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Peut on respecter les méchants ?

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« Une définition du devoir peut nous aider à approcher le sujet : celle de Kant.

Celui-ci distingue en effet deux types de devoirs : l'impératif hypothétique et l'impératif catégorique.

Le premier est un commandement qui obéit à une finalité : il prescrit un comportement parce qu'il est conforme à une fin recherchée (il prend la forme « si tu veux X, alors tu dois Y »).

Le second, lui, n'obéit à aucune condition : il est une pure obligation, un « tu dois » impératif qui ne souffre aucune prise en compte des circonstances et qui s'applique automatiquement. Par méchants nous entendons les hommes qui sont enclins à faire le mal soit par une nécessité inhérente à leur nature (naturellement mauvais, ils jouissent à faire le mal, comme c'est le cas des libertins sadiens) ou bien par un entraînement occasionnel dû à des circonstances qui les poussent à mal agir. Le respect est la déférence qu'impose la valeur d'une personne, d'une loi ou d'une idée.

Pour certains philosophes, notamment pour Kant, ce sentiment produit en moi par la loi morale me contraint à révérer la personne d'autrui, car cette personne est elle-même porteuse de la loi morale.

Il fat bien voir que le respect, aux yeux de cette doctrine, doit s'accorder indifféremment à tous les hommes, proches ou inconnus, bons ou méchants. Or, c'est précisément ce problème qui se pose à nous, le respect est il un impératif catégorique qui s'applique indépendamment des mérites de chacun, ou le respect est il un sentiment que l'on ne doit qu'à ceux qui le méritent ? Nous nous demanderons donc si le respect est un sentiment que nous sommes tenus d'avoir envers tous les hommes par un impératif catégorique. I. Respecter les méchants est un impératif catégorique a. Nous devons le respect à tous les hommes, bons ou méchants Nous commencerons par dire que le respect est dû à l'ensemble des hommes, qu'ils soient bons ou mauvais.

En effet, ce que nous devons respecter ce n'est pas tant un homme, ou une femme, en fonction de ses mérites propres, mais l'humanité en générale.

Nous ne pouvons faire de distinction entre les individus, de manière à respecter uniquement les bons et refuser notre respect aux méchants, car chaque homme est notre semblable, et mérite à ce titre notre respect.

Le respect obéit à un impératif catégorique qui pourrait s'énoncer ainsi : « Tu dois le respect à chaque homme, car chaque homme est ton semblable ». b. Refuser le respect aux méchants reviendrait à anéantir la distinction entre eux et nous Allant plus loin, nous dirons que nous ne pouvons refuser notre respect aux méchants sans anéantir la distinction entre eux et nous, et, par conséquent, remettre en cause la norme morale elle-même.

En effet, si nous conditionnons notre respect aux mérites d'autrui, alors nous manquons nous-mêmes de bonté envers ceux chez qui nous la réclamons : refuser de respecter un « méchant » parce qu'il est méchant, revient à être mauvais avec lui, c'est-à-dire à nous comporter précisément envers lui comme nous déplorons qu'il se comporte.

Nous devons donc respecter les méchants pour sauvegarder la norme morale en vertu de laquelle ils peuvent être considérés comme tels. II. a. Nous devons le respect uniquement aux hommes qui l'ont mérité Les dangers d'une généralisation du respect Cependant, nous tiendrons ici qu'il est dangereux de généraliser le respect.

Si nous l'accordons indifféremment aux bons et aux méchants, les premiers ne seront pas récompensés par une attitude déférente à laquelle ils ont droit, et les seconds ne seront pas enclins à réformer une conduite dont ils ne sont pas socialement blâmés.

Dans une certaine mesure, il y a de la faiblesse à respecter les méchants : dans une perspective Nietzschéenne, nous dirons même que seuls les faibles respectent les méchants.

Les forts, eux, s'en vengent ou les détruisent. En règle générale, la loi et la nature se contredisent.

D'un point de vue naturel, le plus grand des maux est de subir l'injustice et non pas de la commettre. Pour la loi, il ne faut pas commettre l'injustice.

Les lois sont ainsi établies par les faibles - et pour eux - en vue de se protéger des débordements de force des plus puissants.

C'est du point de vue des faibles que la loi décrète ce qui est digne d'éloge ou au contraire blâmable.

La notion d'égalité dans la justice obéit au même principe : la même loi pour tous, en établissant une égalité par le bas.

Quiconque n'agit pas comme le fait et le veut la multitude est puni par la loi.

Au contraire, la nature montre qu'il est juste que le supérieur l'emporte sur l'inférieur, et le plus capable sur le moins capable.

La nature est le siège d'une lutte de forces, où la plus puissante est destinée à l'emporter et à dominer.

Les bâtisseurs d'Empires n'ont pas autrement agi, en pillant, massacrant, pour s'approprier et dominer.

La soumission à la justice égalitaire est donc le fait des faibles, qui craignent les puissants et sont incapables de dominer. b. Le respect présuppose un rapport d'égalité que l'on ne peut entretenir avec des méchants D'autre part, nous dirons qu'il est dangereux de respecter les méchants pour une autre raison : parce que le respect présuppose, ou du moins implique, un rapport d'égalité entre celui qui respecte et celui qui est respecté.

Lorsque je respecte quelqu'un, je manifeste de la déférence envers lui, je reconnais qu'il a droit à mes égards et qu'il est digne de ma compagnie.

Or, il est entièrement faux que tous les hommes méritent cette déférence : certains ont perdu ce droit par leur conduite.

Nous dirons que les méchants n'ont pas droit à notre respect, car le respect établit un rapport d'égalité dont ils ne sont plus dignes. III. a. Respecter les méchants est un impératif hypothétique Pour une nuance apportée au concept de méchant : essence ou réalisation contingente ? Cependant, un problème se pose à nous qui tient à la valeur que nous avons accordée au terme de « méchants ».

Etre méchant peut être considéré soit comme une nature propre de l'individu, soit comme une réalisation contingente de l'identité de l'individu, qui fait de lui un être méchant alors qu'il aurait fort bien pu ne pas l'être.

Devons nous notre respect aux uns plutôt qu'aux autres ? Il ne semble pas que ce soit la cause de la méchanceté qui importe, mais plutôt l'ampleur de cette dernière, pour déterminer si nous devons à autrui du respect ou la vengeance.

Lars von Trier dans Dogville démontre implacablement que l'on doit juger les êtres pour ce qu'ils font, et non pour ce qu'ils auraient pu ne pas faire en vivant une vie différente de celle qu'ils ont vécu.

Les esclavagistes du personnage de Nicole Kidman ne méritent pas le respect, mais la vengeance.

La cause de la méchanceté ne modifie en rien le droit au respect des méchants. b. Le respect que l'on doit aux méchants est conditionné par un impératif hypothétique En revanche, nous dirons qu'il est possible de conditionner le respect que nous devons aux méchants en fonction d'une sorte d'impératif hypothétique qui peut s'énoncer ainsi : « Si le méchant parait capable de changer, alors tu lui dois ton respect ».

Nous dirons donc que nous devons notre respect non pas à tous les méchants indifféremment, mais à tous les méchants qui nous paraissent susceptibles de s'amender. Conclusion : A première vue, tous les méchants méritent le respect en leur qualité d'hommes, de semblables.

Cependant, un tel respect universalisé est dangereux car il ne rémunère plus les mérites de chacun.

En définitive, nous dirons que nous ne devons de respect aux méchants que dans le cas où nous les savons, ou supposons, susceptibles de s'amender, et que le respect doit être attaché à ceux qui le méritent, exclusivement.. »

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