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Peut-on refuser la vérité ?

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« La question peut sembler paradoxale : en effet, depuis le début de la tradition philosophique, tout le monde semble être à la recherche de la vérité.

En effet, les philosophies, mais aussi les sciences, sont centrées sur l'idée de vérité, but de toutes leurs recherches.

Mais la représentation q u e l ' ho m m e s e fait d e la vérité est sans cesse changeante. Platon considère la vérité comme absolue, elle est participation aux idées intelligibles( opposées au sensible changeant).

De même, pour Descartes la vérité est évidence qui s'impose à nous.

Dès lors il ne semble pas possible de la refuser.

Mais il faut essayer de comprendre pourquoi il serait bénéfique de refuser la vérité, avant d'étudier si on peut faire le choix de l'erreur? Si l'erreur est préférable à la vérité, ne faut-il pas concevoir une notion de vérité plus large? La vérité s'impose comme évidence La vérité, il faut le noter d'emblée avant d'essayer de la définir, véhicule un aspect normatif puissant : la vérité est une norme, c'est-àdire une règle, un modèle qui indique ce qui doit être.

La vérité est avant tout une valeur, voire une exigence éthique, comme le montre l'expression quotidienne : "il faut dire toute la vérité.", comme s'il existait un devoir de vérité. Dans un premier temps, la vérité semble être un bien suprême, duquel on ne peut se détourner sous peine d'immoralité.

Ainsi, pour Platon, la vérité est la seule existence digne de l'homme. Mais dans un second temps, il semble impossible d'échapper à la vérité une fois qu'on l'a trouvée ou qu'elle s'est manifesté à nous. Descartes, en effet, lie la vérité à la certitude de l'esprit qui pense.

En poussant le doute jusqu'à l'extrême, le philosophe trouve une vérité inébranlable ( "je pense donc je suis") et l'évidence s'imposant à moi, je ne peux plus m'en détourner.

Spinoza a suivi Descartes en affirmant que la "vérité était à elle-même son propre signer.

Celui qui a une idée vraie sait en même temps qu'il a cette idée et ne peut en douter."( Éthique). Il semble donc que la vérité doive être recherchée du point de vue morale, mais aussi qu'une fois qu'elle s'est montré à la conscience d'un homme, celui-ci ne puisse plus s'en détourner. Pourtant le critère de l'évidence semble fragile... Le mensonge peut être plus utile que la vérité Leibniz a en effet critiqué le principe de l'évidence.

On peut en effet avoir un sentiment très fort de certitude et être tout de même dans l'erreur.

Dès lors, la vérité ne s'impose pas, m a i s surtout il faut pouvoir toujours se méfier d e ces certitudes subjectives.

C o m m e n t reconnaître la vérité alors? Et surtout pourquoi la rechercher? Nietzsche est le premier à avoir remis en cause aussi fortement la vérité.

Tout d'abord, pour le philosophe allemand, la vérité est liée à notre besoin de sécurité.

L ' h o m m e a inventé la notion de vérité pour remédier à l'angoisse existentielle d e l'homme, en forgeant un monde stable supposé vrai pour échapper au désenchantement d'un monde sensible et changeant. • Selon Nietzsche, en effet, « la vérité est une sorte d'erreur, faute de laquelle une certaine espèce d'être vivants ne pourraient vivre.

Ce qui décide en dernier ressort, c'est sa valeur pour la vie » (La Volonté de Puissance, t.

I, 1.

II, § 308).

La vérité, est une erreur dans la mesure où elle ne dévoile pas la Vérité originaire, la Vérité propre de l'Être, qui est «le flux éternel d e toutes choses».

Cette Vérité originaire n'est pas à proprement parler puisqu'elle est devenir, elle est l'Abîme où s'abîment toutes choses, elle est donc incompatible avec la vie : « on ne peut pas vivre avec la Vérité» (id., t.

II, 1.

III, § 557); «il serait possible que la véritable nature des choses fut tellement nuisible, tellement hostile aux conditions mêmes de la vie, que l'apparence fût nécessaire pour pouvoir vivre» (id., I, 212). La vie, expression d e l a Volonté de Puissance, a donc besoin, pour être, de voiler cette Vérité.

Elle a besoin d'organiser le devenir, d'affirmer l'être contre le devenir, elle a besoin de Y illusion.

