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Que pouvons-nous faire de notre passé ?

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« Définition des termes du sujet: PASSÉ: Dimension du temps écoulé dans son irréductible irréversibilité.

D'ordre biologique, pulsionnel, social, historique ou psychologique, le passé pèse sur l'homme dans le sens du déterminisme, mais, il structure aussi activement la personnalité sans laquelle la liberté serait impossible ou illusoire.

La liberté qui peut d'ailleurs s'exercer à l'égard du passé lui-même, dans la mesure où le sens accordé au passé reste du choix de l'individu (cf.

Sartre).

Par sa nature même, la connaissance du passé humain reste, selon les cas, occultée, aléatoire, partielle, subjective, soumise au moment social; elle laisse ainsi souvent une marge d'indétermination propice aux illusions et à l'action de l'imaginaire. [Introduction] Par définition, le passé n'est plus.

À s'en tenir là, on affirme une coupure entre le passé et le présent qui ne résiste pas à l'analyse, même superficielle : comment pourrais-je admettre que ce que je suis est totalement indépendant de ce que j'étais hier ou il y a un an ? Il faut donc admettre que, du passé, il se continue au moins certains aspects dans le présent, mais aussi que, par ce prolongement, le passé déploie un sens qui pouvait ne pas apparaître immédiatement.

Puisque le présent est le moment de l'action, la permanence, en lui, d'éléments du passé, indique que cette action peut les prendre en charge aussi bien que les transformer, de telle façon que la nature même du passé devient inqualifiable.

Doit-on ainsi penser que faire le présent soit aussi faire le passé ? Plus généralement, que pouvons-nous faire de notre passé ? [I.

Le passé impossible à méconnaître] Lorsqu'il déplore que l'intérêt pour l'histoire et le passé aboutisse à stériliser nos initiatives actuelles, Nietzsche qualifie ce qui n'est plus d'une métaphore significative : c'est « le roc : ce fut ».

L'expression souligne le poids éventuel du passé, son inertie, la manière dont il risque, si nous le considérons trop longuement ou s'il nous obsède, d'empêcher nos décisions. Cependant, cela ne signifie pas que nous devrions chercher à nous en débarrasser une fois pour toutes, à l'annuler et à le considérer comme absolument « mort » ou « clos ».

Une telle révocation paraît d'ailleurs impossible, tant ce qui a eu lieu continue à nous habiter et à nous constituer, aussi bien individuellement que collectivement. Nous sommes évidemment, comme personnes ou comme nations, le résultat du passé, d'une histoire composée d'une multitude d'événements qui ont participé à notre formation.

Que serait un individu se privant de ses enseignements antérieurs ? Que serait une nation refusant ce qu'elle a été ? La réponse s'impose dans les deux cas : rien, ou une existence totalement inconsistante et dépourvue de sens, parce qu'étroitement définie par sa situation présente, et inlassablement condamnée à ne rien « apprendre ». Toute existence au présent suppose qu'elle accepte son passé et en tienne compte. Mais encore faut-il que le passé autorise l'innovation.

Cela nous paraît obligatoire parce que nous vivons dans des sociétés qui privilégient le progrès, mais d'autres sociétés sont au contraire organisées en fonction d'un respect du passé tellement écrasant qu'aucun progrès voulu ne peut s'y manifester et qu'elles se condamnent à la répétition périodique de ce qui fut : c'est que le passé y reste tellement présent qu'en un sens il n'est pas conçu comme authentiquement passé.

Le mythe, la légende, la coutume lui confèrent une actualité durable, et en réactivent l'efficacité.

Dans ces conditions, la conscience historique ne peut se former, puisqu'elle suppose qu'il y ait, entre le passé et le présent, une distance suffisante pour que le premier puisse être objet d'étude et d'analyse.

Dans les sociétés qui en respectent l'enseignement, le mythe ne peut pas être étudié : s'il informe le présent, c'est autant au sens où il l'instruit qu'à celui où il lui donne forme.

De ce passé non repéré comme tel, on ne peut rien « faire » d'autre que respecter inlassablement les valeurs et les modèles, puisque c'est au contraire lui qui fait le présent. [II.

Le passé mis à distance] Mais le passé peut faire retour selon des modalités plus nettement pathologiques.

Qu'il s'agisse du retour «du refoulé» dans certaines pathologies mentales, ou du retour à des solutions politiques dont le passé devrait montrer la nocivité dans des contextes collectifs, il semble qu'il ne soit possible de les éviter qu'à la condition de faire du passé un objet de connaissance. Cela suppose d'abord que l'on soit à son égard dans une certaine distance.

Celle-ci ne signifie pas que l'on devrait ignorer ce qui le lie au présent, puisque, bien au contraire, c'est l'existence de ces liens qui menace du retour.

Et c'est bien pour repérer ces liens que la distance est d'abord nécessaire.

Puisque le passé est double, sa connaissance l'est aussi, même si l'on constate, entre l'un et l'autre niveau, des similitudes et de possibles points de passage.

Ainsi, on admet en psychanalyse que c'est par l'appropriation consciente d'événements anciens méconnus, mais toujours actifs dans l'inconscient, que le malade peut se rééquilibrer.

De même, la connaissance du passé d'un peuple peut lui permettre une meilleure compréhension de ce qu'il a été, et une meilleure conscience de ce qu'il est devenu en fonction de ce qu'il a été, en l'absence desquelles il peut revenir à d'anciennes errances.

Cela ne suffit pas, sans doute, pour garantir l'absence de répétition, car la connaissance du passé n'est jamais également diffusée dans l'ensemble d'une population, et parce que des intérêts (politiques ou idéologiques) peuvent être de nouveau, en dépit de la connaissance de ce qui a déjà eu lieu, déterminants dans le comportement collectif.

Mais il est certain qu'en l'absence de toute connaissance historique, un événement passé a encore plus de chance de réapparaître, au prix d'une transformation minime. Prétendre faire du passé quelque chose, c'est le considérer comme étant à notre disposition, et il est ainsi sous-entendu dans un tel projet que ce qui a eu lieu peut encore changer de signification : le passé n'est jamais définitivement fixé.. »

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