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Peut-on être heureux sans croire en quelque chose ?

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« Dans son ordination des croyances (De utilitate credendi), Augustin à partir de Jean 6, 29 en distingue les types relativement à la fonction prépositionnelle qui leur est accolée – croire en quelque chose, croire à quelque chose, et l'intransitif croire quelque chose.

Croire à quelque chose se dit de l'adhésion à un contenu propositionnel. La formulation de l'énoncé interroge le statut des propositions de foi (c'est-à-dire des contenus propositionnels suscitant l'adhésion dans la croyance) comme condition de possibilité du bonheur.

La relation causale ainsi développée a une dimension finalisée : croire à quelque chose pour être heureux.

Ce caractère téléologique de la croyance implique de penser la temporalité du bonheur comme non-actuelle. Mais ce bonheur projeté et espéré, dont le non-avènement présent est constitutif de la croyance, est-il ce qu'on entend par “ être heureux ” ? Le problème se situe alors dans la contradiction temporelle apparente entre le bonheur (dont l'atteinte dépendrait d'une croyance à quelque chose) et le “ être heureux ” actuel : en somme, cela consiste à interroger la possibilité d'un bonheur qui soit présent. I.

Bonheur mécréant : l'hédonisme Affirmer la possibilité d'un bonheur arraché à la nécessité de croire comme à sa condition de possibilité est revendiqué dans les pensées antiques des Cyrénaïques et des Cyniques.

Seule compte alors la certitude sensible actuelle, et la finalité unique de l'agir est l'augmentation de la jouissance.

La certitude sensible est également certitude cognitive : on se sait actuellement dans le plaisir.

Et cette certitude cognitive démasque l'imposture des doctrines promettant l'accès à un au-delà de bonheur qu'il faut escompter pour l'atteindre. La nécessité de la croyance est alors dénoncée comme supercherie.

Le savoir certain et actuel de la jouissance sensible s'oppose à l'espoir qui toujours diffère l'obtention du bonheur.

Mais ici semblent se confondre plaisir et bonheur : jouir dans le présent, est-ce identique à la fin humaine suprême identifiée dès Socrate comme étant le bonheur ? II.

Ascèse et bonheur : le devoir de croyance Le bonheur dans son idéalité se caractérise par sa dimension atemporelle.

N'étant jamais présent mais représentant la fin de l'âme humaine (fin atteignable par celleci étant entendu que l'âme est la part d'immortalité en l'homme), le bonheur est ce qui au plus haut point exige la croyance de l'homme. Augustin définit la croyance comme acte de certitude de la volonté en des contenus de propositionnels indémontables.

Ainsi s'explique le caractère contradictoire des propositions de foi auxquelles il faut adhérer pour espérer le bonheur.

La contradiction est la marque de la finitude humaine (Matthieu).

Il faut croire même si ce à quoi l'on croit est absurde pour espérer atteindre le bonheur, il faut croire parce que c'est absurde (formule attribuée traditionnellement à Tertullien). En conséquence, la croyance est nécessaire à un bonheur incertain (ou indémontrable).

La philosophie qui conditionne ainsi l'obtention du bonheur est celle du “ comme si ” (Vaihinger se référant à Kant).

Freud dans l'Avenir d'une illusion décrit cet acte de croyance comme refuge dans la fiction utile et nécessaire – pour Kant, il faut agir “ comme si… ” pour espérer bien agir et prétendre au bonheur –, mais fiction qui ne peut satisfaire que le philosophe : quel homme ordinaire accepter le pari de la croyance en un bonheur incertain et à venir (Cf.

le pari de Pascal) ? III.

Le mythe du bonheur et la croyance nécessaire La fiction que représente le bonheur à venir, constitué dans et par la croyance, peut aisément être dénoncée comme nonsens en en exhibant les contradictions.

Et d'abord peut être démontrer qu'il faut toujours croire en la possibilité (réelle) de l'objet de croyance.

La croyance est ainsi toujours déjà rationalisée lorsqu'elle est pensée en termes de finalité.

Et l'on imagine savoir dans la certitude de la croyance éprouvée. De tels arrières mondes, Nietzsche en dénonce l'aspect néfaste.

Ils ne sont que la construction de bonheur illusoire puisque jamais présent – illusion de la mauvaise conscience lourde de l'héritage du péché d'origine (Augustin).

Croire devoir-croire pour être heureux constitue le bonheur dans son inactualité. C'est alors le bonheur, déterminé par la croyance qui lui est nécessaire et qui, partant, toujours en diffère la réalisation, qui désormais est dénoncé comme idole.

Et une idole exige ses adulateurs.

Le bonheur, qui ne peut être que téléologique s'il est pensé en relation à la croyance comme sa condition de possibilité, est lui-même une croyance.

Or comment une croyance pourrait ne pas en susciter une autre et sur elle se reposer comme sur un socle qui lui donne consistance ? Conclusion - - Penser un bonheur qui ne soit tributaire d'une croyance qui le conditionne et le constitue revient à réduire le bonheur au plaisir sensuel.

Mais ce plaisir ne peut être qu'un moyen, et en penser la fin réintroduit l'idée de l'inactualité du bonheur.

A moins de faire du plaisir sa propre fin, mais alors il n'est pas bonheur, il est jouissance. Penser le bonheur comme fin la plus haute de l'humain conduit à le différer et à la faire reposer sur la croyance comme sa condition de possibilité.

Le bonheur lui-même devient idole. Peut-on ou doit-on dès lors penser un “ être heureux ” qui ne soit pas bonheur, un “ être heureux ” possible dans le présent mais signifiant autre chose que le bonheur ?. »

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