Pouvons-nous nous passer du progrès technique ?
Extrait du document
«
[Le progrès technique n'a pas entraîné un progrès moral.
Il a accru l'angoisse face aux dangers que connaît
actuellement la planète.
La sagesse invite à renoncer
à la course aveugle vers le progrès technique.]
Il faut savoir se passer du progrès technique
Une politique saine suppose un équilibre entre les besoins de l'homme et sa domination de la nature.
Les
techniques simples qui fournissent les objets de première nécessité ne causent pas de perturbations.
La
sagesse aristotélicienne veut que l'art de produire reste conforme à la nature.
Il ne faut pas s'engager dans
un processus qui risque de détruire les conditions naturelles de la vie.
Le progrès technique n'a Pas engendré le progrès moral
A.
— La « civilisation » moderne se caractérise en grande partie par les progrès de la technique.
Les sociétés
dites « primitives » ne possèdent « qu'une technique industrielle rudimentaire en rapport avec des besoins peu
nombreux et peu variés » (G.
Smets).
Au contraire, les progrès de la technique, principalement depuis le
début du XIXe siècle, ont été tels qu'on peut dire que, « depuis 1830, l'humanité est entrée dans une nouvelle
ère, aussi différente de la précédente que l'âge du bronze l'était de l'âge de la petite polie » (J.
Fourastié).
Mais les jugements qui ont été portés sur ces progrès matériels, et en particulier sur la question de savoir s'ils
apportent une contribution effective au développement de la civilisation sous son aspect moral et à la
libération de l'homme, ont été très divers.
B.
— Il est pourtant incontestable qu'en un sens ils représentent pour l'homme un gain positif.
— 1° Ils ont
indiscutablement contribué à l'accroissement du bien-être général, et ceci n'est pas sans importance même du
point de vue proprement moral : il existe, dit SAINT ThOMAS (De regim.
principum, I, chap.
XV), un minimum
de biens « dont l'usage est requis pour l'exercice de la vertu ».
La misère a toujours été mauvaise conseillère
au point de vue moral, et comment veut-on qu'un homme qui n'est pas assuré même du strict nécessaire,
puisse donner l'attention qui convient à son perfectionnement moral? — 2° Il paraît difficilement contestable
aussi que le progrès technique a libéré l'homme de bien des tâches matérielles qui le réduisaient à l'état de
machine, qu'il a, d'autre part, permis de réduire le temps de travail et créé ainsi des loisirs que l'homme peut
consacrer à sa vie de famille et à sa culture intellectuelle.
Comme l'a écrit — avec quelque optimisme peutêtre — J.
FouRASTIE (Ouv.
cité, p.
115), « le progrès technique libère l'homme du travail servile et, en même
temps, il oblige au travail de l'esprit.
Rien ne sera moins industriel que la civilisation née de la révolution
industrielle.
La " catégorie ouvrière ", après une longue extension, commence à décroître; la condition
prolétarienne disparaîtra avec la période transitoire qui lui a donné naissance...
La conception, qui prévaut
encore en France de l'homme-robot, de la termitière et de l'homme prisonnier de la machine est manifestement
périmée ».
— 3° Ajoutons enfin que, du fait de l'extension des procédés techniques au-delà des cadres
nationaux, il se crée ainsi une civilisation internationale : les problèmes qui se posent sont à peu prés les
mêmes dans tous les pays industrialisés, ce qui contribue dans une certaine mesure à leur rapprochement.
Le progrès technique détruit la nature
Le progrès technique peut avoir des retombées néfastes pour la vie.
L'évolution technique conduit parfois à la
destruction d'un écosystème dont l'homme est tributaire.
Aucun moyen technique n'a permis de venir à bout
de la dioxine répandue à Seveso, ni des marées noires, ni des maux causés par l'accident de Tchernobyl.
Tyrannie de la technique.
A.
— Cet optimisme appelle cependant quelques réserves, et qui sont souvent assez graves.
—1 ° En même
temps qu'elle augmentait le bien-être, la technique créait de nouveaux besoins, souvent artificiels.
Qui dira la
tyrannie qu'exercent le cinéma, la radio, le journal sous ses formes les moins élevées (« presse du coeur »,
journaux à scandales, etc.) sur certaines gens qui, à temps ou à contre-temps, ne savent plus s'en passer?
Parfois aussi, la production à bon marché, appuyée par la publicité et certaines formes commerciales (vente à
crédit), a développé dans les classes modestes le goût d'un faux luxe dont elles sont elles-mêmes victimes.
—
2° Il est arrivé aussi qu'au moins dans la période de transition que nous traversons, le progrès technique, au
lieu de servir la liberté de l'homme, l'a mise en danger par suite de la mécanisation, non seulement du travail,
mais aussi de la vie de l'homme dans son ensemble, y compris même ses loisirs.
Il existe même des techniques
(propagande dirigée, « lavage de cerveaux », narco-analyse, etc.) directement attentatoires à la liberté de la
pensée.
B.
— Le moins qu'on puisse dire, en tous cas, c'est que le progrès technique ne suffit pas, par lui-même, à
assurer le progrès intellectuel et le progrès moral.
Certes, on peut espérer que son développement amènera
l'avènement de cette civilisation tertiaire dont parle J.
FouRAstiÉ et dans laquelle le travail intellectuel.
»
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