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Peut-on faire le bonheur du Peuple ?

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« Définition des termes du sujet: PEUPLE: Ensemble d'hommes vivant sur un même territoire et ayant des institutions, des lois communes. BONHEUR: De bon et heur (terme dérivé du latin augurium, présage, chance).

État de complète satisfaction de tous les penchants humains. • Le bonheur se distingue du plaisir et de la joie, qui sont des émotions éphémères et toujours liées à un objet particulier.

• Dans les morales eudémonistes, le bonheur est la fin de l'action humaine.

Pour Kant, en revanche, c'est le respect de la loi morale qui doit orienter la volonté, et non la recherche du bonheur.

Car cette recherche est toujours déjà intéressée, égoïste donc contraire à la morale. Pour forcer la chance... « Le Bonheur est une idée neuve en Europe ! » annonce Saint-Just.

Voilà qui semble à la fois naïf et fort présomptueux, car l'Europe à l'évidence n'a pas attendu le Comité de Salut public pour concevoir que la vie pouvait être heureuse ! Les tableaux de Fragonard et le sourire de Diderot montrent que le siècle à son début savait célébrer une douceur et un plaisir de vivre que la tourmente révolutionnaire va dissiper. Saint-Just pourtant n'a pas tort, c'est le bonheur collectif qui est bien une idée politique nouvelle.

Que plus personne désormais ne soit abandonné par l'État à la mauvaise chance... Car l'étymologie le rappelle, le bonheur, c'est la bonne chance, la faveur du hasard qui se manifeste dès la naissance.

Cette prise de conscience que le hasard règle et dérègle de la manière la plus injuste et la moins rationnelle (le hasard est l'autre nom de l'absence de finalité) la carrière de chacun, transparaît de façon saisissante à quelques années de l'explosion révolutionnaire dans Le mariage de Figaro.

A l'acte V, Beaumarchais met en scène son personnage accablé par ce qu'il croit être l'infidélité de Suzanne, sa fiancée ; il compare alors sa destinée à celle du comte, son rival : « Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie !...

Noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! Qu'avez-vous fait pour tant de biens? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus...

» ...

il faut imposer l'égalité, mais est-ce possible ? Le Bonheur commence avec la réduction des inégalités, c'est-à-dire la réalisation de l'égalité civile.

Les privilégiés sont-ils disposés à ne plus l'être? Renonceront-ils, guidés par le souci du Bien collectif, à l'exercice d'une domination que leur confère la bonne fortune de leur naissance ? La question ne se pose pas seulement en 1789. Ainsi la société qui trouve son bonheur dans l'égalité ne peut surgir que de celle qui faisait de l'inégalité le principe moteur de son développement.

Comment effectuer le passage de l'une à l'autre? Saint-Just répond par la Révolution, c'est-à-dire la fondation dans la violence d'un ordre absolument nouveau.

Car l'égalité politique est bien une nouveauté, au sens où elle n'a pas de précédent.

Mais l'institution de la nouveauté est-elle possible? Du passé pouvons-nous absolument faire table rase? Ce n'est pas un effet du hasard si Thomas More imagine la société de l'égalité détachée de tout passé mais aussi de toute réalité géographique.

Il invente un certain Utopus, conquérant et maître d u pays d'Abraxa, qui aurait pris pour précaution première, avant de créer la nouvelle société, de faire d'Abraxa une île : « Dès que la victoire l'eut rendu maître de ce pays, il fit couper un isthme de quinze mille pas, qui le joignait au continent; et la terre d'Abraxa devint ainsi l'île d'Utopie.

» Pour vivre heureux, vivons alors détachés.

Le politique ne pourrait-il faire le bonheur de son peuple qu'en l'isolant, en le séparant des autres et de lui-même (par le refus du passé) ? Imaginez-vous donc en train d'écouter le récit de Raphaël Hythloday (étymologiquement : celui qui est habile à raconter des histoires), jeune voyageur portugais.

Vous voilà tout à coup touché par les moeurs et les institutions du peuple utopien.

Le dispositif rhétorique qui produit cet autre monde sous vos yeux consiste moins à vous faire croire qu'un tel peuple existe qu'à susciter en vous le désir de vivre selon un tel mode de vie.

Il vous faut par conséquent suivre deux cheminements parallèles, celui de comprendre ce que peut être « la meilleure forme de communauté politique » (sous-titre de l'ouvrage) et celui de laisser fonctionner une écriture qui vise à donner à votre esprit un pli encore inconnu, l'amenant à se convertir d'une adhésion au présent à la possibilité d'un agir. Dans la fiction utopique de Thomas More, l'écriture elle-même devient incitative, exercant l'esprit à s'ouvrir à des dimensions insoupçonnables.

Au vrai, l'ouvrage comporte un agencement de deux livres sur le premier duquel on a l'habitude de faire l'impasse.

Si le livre second, en effet, décrit particulièrement la ville d'Amaurote et, au travers d'un urbanisme géométrique, un ordre social transparent, la lecture du premier livre demeure indispensable puis-que la narration des voyages du navigateur s'y fait expérience d'assouplissement de l'esprit, mise en scène de l'opinion à rectifier, et explication du statut de la philosophie. Pour qui entend prononcer aujourd'hui ce terme, utopie, une autre conversion s'impose.

Trop d'usages dépréciatifs sont destinés à discréditer les appels à penser et agir en politique.

L'utopie, littéralement lieu de nulle part, qui est aussi souvent une uchronie — d'aucun temps — se place sous le signe d'une libération de l'esprit.

Ainsi en va-t-il des Solariens qui, vivant sous la dictature de la vertu, couplent leur cité modèle à l'idéal d'une réforme de l'ordre social chrétien existant (Campanella, 1602).. »

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