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Peut-on se libérer de nos illusions?

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« Qu'est-ce qui, plus que l'illusion, est synonyme d'aveuglement, d'enchaînement de la conscience à elle-même ? L'illusion se présente comme un cas d'aliénation particulier : qui n'apparaît pas à la conscience de celui qui en est affecté.

Or « se libérer de » implique la volonté d'un sujet, mais comment esquisser le projet d'une libération si l'on a pas conscience d'être entravé ? De deux choses l'une : soit l'illusion est effectivement ce qui dans sa présence même ne se signale pas et dès lors on ne pourrait de soi-même s'en libérer ; soit, elle n'est pas aveuglement total de la conscience mais se laisse percevoir confusément, sur un mode affectif, au sens où quoique aveuglé, l'amoureux saurait que son amour le rend aveugle. I-La voie de la science. Il faut s'atteler à distinguer illusion et erreur afin de faire l'économie de tout malentendu.

L'illusion a une dimension affective que l'erreur n'a pas, si toutes deux nous font prendre le faux pour le vrai, ce n'est pourtant pas de la même façon.

L'erreur peut être rectifiée, il suffit de refaire le calcul ou de recommencer le montage que l'on a raté.

Elle est le résultat d'un défaut d'attention ou de savoir, elle se résorbe lors d'une correction.

Au contraire l'illusion représente non pas une inaptitude momentanée mais générale de la conscience, dans l'illusion c'est la conscience elle-même qui se trouve prise en défaut et non simplement un de ses actes isolé. La science peut être comprise comme une enquête permanente contre les fausses prétentions à dire ce qu'est la réalité.

Il faut se demander si le progrès scientifique vainc des erreurs ou des illusions, si, par exemple, l'avancée des théories concernant les gènes ou la nature de l'atome, nous a fait renoncer à quelque chose de rationnel ou d'affectif.

Le plus souvent une avancée scientifique se fait contre une théorie précédente et non pas directement contre l'illusion du sens commun.

Nous devrions donc renoncer à la piste de la science, le simple fait de sa progression montre qu'elle est capable de corriger son contenu et donc qu'elle n'a pas à faire à des illusions, lesquelles ne peuvent par définition être corrigées par un simple raisonnement. Pourtant les choses ne sont pas si claires : la croyance au fait que le soleil tourne autour de la Terre était indistinctement partagée par le sens commun et la science avant les travaux de Copernic et Galilée, s'agissait-il d'une erreur ou d'une illusion ? Freud, dans les Leçons d'introduction à la psychanalyse (ch.

XVIII) a écrit comment les révolutions scientifiques peuvent parfois être l'occasion d'une blessure narcissique pour l'ensemble de l'humanité, c'est-à-dire correspondre non pas à la mise à jour d'une erreur, mais d'une illusion, et c'est pourquoi certaines avancées ne sont pas acceptées lors de leur découverte.

Toutefois, ces illusions sont impersonnelles, elles ne sont « notre » qu'en un sens historique, on ne peut pas dire que l'on s'en libère en première personne, mais seulement toujours par l'intermédiaire de la science, qui intervient alors comme un tiers.

« On » ne se libère pas d'illusions concernant la nature des choses : la médiation de la science est nécessaire. II-Se libérer de ses illusions : une tâche improbable ? L'illusion est pareille à l'oubli en cela qu'elle a lieu sans que la conscience s'en aperçoive, de même que nous ne savons pas qu'on est en train d'oublier, nous ignorons être la proie d'une illusion.

Toutefois il faut affiner cette image que nous donnons de l'illusion, il faut en effet reconnaître qu'être victime d'une illusion n'entraîne pas qu'on ne sache pas qu'il s'agit justement d'une illusion.

C'est ce paradoxe qui est au cœur de la « dialectique transcendantale », dans la Critique de la raison pure. En effet, Kant écrit que le meilleur des astronomes a beau savoir que la lune n'est pas plus grosse au lever, il ne pourra s'empêcher de la voir telle.

De la même façon la raison peut prendre conscience de ses propres limites : elle ne peut connaître que les objets du monde sensible et non les choses en soi, et pourtant malgré cela elle ne peut s'empêcher d'essayer de connaître ce qui est hors de sa portée : l'âme, le Monde et Dieu. Kant, critique de la théologie rationnelle Des preuves à propos de Dieu ? Dieu existe-t-il ? N'est-il qu'une illusion destinée à se rassurer ? La discussion philosophique est âpre au sujet de Dieu.

Les partisans de l'existence de Dieu ne manquent pas d'arguments.

La tradition en a retenu trois.

Les deux premiers sont extérieurs et concernent le monde.

Le troisième est intérieur et concerne les idées*. S'agissant du monde, il y a deux façons de prouver que Dieu existe.

La première consiste à partir de l'imperfection du monde.

La seconde consiste à partir au contraire de la perfection décelable dans le monde. S'agissant de l'imperfection du monde, celle-ci est bien un signe de l'existence de Dieu.

Considérons un instant, en effet, l'argument couramment employé par ceux qui ne croient pas en Dieu.

Dieu n'existe pas, disent-ils, car c'est la nature* qui est Dieu.

Il s'agit là d'une position « panthéiste », qui se heurte à une contradiction.

Si la nature, en effet, était Dieu, ne devrait-elle pas être parfaite ? À l'évidence, il y a en elle des imperfections. C'est donc qu'elle n'est pas parfaite et divine et que Dieu se trouve ailleurs.

De même, considérons, cette foisci, la perfection de la nature.

À l'évidence, un accident n'a pas pu créer un monde aussi organisé et aussi intelligent que le nôtre.

À l'évidence, le monde ne fait rien en vain et ne va pas nulle part.

N'est-ce pas là le signe manifeste qu'il existe une cause intelligente organisant tout ce qui existe dans le monde ? Enfin, considérons nos pensées.

Nous avons en nous l'idée de perfection.

La perfection ne possède-t-elle pas par définition toutes les qualités ? Ne possède-t-elle pas, par là même, celle d'exister ? Les réticences de Kant. »

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