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Peut-on résister à la vérité ?

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« Définition des termes du sujet: VÉRITÉ La vérité concerne l'ordre du discours, et il faut en cela la distinguer de la réalité.

Elle se définit traditionnellement comme l'adéquation entre le réel et le discours. Qualité d'une proposition en accord avec son objet.

La vérité formelle, en logique, en mathématiques c'est l'accord de l'esprit avec ses propres conventions.

La vérité expérimentale c'est la non-contradiction de mes jugements, l'accord et l'identification de mes énoncés à propos d'un donné matériel.

On distinguera soigneusement la réalité qui concerne un objet (ce cahier, cette lampe sont réels) et la vérité qui est une valeur qui concerne un jugement.

Ainsi le jugement : « ce cahier est vert » est un jugement vrai ou bien un jugement faux.

La vérité ou la fausseté qualifient donc non l'objet lui-même mais la valeur de mon assertion. La philosophie, parce qu'elle recherche la vérité, pose le problème de ses conditions d'accès et des critères du jugement vrai. Problématique. Le sujet interroge quant à savoir s'il est possible ou légitime de ne pas donner son assentiment à ce qui nous apparaît comme étant évident.

Cette résistance à la vérité est-elle due à l'ignorance, l'erreur ou l'illusion ? Comment se fait-il que l'esprit ne soit pas automatiquement fasciné par la révélation de la vérité ? Peut-on résister à la vérité ? Et si oui, pourquoi et comment ? Première partie. Je sais bien que l'expression "le soleil se lève" ou "se couche" ne correspond pas à la vérité astronomique.

Cela ne m'empêche pas de l'utiliser.

Non par hostilité à l'égard de la vérité, ou parce que le la méprise, mais plus simplement parce que, pour mes sens, le soleil continue à se lever, même si je sais par ailleurs que ce n'est pas vrai: à la vérité scientifique vient s'opposer une pseudo vérité sensible. L'existence banale est ainsi riche en occasions où la vérité, même connue, est légèrement dédaignée ou peine à s'imposer.

Il s'agit du domaine de la doxa, du bavardage voire du badinage. Plus grave est sans doute le cas du mensonge, puisqu'il suppose la volonté délibérée de cacher la vérité, ou de la travestir.

Le mensonge révèle du même coup que la vérité n'a pas nécessairement en elle-même la force de s'imposer, qu'elle ne peut interdire l'exercice de notre liberté: si j'ai décidé de mentir, ce n'est pas le fait de connaître la vérité qui pourra m'empêcher de le faire.

Et si je m'interdis de mentir, ce sera pour des raisons morales, et non pour des raisons logiques: la vérité n'est pas en elle-même une valeur morale. [II.

L'ignorance] Lorsque le jeune enfant écrit « 2 + 2 = 5 », il fait une erreur, qu'il apprendra aisément à corriger : on lui montrera le résultat juste, et on lui enseignera qu'il s'agit d'une vérité universelle, admise depuis bien longtemps.

S'il la répète ensuite comme tout le monde, ce n'est pas par conformisme, ou pour faire plaisir à ses parents, c'est parce qu'il ne trouve aucun intérêt à s'obstiner dans son erreur, et qu'il lui semble plus satisfaisant de se ranger parmi ceux « qui savent ». La vérité peut donc triompher aisément, à condition d'être connue depuis longtemps, et d'être inscrite dans une mentalité.

Mais il ne s'agissait dans cet exemple que d'une erreur individuelle.

Lorsqu'on considère des erreurs collectives, la situation est tout autre, précisément parce que l'existence d'une erreur collective désigne fréquemment une ignorance réelle, c'est-à-dire l'absence de la vérité qui devrait remplacer l'erreur.

Ce n'est donc qu'à long terme, lorsque la vérité aura été découverte, qu'on pourra rétrospectivement constater qu'il y avait bien une erreur.

Il nous est facile, aujourd'hui, de considérer que les astronomes du XII siècle étaient dans l'erreur en admettant le géocentrisme.

Il va de soi qu'ils ne pouvaient ni connaître, ni corriger leur erreur.

Dans ce cas, mieux vaut parler d'ignorance que d'erreur.

Mais la possibilité de l'ignorance vient nous rappeler que la vérité scientifique ne s'élabore que très lentement, qu'elle est une construction intellectuelle dépendant de recherches souvent complexes, et que rien dans la nature ne nous propose spontanément des vérités qu'il nous serait alors possible d'accepter ou de refuser.

L'ignorance n'est pas une résistance à la vérité, puisque cette dernière n'est pas encore élaborée. On doit distinguer de ce cas, permanent dans l'histoire du savoir, l'authentique résistance que peut rencontrer la vérité scientifique établie lorsqu'elle vient contredire un dogme antérieur, qui demeure admis par certaines mentalités.

Le fait que bon nombre d'États américains admettent que soient enseignés en « concurrence » les théories de l'évolution et le créationnisme constitue un exemple d'une résistance d e cette nature.

On oppose alors, à la vérité scientifique, une vérité d'une autre origine, nécessairement supérieure puisqu'elle est confirmée par des textes « sacrés ».

Notre mentalité scientifique en est choquée, parce qu'un tel conflit a lieu dans un pays qui se prétend à la pointe des progrès scientifiques.

Elle l'est moins, si l'on constate que des Aborigènes australiens ou une ethnie papou n'admettent pas non plus les idées dérivées du darwinisme : on excuse alors leur « ignorance » - mais cela implique qu'ils seront un jour capables d'accéder à une mentalité scientifique, et dès lors capables d e comprendre que Darwin a raison, contre leurs propres mythes sur la création d e l'homme.

Se révèle ainsi une sorte d'impérialisme d e l'esprit scientifique, qui peut arguer d e son efficacité ou des performances techniques qu'il autorise, pour soutenir qu'à la vérité scientifique, il convient de ne pas résister trop longtemps si l'on veut faire partie de l'humanité triomphante. Pour étayer la première partie: « Quand au libre arbitre [...], je voudrais noter à ce sujet que l'indifférence m e semble signifier proprement l'état dans lequel se trouve la volonté lorsqu'elle n'est pas poussée d'un côté plutôt que de l'autre par la perception du vrai ou du bien ; et c'est en ce sens que je l'ai prise lorsque j'ai écrit que le plus bas degré de la liberté est celui où nous nous déterminons aux choses pour lesquelles nous s o m m e s indifférents.

Mais peut-être d'autres entendent-ils par indifférence la faculté positive d e se déterminer pour l'un ou l'autre de deux contraires, c'est-à-dire de poursuivre et de fuir, d'affirmer ou de nier.

Cette faculté positive, je n'ai pas nié qu'elle fût dans la volonté.

Bien plus, j'estime qu'elle s'y trouve, non seulement dans ces actes où elle n'est poussée par aucune raison évidente d'un côte plutôt que de l'autre, mais aussi dans tous les autres ; à tel point que, lorsqu'une raison très évidente nous porte d'un côté, bien que, moralement parlant, nous ne puissions guère choisir le parti contraire, absolument parlant, néanmoins, nous le pouvons.

Car il est toujours possible d e nous retenir de poursuivre un bien clairement connu ou d'admettre une vérité évidente, pourvu que nous pensions que c'est un bien d'affirmer par là notre libre arbitre.

» Descartes, Lettre à Mesland, 09/02/1645.. »

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