Peut-on faire le bonheur d'autrui ?
Extrait du document
«
PREMIERE PARTIE
[Dans l'amour, dans la vie en société, nous cherchons à faire le bonheur d'autrui.
L'homme est un
animal politique dont le bonheur dépend autant de lui-même que des autres.]
Accomplir ses devoirs, aimer, c'est faire le bonheur d'autrui
L'exigence minimale de la morale consiste dans le renoncement à l'égoïsme pur et simple : je n'ai pas le
devoir de renoncer à mon bonheur, mais de relativiser ce dernier par rapport aux autres.
On peut
envisager plusieurs façons de prendre en compte le bonheur d'autrui dans la perception de son devoir.
Une des formulations de l'impératif catégorique chez Kant est la suivante : « Agis de façon à traiter autrui
toujours en même temps comme fin et jamais seulement comme moyen.
» Lorsque j'agis pour mon compte
personnel, j'ai le devoir de me limiter aux actions qui n'entraînent pas le malheur d'autrui.
On peut parler
d'une exigence déontologique : elle fixe les limites des actions moralement justifiées en imposant la
condition du respect d'autrui.
Puis-je me contenter de ne pas rendre les autres malheureux ? Une telle attitude aboutit à une
indifférence réciproque dont on peut penser qu'elle appauvrit les rapports entre les hommes.
L'amour est
en revanche l'attitude qui consiste à souhaiter le bonheur d'autrui, à être bienveillant à son égard.
Le
véritable amour de l'autre, tel que le définit Hegel, consiste à savoir «discerner ce qui, dans un homme,
est le mal, ce qui est le bien approprié à ce mal, ce en quoi consiste en général sa prospérité».
La
connaissance de l'autre, donnée par ce rapport privilégié qu'est l'amour, nous permet de savoir en quoi
consiste son bonheur; nous pouvons alors tenter de le lui apporter dans la mesure de nos possibilités.
Le bon gouvernant recherche le bien des citoyens
Pour Platon, le philosophe est le seul à savoir ce qu'est le bien, d'après lequel il faut vivre pour atteindre
le bonheur.
Il doit donc être le seul gouvernant, ce qui lui permet d'instituer en loi sa connaissance du
bien.
Il détermine en quoi consiste le bien de ses concitoyens, dont le bonheur sera assuré par leur
soumission à la loi.
Ainsi que le rappelle Léo Strauss en tête de son ouvrage « La cité et l'homme », la tradition tient
Socrate pour le fondateur véritable de la philosophie politique.
Cicéron aurait dit de lui qu'il « fut le
premier à faire descendre la philosophie du ciel pour l'établir dans les cités, pour l'introduire également
dans les foyers, et pour l'obliger à faire des recherches sur la vie et les manières des hommes aussi bien
que sur le bien et le mal ».
en ce sens, il n'est pas d'histoire de la pensée politique qui ne doive
commencer avec ce livre majeur que constitue la « République ».
Rédigé par Platon, ce livre expose la conception de la justice de Socrate.
Tout y est présenté sous la
forme habituelle mais hautement complexe du dialogue.
Répondant aux questions de ses interlocuteurs,
Socrate développe une image de la cité idéale.
Socrate n'est-il que le porte-parole de Platon, un simple
personnage dont le philosophe se sert pour exprimer ses propres idées tout en restant masqué ? A
l'inverse, Platon n'est-il rien d'autre que le fidèle secrétaire du maître dont il se contente de noter
scrupuleusement la pensée ? Et dans ce jeu mobile et contradictoire où s'enchaînent et s'entraînent
questions et réponses sans que l'ironie soit jamais totalement absente, est-il seulement légitime de
dégager une doctrine ? Derrière la fausse simplicité d'une conversation entre philosophes, l'art du dialogue
soulève d'insurmontables difficultés qu'il nous faudra ici ignorer pour tenter de cerner l'image du politique
qui se dégage de la « République ».
Dans cet ouvrage, Socrate présente donc l'idée qu'il se fait de la cité idéale.
Il décrit une société
fortement hiérarchisée au sein de laquelle les « gardiens » forment une classe dans laquelle règne une
communauté parfaite.
Au livre V, Glaucon, qui est l‘un de ses principaux interlocuteurs, demande à
Socrate si une cité aussi parfaite que celle qu'il a décrite peut exister dans la réalité.
Avec beaucoup de
prudence, car il sait ce que sa réponse peut avoir de ridicule et de scandaleux, Socraterépond qu'une
seule réforme est nécessaire à qui veut changer radicalement la société: il suffit que se conjuguent le
pouvoir politique et la philosophie.
Socrate déclare : « Tant que les philosophes ne seront pas rois dans
les cités, ou que ceux qu'on appelle aujourd'hui rois et souverains ne seront pas vraiment et sérieusement
philosophes ; tant que la puissance politique et la philosophie ne se rencontreront pas dans le même
sujet ; tant que les nombreuses natures qui poursuivent actuellement l'un ou l'autre de ces buts de façon
exclusive ne seront pas mises dans l'impossibilité d'agir ainsi, il n'y aura de cesse, mon cher Glaucon, aux
maux des cités, ni, ce me semble, à ceux du genre humain, et jamais la cité que nous avons décrite
tantôt ne sera réalisée, autant qu'elle peut l'être, et ne verra la lumière du jour.
Voilà ce que j'hésitais depuis longtemps à dire, prévoyant combien ces paroles heurteraient l'opinion
commune.
Il est en effet difficile de concevoir qu'il n'y ait pas de bonheur possible autrement, pour l'Etat
et pour les particuliers.
»
Socrate va s'attacher à justifier une proposition qui, aux yeux de ses interlocuteurs, ne peut être reçue
que comme un insoutenable paradoxe..
»
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