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Quel ensemble de qualités constituent à vos yeux le bon sens ?

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« Quel ensemble de qualités constituent à vos yeux le bon sens ? Introduction.

— « Le bon sens ! Un de ces mots qui cachent ce que l'on veut bien y cacher », écrit André Gide.

« Et pourtant, ajoute-t-il, je sais fort bien ce que j'entends par ce mot.

» Peut-être l'entendons-nous moins clairement ; aussi nous sera-t-il utile de préciser la nature du bon sens et de déterminer l'ensemble de qualités qui le constituent. I.

— LA NOTION DE BON SENS A.

Réflexion sur les mots.

— Par « les sens », au sens propre, on entend les diverses facultés d'éprouver des sensations et de connaître ainsi les objets matériels.

Le terme de « bon sens » désigne donc un mode de connaissance analogue à la perception sensible.

Or, ce qui caractérise la sensation et la perception, c'est d'abord leur caractère intuitif et immédiat. Par analogie, on recourt aussi au mot « sens » ou « sentiment » pour désigner un mode de connaissances de réalités spirituelles qui présente le caractère immédiat et intuitif de la perception sensible : on parle du « sens moral » et du « sens esthétique », nous disons couramment « à mon sens », « voici mon sentiment », quand il s'agit de choses qui s'éprouvent plus qu'elles ne se prouvent. Mais quand ce « sens » intuitif des choses mérite-t-il le qualificatif de « bon » et devient-il le « bon sens » ? Est « bon » ce qui réalise sa fin et la fin essentielle de la connaissance étant la découverte de la vérité, le bon sens fait éviter l'erreur. Cependant, c'est surtout à des fins pratiques que vise plus généralement l'intelligence ; aussi entend-on surtout par « bon sens » la finesse d'esprit qui permet d'éviter les bévues auxquelles conduit parfois l'esprit de géométrie, par suite de réussir dans ses affaires, spécialement dans ses rapports avec les hommes. B.

Comparaisons.

— Nous pouvons situer le bon sens entre le sens commun et le jugement. Le sens commun consiste dans un ensemble de principes pratiques ou théoriques dont il paraîtrait extravagant de s'écarter, moins à cause de leur évidence qu'à cause du crédit universel qu'ils ont obtenu.

Ainsi celui qui se conduit d'après les données du sens commun n'a pas de pensée personnelle : il suit les traditions de son milieu. Au contraire, le jugement comme qualité d'esprit consiste dans la faculté de porter une appréciation à la fois personnelle et juste dans des situations pratiques complexes, appréciation fondée sur des principes dont on peut rendre compte. L'homme de bon sens procède comme celui qui suit le sens commun et il serait plus juste de parler de ses réactions que de ses pensées, car si ses réactions sont personnelles et conformes à la saine raison, il est le plus souvent incapable en fournir une justification rationnelle qui puisse satisfais un esprit critique. II.

— LES QUALITÉS CONSTITUTIVES DU N SENS Le bon sens est fait essentiellement qualités intellectuelles, mais des qualités morales le conditionnent. A.

Qualités intellectuelles.

— Du point de vue intellectuel le bon sens comporte d'abord réalisme et objectivité : quand des rêveurs ou des théoriciens se perdent dans le monde qu'ils bâtissent au milieu des nuages, c'est l'homme de bon sens qui ramène au réel. Ce réel, le bon sens le voit dans son ensemble, grâce à un pouvoir de vue synthétique qui fait sa principale force : « Le « bon sens » consiste à ne laisser point éblouir par un sentiment ou une idée, si excellents puissent-ils être, jusqu'à perdre de vue tout le reste ».

L'esprit faux, de son point de vue, porte des jugements justes ; son tort n'est que dans le partialité de ses vues.

Au contraire si l'homme de bon sens apprécie sagement les situations complexes, c'est que des données du problème il ne néglige rien d'important, ne s'embarrasse de rien d'accessoire. Mais pour que cette vue synthétique provoque ce sentiment particulier du possible et du convenable qui constitue le bon sens, il faut un don particulier d'intuition.

L'homme de bon sens sait se mettre à la place des autres et même, d'une certaine manière, des choses : par une sorte de mystérieuse sympathie, il expérimente les hypothèses envisagées, observe les conséquences qui s'ensuivront, les réactions provoquées. B.

Conditions morales.

— On a dit que l'esprit scientifique est surtout fait de qualités morales.

La même observation, vaudrait de cette forme vulgaire de l'esprit scientifique qu'est le bon sens : « c'est une qualité du caractère plutôt que de l'esprit ». Le bon sens suppose la maîtrise de soi sans laquelle on tombe dans la précipitation et dans la prévention, portant des jugements inconsidérés avant un sérieux examen des questions. Celui qui juge avec bon sens est parvenu à un profond détachement de ses propres intérêts dont le trop grand souci fausse la vue du réel.

En particulier il ignore ou a surmonté le prurit de se faire remarquer, la peur des critiques et l'ambition de devenir célèbre : c'est par désir de briller que beaucoup d'hommes d'esprit s'écartent des voies du bon sens ; à l'opposé, c'est la crainte des oppositions qui emprisonne dans les sentiers du sens commun des penseurs timides qui auraient pu être originaux s'ils avaient accepté de déplaire ; les paranoïaques enfin, chez qui le manque de bon sens atteint la folie, ne sont anormaux que par un excès de fatuité. Il semble bien aussi que le bon sens est lié à la bonté.

En effet, pour voir clair dans les affaires humaines qui constituent le domaine propre du bon sens, il faut comprendre les hommes et on ne les comprend pas sans sympathie. Conclusion.

— Les qualités intellectuelles qui constituent le bon sens sont un don naturel auquel nos efforts systématiques ne peuvent guère ajouter.

Il n'en est pas de même des vertus morales qui le conditionnent : elles s'acquièrent et se développent par l'exercice.

Ainsi, dans une grande mesure, chacun a le bon sens qu'il mérite. »

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