peut-on ne rien désirer ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet :
Ø « Peut-on » renvoie au possible.
La notion de possible peut s'entendre en plusieurs sens distincts :
§ est possible, ce qui est non-contradictoire.
Le possible est ici logique (un cercle carré n'est pas
possible au sens où cela renferme une contradiction)
§ est possible, ce qui est réalisable.
Le possible est ici ontologique.
Pouvoir quelque chose, c'est-à-dire
avoir les moyens de …
§ est possible, ce qui est permis, licite.
Le possible désigne le légitime.
Pouvoir = avoir le droit de …
Ø « Ne rien désirer » = expression problématique car le désir est d'emblée un processus finalisé, orienté vers un
objet qui est son but.
Toute la difficulté consiste donc à examiner ce que signifie logiquement un désir ne visant
« rien ».
Ø Il faudra donc soigneusement analyser ce « rien » supposé être l'objet du désir.
« Ne rien désirer », est-ce
encore désirer ? Est-ce un non-désir ? Une extinction de celui-ci ? C'est sur le plan ontologique que la question
fait d'abord problème : y a-t-il un « être » du désir ne visant rien ?
Ø Enfin, on pourra mettre l'accent sur le fait que le désir, en tant que processus finalisé, suppose l'absence de son
objet.
Donc 1- « rien » pourrait tout simplement signifier l'inexistence actuelle de l'objet désiré, et n'impliquerait
aucunement l'extinction du désir lui-même (il peut y avoir un désir sans objet) 2- que le désir est manque,
souffrance et que la recherche du bonheur être laisse entrevoir l'idée que « ne rien désirer » = forme de
sagesse.
Cette dernière remarque nous amène au dernier aspect problématique de la question : quelle attitude
adopter face au désir ?
Ø « Ne rien désirer » fait alors penser à la sagesse stoïcienne.
Les stoïciens prônaient le renoncement au désir afin
de trouver l'ataraxie (absence de trouble).
Ou encore, on peut songer ici à l'idéal ascétique de la morale
chrétienne : ne rien désirer = faire vœux d'abstinence afin de se purifier.
Difficulté : à supposer que cela soit
réalisable, est-ce pour autant raisonnable dans la mesure où le désir est ce qui nous met en mouvement, nous
pousse à l'action ? Ne rien désirer n'est-ce pas dangereux ? Sans désir orienté vers un objet, ne risque-t-on pas
l'inaction, extinction de la vie ?
Problématique : il nous arrive parfois de ne rien désirer car il nous arrive d'être content : nous ne sentons aucun
manque.
Mais du coup, ne rien désirer = ne pas désirer.
Ainsi ne rien désirer est logiquement impossible : ou bien
nous désirons quelque chose (dont nous manquons) ou nous ne désirons pas du tout.
Mais peut-on alors ne rien
désirer ? Pouvons- nous être toujours pleinement satisfaits ou bien le désir renaît-il sans cesse de sorte qu'il est
impossible de ne rien désirer, c'est-à-dire d'en finir avec le désir ? Et pourquoi chercher à éteindre en nous le désir ?
Une vie sans désir n'est-elle pas une vie d'inaction pour autant que le désir est ce qui nous met en mouvement ? Et
dans ces conditions, l'idéal de la sagesse n'est-il pas plutôt d'accepter le désir plutôt que de tenter d'y mettre un
terme ?
1-
IL EST POSSIBLE DE NE RIEN DÉSIRER POUR AUTANT QUE L'ABSENCE EST CONSTITUTIVE DU DÉSIR
a)
Qu'est-ce que désirer ?
Le désir est un processus finalisé, c'est-à-dire qu'il est mouvement vers … Si je désire, c'est que je tends vers
quelque chose, vers un objet que je conçois plus ou moins clairement.
En effet, le désir se distingue du besoin en ce
que son objet n'est pas déterminé biologiquement ; il peut s'étendre au superflu comme à des choses imaginaires,
irréelles, alors que le besoin « sait » ce qu'il recherche.
b)
Le manque
En tant que processus finalisé, le désir vise un objet manquant (car on ne désire pas ce
qu'on a déjà).
Or de ce point de vue, l'objet absent n'existe pas.
Dans le banquet,
Platon explique ainsi que le désir est quête d'une unité perdue [Cf.
le mythe
d'Aristophane].
Ce qui est souligné avec Platon, c'est l'aspect nostalgique du désir et de
ce fait sa portée idéaliste : nos désirs sont avant tout des désirs de l'âme qui aspire au
divin.
De la plénitude perdue
Dans Le Banquet, Platon présente le récit fabuleux suivant : à l'origine, l'humanité
comprenait un seul genre de créature, ce que nous pourrions appeler l'androgyne, mixte
de mâle et de femelle.
Ces êtres étaient ronds de forme, disposaient de quatre jambes,
quatre bras, de flancs circulaires, de deux visages opposés l'un à l'autre sur une même
tête ronde, et jouissaient dune force extraordinaire ; leur orgueil immense les poussaient
à provoquer les dieux auxquels ils en étaient venus à se comparer.
Zeus décida de
mettre un terme à leur indiscipline en les affaiblissant.
Pour ce faire, il les coupa en deux
dans le sens de la longueur et chargea Apollon de ramener leur peau sur le ventre (le point de suture qui subsiste
est le nombril), ainsi que de tourner leurs visages.
Il s'ensuivit que ces êtres séparés mouraient de chagrin et de
malheur, se laissant dépérir auprès de leur moitié distincte.
Pour remédier à ce désastre, Zeus ramena leurs parties
génitales qu'ils avaient derrière sur le devant, et ceux-ci purent s'accoupler, soit pour créer un nouvel être unique,
soit pour s'accorder un plaisir qui leur offrait pour un moment le bonheur de leur union passée, et l'esprit libre, leur
permettait ensuite de vaquer à leurs affaires..
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