Aide en Philo

Que signifie l'expression: avoir de l'expérience ?

Extrait du document

« Lorsque l'on dit que quelqu'un a de l'expérience, tout le monde voit bien « en gros » ce que cela signifie.

Mais dès qu'il s'agit de donner une signification précise, les difficultés commencent.

Certes, il est toujours possible de définir l'expérience en se servant d'autres termes comme ceux d'« adulte », de « maturité », de « savoir-faire », etc.

Cette façon de procéder se révèle cependant rapidement n'être qu'une manoeuvre vaine destinée à contourner les difficultés.

Il faudrait alors en effet connaître la signification des termes employés pour définir l'expérience.

Un autre moyen de s'en sortir, ou plutôt de faire démarrer notre travail consisterait, semble-t-il, à prendre d'emblée un exemple précis de manière à pouvoir étudier sur le vif ou concrètement la signification de l'expression « avoir de l'expérience ».

Là encore, nous nous apercevons aussitôt que ce n'est pas la bonne méthode, c'est-à-dire le bon chemin pour avancer.

La signification risquerait fort d'être partielle.

Que devons-nous donc faire pour entamer correctement l'interrogation ? Justement ne rien faire.

Ou, si l'on préfère, laisser parler le mot expérience lui-même, l'écouter et emprunter alors les chemins qu'il nous ouvre.

Une telle méthode ne relève ni de l'impression, ni même de la réflexion, mais du mouvement propre à la pensée. En français (ou en anglais) le mot « expérience » provient en droite ligne du latin : experientia.

Ce dernier mot est formé à partir du verbe experior, experiri qui signifie faire l'essai de, éprouver.

De là, nous pouvons aisément remonter jusqu'au verbe perior qui possède le même sens et qui a donné periculum.

Le sens premier du mot periculum est en effet expérience, essai, épreuve.

Mais periculum veut dire aussi péril, danger.

C'est même là le sens le plus répandu.

Ainsi nous pouvons dès à présent constater que l'expérience, prise au sens originel du terme, habite les parages du risque et du péril.

Cette proximité du péril et de l'expérience devient encore plus manifeste si nous nous souvenons qu'il existait en ancien français le verbe espérir, proche de périr, qui signifiait faire l'expérience de. Avoir de l'expérience, ce serait être capable d'affronter, d'une façon ou d'une autre, risques et périls.

Retenons, sans la développer pour l'instant, la première indication que vient de nous fournir le mot expérience.

Si nous passons maintenant du français ou de l'anglais à l'allemand ou au néerlandais, nous pouvons recueillir une seconde indication tout aussi précieuse que la première.

Par exemple le professeur qui est le personnage central du grand roman de l'écrivain flamand Hugo Claus intitulé L'Étonnement (de verwondering) va jusqu'au bout d'une expérience qui s'achève dans un cri.

Pour un Flamand, expérience se dit ervaring, mot dans lequel il est facile d'entendre le verbe ervaren: essayer, éprouver.

De là.

nous remontons jusqu'au verbe varen qui signifie certes naviguer (c'est-à-dire aller sur l'eau, mais qui peut aussi vouloir dire aller.

Avoir de l'expérience, ce serait ainsi accomplir un mouvement au terme duquel nous éprouverions un changement, une sorte de mue.

Celui qui fait véritablement une expérience va jusqu'au bout.

Si, comme on dit les voyages forment la jeunesse, c'est qu'ils sont riches en expériences.

Mais n'anticipons pas, nous reviendrons là aussi sur ce point.

Quant à l'allemand Erfahrung (expérience, verbe erfahren : aller, se déplacer, cf.

encore l'anglais to fare), il indique lui aussi la marche.

Faire l'expérience de quelque chose, c'est « y arriver grâce à la marche sur un chemin » (Heidegger, Acheminement vers la parole, p.

153). Si à présent, afin de savoir ce que veut dire « avoir de l'expérience », nous rassemblons en un seul domaine les deux points évoqués — l'expérience comme rencontre du péril et l'expérience comme cheminement — deux possibilités au moins s'offrent à nous.

La première qui semble la plus courante, consiste à reconnaître que quelqu'un a de l'expérience quand il a vécu beaucoup de choses.

Il s'agit donc dans ce cas de l'expérience vécue.

La seconde, qui apparemment est moins habituelle, insiste sur le caractère fondamentalement poétique de l'expérience.

Explorons d'abord la première voie.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles