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Peut-on vivre sans passion ?

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« Problématique: Ce sujet possède deux présupposés: d'une part, il serait souhaitable de vivre sans passion, car cette dernière est considérée comme facteur d'aliénation ou de souffrance; et d'autre part, étant donné la nature humaine, par essence sujette aux passions et aux désirs, il semble impossible de mener une vie humaine sans être la proie des passions. C'est de ce dilemme fondamental dans la pensée chrétienne, et plus particulièrement chez Pascal, qu'il faut partir. La vie humain serait nécessairement prise dans un combat entre une passion omnipotente mais nocive et une raison bénéfice mais presque inexistante et totalement impuissante. Mais il convient de le dépasser aussi en discutant chacun de ses éléments.

Il n'est pas certain que la passion soit nécessairement à éviter.

De surcroît, il n'est pas évident que la passion soit indissolublement liée à la nature humaine.

La caractéristique propre à l'homme n'est-elle pas bien plutôt la possession et l'exercice de la raison ? Introduction Dans son Anthropologie du point de vue pragmatique, Kant, analysant la passion,, observe que « l'émotion porte un préjudice momentané à la liberté et à la maîtrise de soi-même » tandis que « la passion en fait fi et trouve plaisir et satisfaction dans l'esclavage » ; et comme « pendant ce temps, la raison ne se relâche pas dans son appel à la liberté intérieure, le malheureux soupire dans ses chaînes dont il ne peut pourtant pas se délivrer; désormais elles sont en quelque sorte greffées sur ses membres» (III, § 81).

Mais doit-on admettre ce jugement de Kant ? Et qu'entendre par « esclavage » ? La passion comme esclavage. Mécanisme de la passion. Le jugement que porte Kant sur la passion s'inscrit dans une longue tradition philosophique, remontant à Platon.

Cette tradition, illustrée par Descartes et, plus près de nous, par Alain, pose l'homme comme dualité : l'homme est un corps et une âme, qui sont réellement distincts.

L'âme ou l'esprit est raison et volonté et le corps est son instrument. Ce dualisme place la source de la passion dans le corps : c'est un mécanisme corporel qui déborde l'esprit et le domine : « les vraies causes de nos passions, note Alain, ne sont jamais dans nos opinions, mais bien dans les mouvements involontaires qui agitent et secouent le corps humain d'après sa structure et les fluides qui y circulent ».

Ce qui reprend la définition cartésienne des passions (cf..

Traité des passions, art.

27) comme « des perceptions, ou des sentiments, ou des émotions de l'âme qu'on rapporte particulièrement à elle et qui sont causées, entretenues et fortifiées par quelques mouvements des esprits », c'est-à-dire des « esprits animaux », qui correspondent à ces fluides dont parlait Alain. Ainsi dans les passions, l'âme subit l'agitation du corps, elle en pâtit.

Il n'y a pas, de ce point de vue, de différence de nature entre les passions au sens classique, cartésien, et la passion au sens moderne, celui de Kant.

Celle-ci n'est que l'état paroxystique de celles-là, au point que l'âme y devient totalement esclave du corps : le rapport hiérarchique normal est ainsi inversé, l'âme se mettant au service du corps, alors que c'est lui qui devrait la servir. Dans ces conditions, l'âme, se révélant incapable d'exercer le légitime contrôle de la raison sur le corps, peut être considérée comme malade : « Être soumis aux émotions et aux passions, observe Kant, est toujours une maladie de l'âme puisque toutes deux excluent la maîtrise de la raison » (Anthropologie, § 73).

Mais dans la passion, l'âme n'est pas complètement passive : elle va « penser » la passion, la rationaliser, la justifier.

« La passion, présuppose toujours chez le sujet la maxime d'agir selon un but prédéterminé par l'inclination.

Elle est donc toujours associée à la raison: et on ne peut pas plus prêter des passions aux simples animaux qu'aux purs êtres de raison » (ibid., § 80).

Seulement l'âme pense mal la passion, la rationalise de manière aberrante: la passion sera une pensée erronée, un jugement faux.

C'est pourquoi, comme le dit Kant, « la passion est à considérer comme un délire couvant une représentation qui s'implante toujours plus profondément » (ibid., § 74), et par là affermit son esclavage. En cela la passion se distingue de l'émotion, plus soudaine et momentanée.

« Dans l'émotion, l'esprit surpris par l'impression perd l'empire de soi-même.

Elle se déroule dans la précipitation [...].

La passion au contraire se donne le temps et.

aussi puissante qu'elle soit, elle réfléchit pour atteindre son but.

L'émotion agit comme une eau qui rompt la digue : la passion comme un courant qui creuse toujours plus profondément son lit.

L'émotion agit sur la santé comme une attaque d'apoplexie, la passion comme une phtisie ou une consomption.

L'émotion est comme une ivresse qu'on dissipe en dormant, au prix d'une migraine le lendemain, la passion comme un poison avalé ou une infirmité contractée » (ibid.). La passion comme conflit Un drame intérieur. »

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