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Peut-on vaincre la peur de l'autre ?

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« Par définition, la peur est un phénomène psychologique accompagné par la prise de conscience d'un danger réel ou imaginé.

Le problème est que la peur, contrairement à l'angoisse, a un objet, mais que cet objet n'est pas forcément rationnel (peur des araignées, peur du vide).

En tant que phénomène psychologique, elle est plus liée à une émotion instantanée qu'à un sentiment raisonné.

Il est donc difficile d'avoir une réaction constructive.

Comment vaincre alors ce qui nous échappe ? Dans l'intitulé, doit-on envisager la peur qu'a autrui ou la peur que j'ai d'autrui ? Comment partager la peur d'autrui, et comment penser sa propre peur, qui par définition n'est pas rationnelle ? D'autre part, le "peut-on" demande si l'on doit vaincre la peur de l'autre (quel devoir moral) mais aussi si c'est possible.

Ici, comme pour l'idée précédente, la possibilité va poser problème : comment est-il possible de faire ce travail sur soi-même ? Et l'objet de la peur, autrui, est-il un objet réel ou imaginaire ? Par qui cette peur est-elle entretenue, est-ce la première réaction naturelle face à ce qui nous est étranger ou ce que nous ne comprenons pas ? Comment aller à l'encontre de cette émotion ? Au lieu de vaincre (qui a une connotation d'intolérance), ne faut-il pas accepter notre peur de l'autre pour la transformer ? Ce sujet entraîne un travail sur les thèmes de la raison, du pouvoir de l'homme sur ses propres émotions, sur l'illusion, l'inconscient (notamment pour les phobies), sur autrui. Introduction • Par définition, l'autre n'est pas moi : il importe dans mon espace, dans ma perception, une étrangeté, une altérité qui peut aussi bien signifier mon rejet que mon accueil.

Dans le premier cas, sa présence, telle que je l'interprète, peut provoquer en moi une certaine peur, qui est aussi une réaction de défense contre son intrusion et les intentions que je lui prête.

Il est évidemment possible qu'au moment même où j'ai ainsi peur de l'autre, je produise sur lui le même effet.

Or, de cette peur réciproque, il semble ne pouvoir sortir qu'un conflit.

D'où l'intérêt qu'il y a à examiner, si l'on entend éviter ce conflit, comment la peur de l'autre pourrait être surmontée, et par quoi elle pourrait éventuellement être remplacée. 1.

Les justifications de la peur de l'autre • Toute conscience se positionne en définissant implicitement un monde qui est « le sien ».

L'affirmation, relativement à ce monde particulier, de la présence, ne serait-ce que physique, d'un autre, peut venir mettre en péril l'intégrité de « mon » monde : l'autre s'y introduit par une fracture que je n'ai pas prévue ou décidée.

II fait irruption dans « mon monde » sans y avoir été invité.

Une telle irruption peut être interprétée comme agressive, et c'est alors que je ressens à son égard de la peur. • Car tout distingue l'autre de moi : son aspect, ses intentions (ou du moins celles que je lui imagine), ses attitudes éventuelles, soit la totalité psychophysique de sa présence.

En un lieu qui n'est pas le mien dans l'espace, il signifie au premier abord la possibilité d'une autre version du monde que la mienne, qui peut être rivale ou concurrente de la mienne, et qui, à ce titre, représente un danger.

La continuité de « mon monde » est mise en question dès que l'autre s'y introduit : cet autre fracture un univers d'abord clos sur lui-même, il peut aussi bien contrarier mon projet, empêcher mes gestes, freiner ma spontanéité.

De toutes parts, il met en péril ma stabilité.

Et c'est pourquoi il me fait peur. • Une telle situation est bien entendu symétrique : au moment même où je découvre avec stupeur que ma vision du monde n'est pas la seule possible ou réelle, l'autre fait la même expérience.

Son territoire est également investi par ma présence.

Lui aussi peut éprouver, à cause de moi, de la peur.

Et l'addition de ces deux mouvements risque de mener à un conflit, à une lutte pour imposer à l'autre une présence désormais sans défaut. • Les sociobiologistes, qui prétendent repérer une continuité entre le comportement humain et celui de l'animal, peuvent dans un tel contexte souligner l'importance du « territoire » propre, entendu comme l'espace du monde dans lequel le sujet veut instaurer sa maîtrise et faire se déployer ses désirs.

L'existence commune doit alors s'interpréter sur le mode du conflit en permanence latent, et il n'est pas difficile de retrouver dans de telles conceptions l'écho des théories du XIXe siècle sur la nécessité de préserver l'« espace vital » nécessaire à une société : dans les deux cas, qu'il s'agisse du rapport entre deux êtres ou entre deux collectivités, la rivalité est conçue comme première entre les deux partis, qu'elle soit individuelle ou « nationale ». II.

L'autre et son groupe • Lorsqu'il analyse la co-présence de deux consciences de soi, Hegel insiste sur le mouvement qui anime chacune d'elle et la pousse à sortir de ce qu'il nomme la « mêmeté » (soit le fait que chacune se retrouve dans l'autre parce qu'elles ont bien en commun d'être d'abord toutes deux des consciences), pour affirmer son indépendance et sa singularité relativement à l'autre. Cette revendication de singularité mène à une «lutte à mort » entre les deux consciences, dans la mesure où chacune veut imposer à l'autre une définition qui ne lui convient pas en même temps que la preuve de sa supériorité.

De ce point de vue aussi, on conçoit donc la nécessité d'un conflit, même si la peur n'intervient qu'ensuite, pour mettre fin à la lutte lorsque l'une des deux consciences préfère céder à l'autre, par peur de perdre son existence, et accepte ainsi de devenir « esclave ».

Que la peur soit à l'origine du conflit ou qu'elle provoque son dénouement, elle est dans les deux cas présente, et détermine les rapports avec l'autre. • Si toutefois on tente, en s'éloignant de ce que l'analyse hégélienne a d'abstrait, de concevoir les rapports avec l'autre dans le monde quotidien, on peut souligner que sa présence ne va jamais sans s'accompagner d'indices de différence qui, s'ils peuvent en effet amplifier la peur, dépendent moins de l'autre en lui-même, c'est-à-dire de son altérité brute, que d'un environnement social toujours déjà présent.

Si l'autre peut, quotidiennement, me faire peur, c'est en effet davantage par ce qu'il véhicule, au moins symboliquement, que par ce qu'il est en lui-même.

L'autre. »

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