Que Ne Savons-Nous Pas ?
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«
QUE NE SAVONS-NOUS PAS ?
Que ne savons-nous pas ? Ou : que ne savons-nous pas !
Avec un point d'exclamation, la formule suggère que nous
savons tout, tout sur tout, et que si nous ne le savons
encore, nous allons le savoir, que rien ne nous résistera, que
bientôt le rêve de Hegel sera entièrement accompli : le réel
sera rationnel et le rationnel sera réel, l'inconnu
disparaîtra comme un mauvais souvenir, ce qui semblait
extérieur à toute forme de saisie rationnelle sera devenu
raison, nous pourrons dire que tout s'explique et que tout
nous est devenu transparent.
Ce rêve a longtemps été celui de la philosophie, à la
recherche d'une totalisation systématique des connaissances
sous la forme de ce « savoir absolu » dont Hegel, précisément,
avait conçu qu'il ne laisserait rien en dehors de lui-même.
Ce sont les sciences qui peuvent aujourd'hui sembler réaliser
un tel rêve, à mesure par exemple que de très anciens
paradoxes sont devenus des évidences et que rien n'interdit
d'espérer que les paradoxes d'aujourd'hui deviendront à leur
tour, demain, des évidences.
À chaque époque, les nouvelles
vérités scientifiques, par exemple celles qu'a découvertes
Copernic, au XVIe siècle, sur les mouvements des planètes et
qui conduisaient à recomposer toute la représentation du monde
autour du Soleil, déstructurent tellement notre rapport au
réel qu'elles font surgir d'abord plus de questions que de
réponses : pourquoi, si la Terre tourne sur elle-même, son
mouvement nous reste-t-il imperceptible ? Pourquoi cette
rotation ne nous éjecte-t-elle pas à chaque instant de la
surface du globe, etc.
? Bref, chaque progrès de la
connaissance semble se solder par la mise en évidence de
nouvelles ignorances.
Reste que, de fait, ces ignorances aussi
se trouvent progressivement comblées.
Au point que la
perspective selon laquelle la connaissance humaine aurait des
limites apparaît tout au plus comme le produit de cette
opacification momentanée que de nouvelles connaissances font
surgir autour d'elles en suscitant, à leur périphérie, de
nouvelles questions qui donneront lieu à leur tour à de
nouvelles connaissances, et ainsi de suite.
Bref, que ne
savons-nous pas !
La formule peut cependant réapparaître, avec cette fois un
point d'interrogation, comme une authentique question : malgré
cette extraordinaire dynamique de la connaissance, n'avonsnous pas un certain nombre de motifs de considérer que, non
seulement il y a, mais il y aura toujours, des limites à ce
que nous connaissons ? Que ne savons-nous pas ? Infiniment de
choses, après tout : si Dieu existe ou si Dieu n'existe pas,
s'il y a une vie après la mort ou rien de tel, si notre monde
est le seul où il existe du vivant ou s'il y a de la vie sur
une autre planète, dans un autre système que le nôtre, et
même, de façon tout à fait assurée, si le jour se lèvera
demain ou non, puisque la constatation d'une régularité
n'équivaut jamais à une entière certitude.
Parmi ces zones de
non-savoir, ou d'ignorance, certaines seront-elles comblées
par les progrès de nos connaissances, certaines sont-elles
vouées à demeurer au-delà des limites de tout savoir humain ?
Devenue question, la formule se transforme donc
1.
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