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Peut-on renoncer aux passions ?

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« VOCABULAIRE: PASSION: * Ce que l'âme subit, ce qu'elle reçoit passivement.

Chez Descartes, le mot désigne tout état affectif, tout ce que le corps fait subir à l'âme.

Son origine n'est pas rationnelle ni volontaire. * Inclination irrésistible et exclusive qui finit par dominer la volonté et la raison du sujet (la passion amoureuse). RENONCER: abandonner un droit, une idée, se défaire, se dessaisir, se démettre. Pourquoi faudrait-il renoncer au passions, et est-ce possible ? Comment la raison peut-elle être assez forte ? Et certaines passions ne sont-elles pas nécessaires ? Kant ne dit pas seulement qu'il est "souhaitable" de renoncer aux passions, il dit précisément qu'il le faut, au sens où on le doit : c'est un devoir d'y renoncer, parce que les passions sont immorales (elles sont contraires à l'impératif catégorique que nous dicte la loi morale).

Les passions sont contraires à la liberté (aliénation de la passion : elle dirige notre vie, notre vision du monde et des autres.

Pour Spinoza, nous subissons nos passions, dans le sens où nous sommes déterminés par des causes extérieures à nous). Qu'implique le verbe "renoncer" ? Il a une dimension volontaire (le sujet présuppose que l'on puisse se débarrasser volontairement des passions). Il convient avant tout d'être sensible au ton de la question.

Le conditionnel : « Faudrait-il...

» marque le soupçon et le scepticisme.

On imagine assez bien cette interrogation venant ponctuer une conversation au cours de laquelle un philosophe austère soutiendrait l'idée que la liberté ne s'obtient qu'au prix d'une existence entièrement soumise au contrôle de la raison.

« Faudrait-il (donc) renoncer à toute passion pour être libre ? » rétorquerait alors son (plus jeune) interlocuteur, avec une pointe d'agacement ou d'ironie.

La réflexion devra bien évidemment faire ressortir la dimension provocatrice du sujet. Celui-ci revêt la forme : fau(drai)t-il A pour obtenir B ? Étant posé le but « être libre » on se demande si la condition nécessaire pour l'atteindre est de renoncer à toute passion.

Cette structure formelle fixe très précisément les limites du problème.

Il ne s'agit pas de savoir si (dans l'absolu) on doit renoncer à toute passion, ni s'il faut être libre ou comment (en général) on le devient.

La question concerne uniquement le rapport entre une condition (renoncer à toute passion) et une fin (être libre). La mise en évidence de cette structure formelle accentue le caractère provocateur de la question.

On comprendrait à la rigueur que l'on puisse nous conseiller de renoncer aux passions pour échapper aux remous d'une existence trop turbulente : le choix d'une vie paisible exigerait comme moyen le sacrifice de tout ce qui pourrait venir la troubler. Mais si la fin que l'on s'est fixée est la liberté, et non le confort paisible d'une existence bourgeoise, n'est-il pas contradictoire de la soumettre à la condition d'un renoncement et, qui plus est, au renoncement à toute passion ? Être libre n'est-ce pas, au contraire, faire ce que l'on veut, et faire ce que l'on veut n'est-ce pas justement laisser libre cours à ses passions ? Le paradoxe est encore plus saisissant lorsque l'on accentue deux termes employés pour exprimer la condition : « 1 / renoncer à ; 2 / toute passion.

» 1 / Le verbe renoncer appelle deux remarques.

Premièrement on ne peut renoncer qu'à ce qui est entièrement à notre disposition.

Par exemple on ne « renonce » pas à une maladie ; on cherche à s'en guérir, ce qui est tout autre chose.

Renoncer à une passion signifie que l'on pourrait sans doute l'accepter mais que l'on préfère la sacrifier.

Estce bien ainsi que nous sommes liés à nos passions ? Peut-on y « renoncer » comme on renonce à un voyage ou à un achat ? Deuxièmement, on renonce à une chose qui nous aurait fait plaisir et à laquelle on attache de la valeur.

Supposer que l'on puisse renoncer à nos passions implique à tout le moins que celles-ci peuvent engendrer du plaisir et même du bonheur.

Ce sacrifice ne peut avoir un sens que si l'on admet qu'il est le prix à payer pour une valeur plus haute : la liberté.

On est donc fondé à se demander si le prix n'est pas trop élevé. 2 / Le renoncement est censé porter sur « toute » passion.

Chacun sait que certaines passions (la jalousie ou l'appât du gain) peuvent s'avérer nocives pour soi comme pour les autres.

Toutefois il ne s'agit pas ici de telle ou telle passion particulière, mais bien de « toute passion » sans exception.

C'est donc la passion en tant que telle, dans sa nature la plus intime, qui ferait obstacle à la liberté. Face à une question aussi provocante et aussi radicale dans sa formulation on est tenté de répondre : « N'exagérons rien ! on peut être libre sans être froid.

» Ce qu'on n'aurait aucun mal à illustrer par une abondance d'exemples.

Mais ce ne serait qu'opposer une opinion à une autre opinion.

La seule issue pour développer une véritable réflexion philosophique sera de se poser la question : quelles conceptions de la liberté et de la passion l'affirmation « pour être libre, il faut renoncer à toute passion » enveloppe-t-elle ? Une chose est sûre : s'il faut renoncer à la passion c'est que celle-ci peut être dangereuse pour la liberté.

Envisageons les différentes hypothèses susceptibles de justifier cette dangerosité. 1 / La passion peut prendre des formes diverses, nous l'avons vu.

Mais quel que soit l'objet auquel elle se rapporte (la femme aimée, le succès en affaires ou en politique, le jeu, etc.) elle nous rend tributaires de circonstances qui échappent à notre maîtrise.

La femme aimée peut refuser de répondre à nos avances, nos alliés politiques peuvent nous trahir, le hasard peut nous être fatal.

Non seulement les passions nous exposent aux échecs et aux déconvenues, mais surtout nous rendent dépendants de facteurs et de circonstances extérieurs.

Si l'on comprend la liberté comme indépendance, la passion serait donc bien une menace pour la liberté. 2 / Abstraction faite des échecs et des déconvenues auxquelles elle nous expose, la passion est vécue comme ce que nous éprouvons passivement, ainsi que le suggère du reste le rapprochement passion-passif.

On dit souvent qu'on est « submergé » ou « envahi » par la passion.

Il arrive même qu'on l'éprouve comme une véritable fatalité qui. »

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