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Que craignons-nous dans la mort ?

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« Introduction L'existence est quelque chose que l'homme ne cesse d'interroger : pourquoi quelque chose plutôt que rien ? Pourquoi mourir ? C'est ce qui le distingue des autres vivants.

Lui seul est capable d'un retour réflexif sur son existence et sur sa mort.

L'homme sait qu'il va mourir.

La mort est source d'angoisse pour lui.

Mais que craint-il exactement dans la mort ? Craignons-nous dans la mort d'être ou de ne plus être ? Craignons-nous de souffrir ou de ne plus rien sentir ? Notre crainte envers la mort est paradoxale car à la fois nous craignons de souffrir et à la fois nous craignons de ne plus être là.

Or, comment souffrir de quelque chose si nous ne sommes plus là ? De notre propre mort, nous ne pouvons faire l'expérience, nos craintes sont donc infondées.

En revanche, nous faisons l'expérience de la mort d'autrui et craignons la perte qu'elle cause. I- Ce que nous craignons dans la mort est la souffrance Nous ne connaissons rien de la mort, nous ne savons pas l'effet que cela fait, ni même si cela fait un effet quelconque.

Pourtant, nous craignons cet effet, nous craignons de souffrir.

Cela est dû à notre imagination.

Nous imaginons des sensations à partir de sensations que nous connaissons.

Pour Epicure, une telle chose est insensée dans la mesure où nous ne sentirons pas la mort.

En effet, nous ne pouvons avoir de sensation de la mort car nous ne sommes plus à ce moment-là.

« La mort est absence de sensation (...) la mort n'a rien d'effrayant », explique Epicure dans sa Lettre à Ménécée. La métaphysique matérialiste va aussi permettre de délivrer l'humanité d'une de ses plus grandes craintes : la crainte de la mort.

Les hommes ont peur de la mort.

Mais que redoutent-ils en elle ? C'est précisément le saut dans l'absolument inconnu.

Ils ne savent pas ce qui les attend et craignent confusément que des souffrances terribles ne leur soient infligées, peut-être en punition de leurs actes terrestres.

Les chrétiens, par exemple, imagineront que quiconque à mal agi et n'a pas obtenu le pardon de Dieu ira rôtir dans les flammes de l'enfer.

La peur de la mort a partie liée avec les superstitions religieuses dont la métaphysique matérialistes nous libère.

De plus, si tout dans l'univers n'est fait que de matière, si nous, comme tous les êtres vivants, ne sommes que des agrégats d'atomes, lorsque nous mourons, ce ne sont que nos atomes qui se séparent, qui se désagrègent, ce n'est que notre corps qui se décompose, en un point d'abord (celui qui est blessé ou malade), puis en tous.

Dès lors, rien de notre être ne survit, il n'y a rien après la mort, « la mort n'est rien pour nous ». Ceux qui pensent que la vie du corps, la pensée, la sensation, le mouvement viennent de l'âme, et que cette âme pourrait survivre après la mort du corps, ont tort.

Car l'âme elle-même est faite de matière, certes plus subtile, puisque invisible ; mais si elle n'est qu'un agrégat d'atomes, elle aussi se décompose lorsque la mort survient, et même, selon l'expérience la plus commune, il faut penser qu'elle est la première à se décomposer puisque le mort apparaît immédiatement privé de vie, de sensation, de pensée et de mouvement, alors que le reste de son corps semble encore à peu près intact et mettra plus de temps à commencer à se décomposer.

Aussi, la mort se caractérise bien en premier lieu par l'absence de sensation : « Habitue-toi à la pensée que le mort n'est rien pour nous, puisqu'il n'y a de bien et de mal que dans la sensation, et que la mort est absence de sensation.

» En effet, les sensations que nous avons de notre corps et, à travers lui, des choses du monde sont la source de toute connaissance, et aussi de tout plaisir et de toute douleur, donc le vrai lieu de tout bien et de tout mal, puisque le bien réel n'est que le plaisir et le mal la douleur.

Nous pouvons désigner la pensée d'Epicure comme un sensualisme qui fonde toute la vie intérieure sur la sensation.

La mort étant la disparition des sensations, il ne peut y avoir aucune souffrance dans la mort.

Il ne peut pas y avoir davantage de survie de la conscience, de la pensée individuelle: « Ainsi le mal qui effraie le plus, la mort, n'est rien pour nous, puisque lorsque nous existons, la mort n'est pas là, et lorsque la mort est là, nous n'existons plus. » Dès lors je peux vivre, agir et profiter de cette vie sans redouter aucune punition post-mortem.

Et je sais que c'est ici et maintenant qu'il me faut être heureux, en cette vie, car je n'en ai aucune autre.

Mon bonheur dans la vie est une affaire sérieuse qui ne souffre aucun délai.

Tel est l'enseignement de la sagesse matérialiste. II- Ce que nous craignons dans la mort est de ne plus être là Dans la mort, nous craignons de disparaître, de ne plus exister.

Nous avons peur de ne plus être, nous craignons le néant.

Or, explique Kant, nous ne devons pas craindre cela car c'est « une pensée impensable ».

Nous ne pouvons penser que nous ne sommes pas, il est contradictoire que le sujet se nie lui-même.

Ainsi, dans L'Anthropologie d'un point de vue pragmatique, Kant énonce : « Si je ne suis pas, je ne peux pas non plus être conscient que je ne suis pas ».

Il est donc impossible d'être conscient de ne plus exister.

Une telle crainte est infondée. III- Ce que nous craignons dans la mort est la perte d'autrui Nous ne pouvons avoir de crainte fondée sur notre propre mort.

En revanche, au cours de notre existence, nous faisons plusieurs fois l'expérience de la mort d'autrui.

C'est un événement auquel nous pouvons assister tandis que nous n'assisterons jamais à notre propre mort.

Nous craignons la mort d'autrui car elle nous fait du tort à plus d'un titre.

D'une part, la personne disparue nous manque et d'autre part, sa perte nous rappelle notre propre mort. Il y aura toujours une différence entre la mort d'autrui et ma propre mort.

La mort d'autrui appartient au domaine de l'objectivité pour moi, je peux en parler avant, pendant et après.

En revanche, je ne puis être témoin de ma propre mort.

C'est en ce sens que Jankélévitch écrit dans La Mort : « La mort joue à cache-cache avec la conscience : où je suis, la mort n'est pas et quand la mort est là, c'est moi qui n'y suis plus ». Conclusion Pour l'espèce humaine, la conscience d'exister est indissociable de la conscience de la mort.

Aussi, l'homme y pense-t-il souvent et l'imagine-t-il.

Il ne peut faire que cela.

La mort est l'inconnu par excellence, c'est pourquoi elle est source de craintes.

Ces craintes sont contradictoires : on craint d'être là au moment de notre mort et après.

On craint, comme le dit Montaigne, d'avoir péri.

Or, on craint aussi de ne plus être là et d'en être conscient, ce qui est une pensée impossible.

Nous craignons également la mort d'autrui qui ne fait que nous rappeler notre propre mort.

Si la mort est source de craintes infondées, il ne faut pour autant pas s'empêcher d'y penser car c'est notre conscience de la mort qui nous distingue en tant qu'hommes.. »

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