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On a souvent souligné que les prescriptions morales varient selon les temps et les lieux. Faut-il en conclure qu'il n'y a pas de vérités morales universelles ?

Extrait du document

« Observation.

— Les deux sujets ne sont pas formulés exactement du la même façon : le sujet 64 a trait essentiellement aux variations de la conscience; le sujet 65 porte sur les prescriptions de la morale courante.

Mais, comme c'est souvent celle-ci qui se reflète dans la conscience individuelle, on peut adopter le même plan dans les deux cas. Position de la question.

C'est un fait que les prescriptions morales courantes varient selon les temps et les lieux, et la conscience ne fait souvent qu'entériner ces jugements courants.

L'inceste (par exemple chez les pharaons de l'ancienne Égypte) et la polygamie, l'esclavage et le meurtre des prisonniers de guerre, l'infanticide et la mise à mort des vieillards, tout, comme le dit PASCAL (Pensées), « a eu sa place entre les actions vertueuses ».

La morale chrétienne prescrit le pardon des offenses; mais d'autres font une obligation à l'offensé de la « vengeance du sang ».

Il serait facile de conclure de là à un scepticisme moral total, de disqualifier ainsi les jugements de la conscience, tout au moins d'en tirer la négation de l'universalité des règles morales.

Mais une telle conclusion s'impose-t-elle? I.

Fausses conceptions de la conscience et des règles morales. A.

— Beaucoup d'auteurs se sont représenté la conscience comme une sorte d'instinct inné, « juge infaillible du bien et du mal », et les règles morales comme des prescriptions absolues et immuables dont il s'agit surtout de respecter la lettre, sans s'en écarter d'un iota. "Conscience ! conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme semblable à Dieu, c'est toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m'égarer d'erreurs en erreurs à l'aide d'un entendement sans règle et d'une raison sans principe. Grâce au ciel, nous voilà délivrés de tout cet effrayant appareil de philosophie : nous pouvons être hommes sans être savants ; dispensés de consumer notre vie à l'étude de la morale, nous avons à moindres frais un guide plus assuré dans ce dédale immense des opinions humaines.

Mais ce n'est pas assez que ce guide existe, il faut savoir le reconnaître et le suivre.

S'il parle à tous les coeurs, pourquoi donc y en a-t-il si peu qui l'entendent ? Eh ! c'est qu'il parle la langue de la nature que tout nous a fait oublier.

La conscience est timide, elle aime la retraite et la paix ; le monde et le bruit l'épouvantent ; les préjugés dont on l'a fait naître sont ses plus cruels ennemis [...], le fanatisme ose la contrefaire et dicter le crime en son nom." ROUSSEAU • Le problème posé par le texte Il est facile de constater la diversité historique et géographique des moeurs ("dédale immense des opinions humaines").

Peut-elle constituer un argument contre l'idée qu'il existe des principes moraux universels, susceptibles de guider tous les hommes de la même façon ? Autrement dit, la diversité des moeurs peut-elle justifier un relativisme qui rendrait incertaine l'idée même de moralité ? Par le terme de « conscience », le texte désigne donc exclusivement la conscience morale. • Le raisonnement Il est un fait que chacun entend en lui-même la voix de sa conscience qui lui dicte son devoir. Quelle est la nature de cette voix ? Rousseau emploie l'expression a instinct divin ».

Le mot « instinct » est en général utilisé pour caractériser les conduites animales ou ce qui, en l'homme, relève de son aspect « animal » et s'oppose à la raison.

Or, ici, Rousseau l'emploie au contraire pour nommer ce qui va diriger l'homme vers une conduite non animale (« sans toi je ne sens rien qui m'élève au dessus des bêtes »). Parler d'instinct à propos de la conscience permet de ne pas l'identifier à la raison.

Comme l'instinct animal, la conscience n'est pas le résultat d'un apprentissage ou d'une réflexion, le fruit de connaissances : elle est spontanée, « innée ».

Mais, en même temps, l'adjectif « divin » différencie la conscience de l'instinct animal en soulignant son caractère éminemment spirituel. Pourquoi sommes-nous « sourds » ? Si la conscience était à nos actions ce que l'instinct est à la conduite animale, nous ne pourrions lui résister.

Mais, précisément, « tout » nous fait oublier cette voix de la nature.

a Tout », c'està-dire l'éducation que nous recevons dans la société et qui, dès l'enfance, inculque des préjugés.

La voix de la conscience n'est ni celle de la raison instruite, ni celle du fanatisme nourri dès l'enfance.

D'où le projet de Rousseau dans l'Émile d'expliquer ce que pourrait être une éducation --qui préserve, pour l'enfant, la possibilité d'entendre cette voix à la fois naturelle et divine. • Rapprochements possibles et intérêt philosophique du texte On retrouvera chez Kant la même idée selon laquelle le sens moral est à la portée de tout homme, même non instruit : chacun sait immédiatement où est son devoir.

Mais cette universalité même de la moralité est pour Kant le signe que la conscience morale est l'oeuvre de la raison : non pas une raison « théorique » ou « savante », mais une. »

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