C'est cette illusion nécessaire qu'elle se donne pour «vérité».

Une telle vérité est ainsi une création de la vie. • Dans ces conditions il n'y a pas de vérité impersonnelle, et ce qui fonde la vérité d'une chose c'est sa conformité avec les exigences vitales de chaque être.

C'est la Volonté de Puissance qui est à l'œuvre dans les jugements de vérité : « A l'origine, le jugement ne signifie pas seulement «ceci et cela est vrai», mais bien davantage: «je veux que ceci soit vrai de telle ou telle manière» (Œuvres posthumes, § 302). Toute connaissance, même la connaissance «objective», scientifique, sera ainsi l'expression d'un instinct de domination puisqu'elle ne tend pas à découvrir le réel, à le dévoiler, à le laisser se montrer tel qu'il est dans sa Vérité originaire, mais à l'organiser, à l e contraindre à se plier aux valeurs, aux normes définies par la Volonté d e Puissance du sujet, à s e s options vitales.

Connaître, c'est mettre autoritairement en forme le réel, c'est instituer des « vérités » qui n'ont qu'une valeur utilitaire, celle de répondre au désir de conservation et à l'augmentation de la puissance d'une espèce ou d'un être vivant : « Comment se prouve la vérité ? Par le sentiment d'une puissance accrue, par son utilité, par sa nécessité, bref par ses avantages » ( Vol.

de Puis., t.

I, 1.

I, § 190). De plus, il pose la question pourquoi vouloir la vérité.

Or la vérité est un choix : nous pouvons choisir l'erreur, le mensonge, parce que nous pouvons aimer autre chose que la vérité tel que le plaisir, l'action et la vie.

"L'inutilité et le danger de la "volonté de vérité", de "la vérité à tout prix" sont constamment montrés[...] la vie n'est faite que pour l'apparence, j'entends l'erreur, l'imposture"( Le gai savoir) La vérité est de toute façon une représentation réductrice du monde, toujours en devenir, changeant et diversifié. La vérité est l'utile Dès lors, il faut concevoir une autre idée de la vérité, qui ne soit plus absolue et une mais adaptée au concret. Le pragmatisme, avec le philosophe américain William James, soutient que le seul critère de la vérité est le succès.

La pensée doit être au service de l'action.

Les idées ne sont que des outils dont nous nous servons pour agir : l'idée vraie, c'est celle qui paie le mieux, qui est la plus efficace.

William James n'a jamais vraiment défini la notion d'utilité, il écrit : "ce qui est vrai, c'est ce qui est avantageux de n'importe quelle manière." Ainsi une loi physique ou chimique est vraie si elle a des applications techniques fécondes, une religion est vraie si elle est consolante ou me permet de m'améliorer. La vérité cesse dès lors d'être une valeur de la raison pour devenir une valeur de l'existence.

Saint-Exupéry dit ainsi que "la vérité de l'homme, c'est ce qui fait de lui un homme." La vérité, c'est ce qui m'épanouit, ce qui m'accomplit. Pourtant, cette doctrine a aussi de nombreuses dérives, puisque la vérité tend à ne plus avoir d e signification et il n'y a plus aucune objectivité.

Il faut donc penser une vérité qui soit au carrefour de la pensée et de l'action mais aussi une vérité plurielle sans pour cela tomber dans le scepticisme. Ainsi, la vérité dans l'antiquité se pose comme exigence morale et forme la plus digne de l'existence humaine et se caractérise par une certitude pleine qui ne peut être contrée.

Descartes et Spinoza font ainsi de l'évidence le critère même de la vérité.

Cependant ce critère est dangereux et difficile.

Dès lors la recherche de la vérité se complique, mais il faut voir avec Nietzsche que la course à la vérité n'est peut-être même pas justifiée.

La vérité est une création humaine pour pouvoir se rassurer mais le mensonge, l'illusion peuvent être plus utiles et préférables à la vérité.

On peut dès lors concevoir une vérité qui se situe à la croisée de la pensée et de l'action et qui se juge sur ces effets.

Chaque homme a pour mission de trouver quelle est sa vérité et se définir par cela, mais il faut avoir quelques critères de remise en cause, sinon la vérité perd toute signification.. »

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