Que faire ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet :
Le verbe « faire », bien que son sens soit intuitivement évident, est sans doute un des plus difficiles à définir
avec précision.
En première approche, il nous situe dans le domaine de l'action et s'oppose par conséquent à la
réflexion.
En demandant « que faire », nous nous interrogeons sur l'objet de l'action.
Cependant, la question n'est pas
« que faisons-nous ? » qui inviterait à analyser ce que de fait nous faisons, c'est-à-dire par exemple, ce en
quoi consiste notre quotidien.
Au contraire, la question « que faire ? » présuppose l'absence de l'action et de
son objet : concrètement, la question se pose justement lorsque nous ne savons pas quoi faire, lorsque l'objet
fait défaut.
Cette absence de l'objet peut se manifester de différentes manières : premièrement, nous nous demandons
« que faire » lorsque, dans une situation donnée, nous ne savons pas comment agir ou réagir, autrement dit,
lorsqu'un problème surgit.
« Que faire ? » signifie alors : « Que dois-je faire pour résoudre le problème ? ».
L'objet de l'action qui manque prend dans ce cas le statut d'une solution au problème.
Mais la question peut également se poser en l'absence de tout problème : nous nous demandons par exemple
« que faire » lorsque nous nous ennuyons.
L'objet qui fait défaut (puisque nous ne savons pas quoi faire) est
alors désiré, ou, plus précisément, c'est la présence même d'une quelconque action et de son
objet indéterminé qui est souhaitée.
Autrement dit, c'est l'objet même de la volonté qui manque dans ce cas:
celui qui s'ennuie voudrait vouloir quelque chose mais ne veut rien.
La question « que faire ? » peut encore prendre une résonance existentielle.
Elle signifie alors par exemple :
« quel est le sens de la vie ? ».
Ce qui fait défaut, c'est dans ce cas le but de l'existence, l'objet vers lequel
mon action peut se diriger.
Problématisation :
Notre analyse a développé trois aspects de la question « que faire ? » en en proposant trois interprétations.
Tentons dans chacun de ces cas de répondre aux questions :
I – Que dois-je faire ?
II – Qu'est-ce que je veux ?
III – Quel est le but de mon existence ?
I – Que dois-je faire ?
Nous pouvons, afin de répondre à notre premier problème, nous inspirer de la réflexion aristotélicienne suivante :
Référence : Aristote
« Est-ce qu'on délibère sur toutes choses, autrement dit est-ce que toute
chose est objet de délibération, ou bien y a t-il certaines choses dont il n'y a
pas de délibération ? Nous devons sans doute appeler un objet de délibération
non pas ce sur quoi délibérerait un imbécile, ou un fou, mais sur ce quoi peut
délibérer un homme sain d'esprit.
Or, sur les entités éternelles il n'y a jamais
de délibération : par exemple, l'ordre du Monde ou l'incommensurabilité de la
diagonale avec le coté du carré.
Il n'y a pas davantage de délibération sur les
choses qui sont en mouvement mais se produisent de la même façon, soit par
nécessité, soit par nature, soit par quelque autre cause : tels sont, par
exemple, les solstices, et le lever des astres .
Il n'existe pas non plus de
délibération sur les choses qui arrivent tantôt d'une façon, tantôt d'une
autre, par exemple les sécheresses et les pluies, ni sur les choses qui arrivent
par fortune, par exemple, la découverte d'un trésor.
Bien plus : la délibération
ne porte même pas sur toutes les affaires humaines sans exception : ainsi,
aucun Lacédémonien ne délibère sur la meilleure forme de gouvernement pour
les Scythes.
C'est qu'en effet, rien de tout ce que nous venons d'énumérer
ne pourrait être produit par nous.
Mais nous délibérons sur les choses qui
dépendent de nous et que nous pouvons réaliser : et ces choses-là sont, en
fait, tout ce qui reste, car on met communément au rang des causes, nature,
nécessité et fortune, et on y ajoute intellect et toute action dépendant de l'homme.
Et chaque classe
d'hommes délibère sur les choses qu'ils peuvent réaliser par eux-mêmes.
»
Le problème d'Aristote, quant à sa forme, est l'inverse du notre : il se demande en effet ce qui fait l'objet d'une
délibération, alors que nous nous demandons comment agir face à un problème.
Mais la réflexion d'Aristote va nous
permettre de déterminer ce qui véritablement peut constituer pour nous un problème et, par suite, ce qui relève du
faux problème.
La thèse qu'il soutient est justement que tout ne peut pas être l'objet d'une délibération : « nous
délibérons sur les choses qui dépendent de nous et que nous pouvons réaliser ».
Cela signifie premièrement que ce qui ne relève pas des possibilités d'action de l'homme, comme par exemple l'ordre.
»
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