dit skholè, « école », et que celle-ci est à l'origine le loisir d'hommes libres qui veulent s'épanouir. Les esclaves n'ont pas ce loisir. • Aujourd'hui, le loisir a pris un autre sens que le sens grec de skholè.

Il est soit un temps libéré du travail (Marx), soit une imposture.

Telle est la position de Herbert Marcuse qui dénonce l'imposture du loisir dans la société de consommation.

Le loisir endort les tendances révolutionnaires des hommes et fait de chacun un être « unidimensionnel », sans faculté critique, aux besoins stéréotypés, complice de l'ordre établi qui rejette les seuls individus « critiques » de cette société : les marginaux (chômeurs, immigrés, etc.). B.

Il y a travail et travail • Nietzsche distingue plusieurs sortes de travail : le travail-contrainte, le travail-torture motivé par le seul goût du gain, et le travail-joie, celui des artistes, des intellectuels, des créateurs, de tous ceux qui n'ont pas pour but premier le profit mais la puissance créatrice.

Selon le cas, le travail est libérateur ou la meilleure des polices : « Une société où l'on travaille sans cesse durement jouira d'une plus grande sécurité, et c'est la sécurité que l'on adore maintenant comme divinité suprême » (Nietzsche, Aurore). • Travailler n'est donc pas un projet absurde, c'est même le seul projet créateur de l'homme.

Nous avons vu au chapitre sur l'art que l'artiste est un travailleur acharné.

Le travail ouvre l'homme à la connaissance du monde et de lui-même.

Encore faut-il que le travail que l'on effectue nous apporte une satisfaction personnelle.

Aujourd'hui, dans un monde qui sanctifie le travail, qui fait du seul travail productif l'unique critère de la valeur de l'individu, on peut comprendre le drame du chômeur qui se sent à la fois hors circuit mais aussi culpabilisé de ne pas travailler.

Avec les chômeurs, deux autres catégories posent problème à la société : les vieillards et les adolescents, eux aussi non productifs.

Avoir un travail, c'est exister socialement.

Ne pas avoir de travail, c'est ne pas être reconnu, ne pas avoir de valeur sociale.

Cela en dit long sur notre société ! L'intolérance, la violence et les actes désespérés sont la plupart du temps des appels pour prouver qu'on existe.

Une société démocratique se doit d'entendre ses citoyens et de proposer un projet de société dans lequel chacun puisse trouver sa voie.

A chacun ensuite de travailler à se réaliser par soi-même. "Chercher un travail pour le gain, c'est maintenant un souci commun à presque tous les habitants des pays de civilisation; le travail leur est un moyen, il a cessé d'être un but en lui-même : aussi sont-ils peu difficiles dans leur choix pourvu qu'ils aient gros bénéfice.

Mais il est des natures plus rares qui aiment mieux périr que travailler sans joie ; des difficiles, des gens qui ne se contentent pas de peu et qu'un gain abondant ne satisfera pas s'ils ne voient pas le gain des gains dans le travail même.

Les artistes et les contemplatifs de toute espèce font partie de cette rare catégorie humaine, mais aussi ces oisifs qui passent leur existence à chasser ou à voyager, à s'occuper de galants commerces ou à courir les aventures.

Ils cherchent tous le travail et la peine dans la mesure où travail et peine peuvent être liés au plaisir, et, s'il le faut, le plus dur travail, la pire peine.

Mais sortis de là, ils sont d'une paresse décidée, même si cette paresse doit entraîner la ruine, le déshonneur, les dangers de mort ou de maladie.

Ils craignent moins l'ennui qu'un travail sans plaisir : il faut même qu'ils s'ennuient beaucoup pour que leur travail réussisse." « Dans la glorification du « travail », dans les infatigables discours sur la « bénédiction du travail », je vois la même arrière-pensée que dans les louanges adressées aux actes impersonnels et utiles à tous : à savoir la peur de tout ce qui est individuel.

Au fond, on sent aujourd'hui, à la vue du travail – on vise toujours sous ce nom le dur labeur du matin au soir – qu'un tel travail constitue la meilleure des polices, qu'il tient chacun en bride et s'entend à entraver puissamment le développement de la raison, des désirs, du goût de l'indépendance.

Car il consume une extraordinaire quantité de force nerveuse et la soustrait à la réflexion , à la méditation, à la rêverie, aux soucis, à l'amour et à la haine, il présente constamment à la vue un but mesquin et assure des satisfactions faciles et régulières.

Ainsi une société où l'on travaille dur en permanence aura davantage de sécurité : et l'on adore aujourd'hui la sécurité comme la divinité suprême.

Et puis ! épouvante ! Le « travailleur », justement, est devenu dangereux ! Le monde fourmille d' « individus dangereux » ! Et derrière eux, le danger des dangers – l'individuum.

» Nietzsche, « Aurore », Livre III.. »

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