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Peut-on opposer le travail et le loisir ?

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« Analyse du sujet : Sujet dont la réponse semble évidente ; d'où une certaine facilité pour soulever une problématique car il suffit de trouver les idées contre l'opinion commune, c'est à dire de trouver des idées paradoxales. Les deux termes principaux du sujet s'opposent spontanément : le travail dans tous les esprits apparaît comme opposé au loisir (travail, du latin tripalium, instrument de torture).

Mais cette réponse affirmative est trop évidente ; en effet, le travail n'est-il pas nécessaire au loisir ? Et inversement, le loisir est-il absence total de travail ? Ainsi, même si l'on peut opposer de prime abord loisir et travail, il faudra se demander si le travail est toujours aliénant ; et si oui, qu'elles en sont les conséquences.

Il conviendra alors de réfléchir sur ce que suppose le loisir et qu'elle est sa place dans nos sociétés.

En effet, le loisir apparaît de nos jours comme une véritable industrie, d'où une organisation sociale importante.

Le loisir peut alors demander encore plus de travail (idée paradoxale intéressante). Proposition de plan : 1) Il y a bien deux catégories qui s'opposent ; l'appui peut se faire sur l'antiquité qui distinguait bien le travail du loisir.

Le premier concept concernait une sous-humanité, celle des esclaves (voir la théorie de l'esclavage naturelle chez Aristote dans la Politique, I, 5) qui s'occupait de la satisfaction des besoins matériels.

A l'opposé, le loisir est le lot de l'homme libre qui, débarrassé des tâches productives, peut s'adonner à la politique ou à la culture de l'esprit.

Ainsi, à deux natures d'individu correspond deux concepts de nature différente. On peut poursuivre l'idée dans le sens où le travail finalement dévalorise l'homme.

Même si l'idée de travail ne se rencontre que chez l'homme, au sens où celui-ci est conscient de sa tâche, transformation de la nature, actualise des facultés en puissance et caractérise donc son espèce, idée que l'on trouve chez Marx, ce même Marx souligne que le travail peut être dévalorisant en ne réalisant plus l'homme et l'individu. Il s'agit d'un type de travail particulier puisqu'il s'agit du travail industriel ; idée qui mérite attention car cette forme de travail est très répandue de nos jours.

Ce type de travail est déshumanisant car il aliène le travailleur.

Il n'est plus qu'un outil, qu'un instrument au service de la productivité et de la machine.

C'est la machine qui imprime en quelque sorte la cadence de travail au travailleur.

Aussi, le concept d'aliénation ne fait que renforcer le contraste entre loisir et travail ; à tel point que le loisir va devenir le repos, le temps d'évasion salutaire à un travail abêtissant. C'est dans la phase initiale de sa pensée que Marx écrit : « Ce qui est animal devient humain, ce qui est humain devient animal ». Ce qui est humain, c'est le travail.

Or, dans les « Manuscrits de 1844 », encore marqués par l'influence de Hegel, si le travail est principiellement formateur, sa forme contemporaine (le travail à la chaîne) devient aliénante, abêtissante, inhumaine.

En clair, le travail de vient animal. Les « Manuscrits » appartiennent à la phase initiale de la pensée du jeune Marx.

Notre auteur n'y est pas encore en possession des principales catégories de sa pensée.

Le matérialisme historique n'est pas parvenu à la formulation qu'il acquerra dans la maturité.

D'une part, Marx s'y montre plus proche d'une réflexion proprement politique, qui passera ensuite au second plan (ou se verra réélaborée après les analyses économiques du « Capital »).

D'autre part, Marx y est encore tributaire d'une lecture essentialiste, moins historienne que par la suite.

C'est ainsi qu'il prétend définir une essence du travail qui se voit pervertie par les formes modernes de production. Marx est alors très marqué par un passage de la « Phénoménologie de l'esprit » de Hegel, la dialectique du maître & de l'esclave.

Dans ce mouvement, qui fait suite à l'épisode de la lutte à mort pour la reconnaissance, Hegel montre que la libération véritable de l'humanité ne vient pas du maître, qui ne domine que symboliquement le monde, mais de l'esclave.

C'est par la discipline qu'impose le travail que l'homme s'éduque et domine, réellement cette fois, la matière. Si le travail, qui est humain, devient animal, c'est tout d'abord que seul l ‘homme, au sens propre, travaille.

Certes, certains animaux « fabriquent » ; castors, abeilles « construisent ».

Mais cette activité est instinctive, la règle de construction est, si l'on veut, donnée par la nature.

Le travail spécifiquement humain est tout autre.

Comme le dit Marx dans le « Capital » : « Ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche .

» La perfection de la ruche n'est que la contrepartie d'une activité instinctive, « machinale », non pensée, non voulue. Le travail spécifiquement humain n'émerge que lorsque est en jeu la totalité de nos capacités.

Il faut imaginer et concevoir ce que l'on va produire. L'existence de l'objet est tout d'abord idéelle, c'est un projet, une anticipation, quelque chose qui vient bien de l'homme et non de l'instinct, cad de la nature.

A partir de ce projet, il faut aussi la volonté effective de fabriquer, de manière ordonnée, planifiée, rigoureuse.

Enfin il faut mettre en branle une habileté, une force, un talent physique. Dans le moindre objet fabriqué est donc investie la totalité de nos capacités (imagination, conception, déduction, volonté, habileté, force).

Cet investissement fait de l'objet fabriqué un objet humain, qui objective nos capacité, et cela confère de la valeur à l'objet et le rend respectable.

Si l'objet fabriqué –même mal- par le plus mauvais artisan, vaut mieux que la cellule la plus réussie de l'abeille la plus experte, c'est que, dans le premier, on contemple de l'humain, l'activité humaine objectivée.

En ce sens, le travail est humain, et même uniquement humain. Il s'ensuit deux choses.

D'abord, par le travail l'homme s'éduque, se forme, s'humanise.

Que le travail soit pénible, astreignant, fastidieux, n'y change rien.

Face à l'étymologie du terme « travail » (« tripalium » = instrument de torture) ou de la malédiction biblique (« Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front »), les modernes, et surtout Hegel puis Marx, rétorquent que c'est par le travail que l'homme se fait homme, passe d'une activité instinctive à une activité pensée, d'une spontanéité animale à une discipline rationnelle.. »

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