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Peut-on s'accorder sur des vérités morales ?

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« [Le relativisme moral.

On ne peut s'accorder sur des vérités morales.] «Chacun appelle barbare ce qui n'est point de son usage» (Montaigne, Essais, 30).

Le mot, dans son acception originelle a été inventé par les Grecs pour désigner ceux qui n'étaient pas Grecs.

Le barbare est donc d'abord et avant tout l'Autre, celui que l'on ne connaît pas, dont on juge les différences négatives et contre lequel on se protège, ou bien souvent qu'on attaque. Les ethnologues contemporains ont largement enquêté sur cette notion corroborant cette idée que dans le barbare il y a ce que nous ne voulons pas voir en nous, sorte de projection de nos refoulements et de nos tabous : « Le barbare, c'est d'abord l'homme qui croit à la barbarie.

» Lévi-Strauss, Race et Histoire. Lévi-Strauss: « Est barbare celui qui croit à la barbarie.

» Qui n'a pas accusé autrui de se comporter en barbare ? Quel peuple n'a pas accusé d'autres peuples d'être des barbares ? Lévi-Strauss, grand anthropologue français, souligne, dans Race et Histoire, d'où est extrait notre citation, ce trait propre à toute société, qu'est l'ethnocentrisme : chaque ethnie, c'està-dire chaque peuple, a tendance à se penser comme étant au centre du monde, à considérer ses coutumes, ses mœurs, ses règles, ses croyances, ses modes de penser,...

comme meilleurs que ceux ethnies ou des peuples différents, comme si sa tribu, son village, son clan, son pays, sa culture étaient plus représentatifs de l'humanité que tous les autres.

Ainsi le barbare, le non civilisé c'est toujours l'autre; l'autre au sujet duquel on raconte toute sorte d'horreurs ou d'atrocités ainsi des Vikings, des Huns, des Goths, des Tartares, Mongols, des Chinois..., sans parler de tribus sauvages au fin fond de l'Afrique ou de l'Amazonie, etc.

Or, peut-être commence-t-on à ne plus être un barbare, ou commencet-on à être un homme civilisé, le jour où l'on reconnaît qu'on est le premier, peut-être, à être capable de se comporter en barbare. Le mot "barbare" - barbaros en grec- signifie à l'origine "l'étranger qui ne parle pas grec" : on pouvait être étranger à Athènes, venir de Corinthe ou de Thèbes, on était alors un xénos, un étranger certes, mais un étranger qui parlait grec; en revanche les Egyptiens, les Perses, etc.

étaient appelés "barbares". Pour les Romains, de même, les barbares étaient ceux qui ne parlaient pas latin, ou ceux qui, malgré la colonisation et la construction de l'empire romain, n'avaient pas été latinisés, et qui se situaient donc au-delà des frontières de l'empire.

Or ces peuples extérieurs ont fini par envahir l'empire romain et renversé son ordre : c'est ainsi qu'on parle encore dans les livres d'histoire de l'invasion des barbares.

La phrase de Lévi-Strauss est quelque peu dérangeante: car elle revient à condamner l'usage de mot barbare.

Celui qui accuse l'autre de barbarie est lui-même un barbare.

Mieux, c'est celui-là même qui est réellement un barbare.

Pourquoi ? Parce qu'accuser autrui de violences et d'atrocités, de cruauté, de sauvagerie...

croire que l'autre est un barbare, c'est supposer que soi-même on ne serait pas capable de maux semblables.

Est civilisé celui qui admet bien plutôt que tout homme, à commencer par soi, est capable du pire. Toute la difficulté consiste évidemment dans l'établissement d'un système de valeurs, d'une hiérarchie qui fait juger dignes ou raisonnables tels ou tels actes.

L'arrière-plan de tout jugement c'est qu'il est réversible : A propos des cannibales : « Nous les pouvons donc bien appeler barbares, eu égard aux règles de la raison, mais non pas eu égard à nous, qui les surpassons en toute sorte de barbarie.

» Montaigne, Essais.

Montaigne invite donc à considérer nos propres actes comme marqués par une incontestable barbarie.. »

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