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Que nous apporte l'illusion ?

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« De son côté, l'illusion peut apparaître comme satisfaisante pour celui qui préfère se dissimuler la réalité de sa situation — qu'il s'agisse de sa situation personnelle ou de sa situation d'homme en général, comme mortel.

L'illusion rassure parce que, tant qu'elle dure, elle ne fait que confirmer l'interprétation habituelle du monde.

C'est bien pourquoi elle constitue, du point de vue de Bachelard, un important obstacle épistémologique. C'est que l'illusion prend son origine dans un besoin fondamental de quiétude et dans les désirs.

Sa dénonciation risque en conséquence d'être peu efficace.

Si l'on admet, à la suite de Marx et de Freud, que la croyance religieuse ne repose sur rien d'autre que sur un désir de compensation face aux misères réelles ou une demande de protection d'origine infantile, force est de constater que ce repérage de ses sources ne suffit aucunement à la faire disparaître. L'illusion nous est peut-être d'autant plus «naturelle» qu'elle correspond à notre fonctionnement psychique normal, c'est-à-dire à la façon dont notre conscience nous trompe sur nos déterminations en censurant nos pulsions et les représentations de notre inconscient.

Lorsque Freud a entrepris de diffuser ses théories, ce fut en affirmant qu'elles étaient sans doute ce à quoi l'homme était le moins préparé, ou ce qu'il admettrait le plus difficilement, précisément parce que les « vérités » qu'il affirmait venaient contredire la confiance traditionnellement accordée à notre conscience.

Notre existence quotidienne ne peut, par exemple, se dérouler sans trop de heurts qu'à la condition que nous « oubliions » l'importance de la sexualité.

L'illusion est ainsi quotidiennement vitale, parce qu'elle nous permet d'avoir des relations normales avec les autres et d'obéir aux principes de notre environnement. Toutefois, vient toujours un moment où l'illusion est dénoncée comme telle : ce fut le travail de Freud, et c'est, plus généralement, la tâche de toute démarche philosophique ou scientifique.

Lorsque Marx dénonce les effets de l'idéologie bourgeoise sur la conscience même de la classe ouvrière, que tente-t-il d'autre que d'ôter à cette dernière ses illusions ? Vient toujours un moment où « le roi est nu ».

Il semble ainsi que l'auto-aveuglement, malgré le confort qu'il peut m'apporter, doit avoir une fin ; et il apparaît semblablement, du point de vue collectif, que la mentalité est bien obligée, même contre son gré, de tenir compte peu à peu, malgré l'inquiétude que cela peut susciter en elle, des avancées scientifiques. Introduction L'illusion est ici à distinguer de l'erreur : si l'erreur peut être corrigée une fois pour toutes, l'illusion est une erreur constante, incorrigible, constitutive de notre rapport au monde, permanente, revenant constamment.

Dès lors, si l'évidence ne peut être erronée, ce que montre Descartes, elle peut dependant être soumise à l'illusion.

Par conséquent, l'illusion affiche une dimension positive, tandis que l'erreur n'est qu'une notion négative.

D'où vient alors ce fait que l'illusion puisse à la fois nous être utile car constitutive de notre rapport au monde et relever d'une déformation essentielle de la nature de ce dernier ? De quelle positivité existentielle peut-elle se réclamer ? I L'erreur peut être corrigée ; mais pas l'illusion qui n'apporte rien : Descartes et Husserl - Descartes : la conscience peut nous tromper sur la véritable nature des choses.

Ainsi, le bâton de bois me paraît brisé plongé dans l'eau, alors qu'il demeure droit en réalité.

Mais la conscience possède aussi un pouvoir intellectuel de correction, qui lui permet de déterminer l'identité (même si celle-ci ne peut être perçue de façon sensible) d'une chose à travers ses différents états de perception : le morceau de cire est identifié comme étant la même chose malgré ses états liquide ou solide (Méditations métaphysiques).

La conscience peut donc nous tromper, mais fondamentalement elle possède un pouvoir de correction qui réduit l'illusion à une erreur provisoire (Discours de la méthode). - Husserl : la conscience peut en effet être trompeuse.

La conscience est toujours conscience de quelque chose qu'elle vise intentionnellement (structure de l'intention) : mais cette visée peut être incomplète, erronée. Cependant, il existe des moyens de vérification qui permettent à l'homme de remédier à ces incomplétudes.

Husserl va plus loin que Descartes : l'illusion ne peut aller jusqu'à menacer la perception directe du soi dans l'identité à soimême.

La conscience n'est pas illusoire car elle permet l'accès à la chose en soi, car la chose n'est que l'ensemble des perceptions que l'on a d'un objet. L'illusion ne peut donc rien nous apporter : notre existence se fonde par le rapport entre l'évidence et l'erreur (Idées directrices pour une phénoménologie). II L'illusion comme mode essentiel et irréductible d'être de l'homme : Spinoza et Freud -Spinoza : la conscience se pose comme libre, mais ne l'est pas réellement. Cette liberté est une illusion provenant du manque de connaissance de l'homme quant à la chaîne des causes qui constituent son existence.

Le problème est alors : cette conscience trompeuse est-elle erronée, donc susceptible d'une correction définitive, ou une illusion irréductible ? Pour Spinoza, cela dépend de la nature des sentiments conscients éprouvés : une passion triste enferme la conscience dans l'illusion d'une liberté trompeuse, sans pouvoir en sortir.

Une passion joyeuse au contraire est le signe d'une adéquation entre l'homme et son monde : l'homme peut se savoir alors déterminé mais néanmoins actif dans le monde.

L'illusion s'impose donc comme la forme première de l'existence humaine, suspectible cependant d'être transformée en un savoir rationnel (Ethique).. »

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