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Peut-on être étranger à soi-même ?

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« Termes du sujet: ÉTRANGER: A la fois présent et absent: qui n'appartient pas au milieu parce qu'il est autre ou parce qu'il se sent étranger. L'autre et le même sont deux catégories fondamentales de la pensée : l'identité (rester le même) à travers un devenir-autre (transformation, altération) nous permet de concevoir ce qu'est une chose, comme le morceau de cire dont parle Descartes dans les M éditations métaphysiques.

La cire est la même cire, alors que toutes les qualités sensibles dont elle est revêtue ont changé.

Si une chose ne peut pas être autre qu'elle-même, la différence entre une chose et un sujet ne tiendrait-elle pas au fait que nous pouvons être étranger à nous-même? 1.

L'expérience introuvable de l'identité • C ette permanence de la chose, la synthèse des vues que j'en prends de loin en loin, n'est possible qu'à partir de notre propre permanence.

La conscience est en effet au principe de l'identité personnelle, par laquelle je suis une personne unique, identique à moi-même à travers le temps.

Dire : «j'ai changé», c'est attribuer un contenu nouveau (goûts, activités, manières d'être) à un sujet resté le même, c'est donc penser une identité mais, contrairement à celle d'une chose extérieure, j'ai l'impression de la saisir directement par le sentiment de ma propre unité de conscience. • N'y aurait-il pas là une illusion, la confusion que dénonce Kant dans sa C ritique de la raison pure, entre l'exigence d'unité de l'expérience et la prétendue expérience de l'unité? Le fait de ne pas pouvoir saisir quelque chose autrement qu'à partir de la catégorie de la permanence ne veut pas dire qu'une expérience directe de l'identité soit possible, en ce qui concerne ma propre identité personnelle. 11.

La permanence du sujet comme fiction • A u-delà de la grammaire qui présuppose l'identité d'un sujet, et des thèses métaphysiques, qui postulent l'identité du sujet par-delà ses changements observables, certaines expériences vécues de dépersonnalisation ne vont-elles pas jusqu'à détruire l'identité effective du sujet? L'affirmation de Rimbaud : «Je est un autre », dans la Lettre du voyant, est à prendre au sérieux.

Le « long et patient dérèglement de tous les sens » du poète le rendrait étranger à luimême. • La vie sociale serait pourtant impossible sans un sujet responsable de ses actes.

Tenir une promesse suppose d'être toujours la même personne, à qui l'on va demander des comptes.

Hume voyait dans le sujet une fiction.

Il décrit le moi comme l'effet des passions qui le prennent pour objet (l'orgueil, l'humilité) et l'on pourrait s'inspirer de cette idée en l'appliquant aux phénomènes de société : tout nous pousse aujourd'hui à nous présenter comme des individus originaux, aux opinions indépendantes.

Là où Hume y voyait un effet des passions exprimant la nature humaine, on peut voir dans le moi un effet des normes sociales.

M on nom, mon lieu de naissance, mon domicile - autant d'éléments pour construire cette identité sociale. - Dans son Traité de la nature humaine (Livre 1, IV e partie, section V I), Hume cherche à expliquer la croyance en un être nommé " moi ", c'est-à-dire la tendance de l'esprit à forger la fiction de l'identité. - De même que l'on voit un bâton brisé dans l'eau à cause de la réfraction, ainsi l'on croit sentir un principe d'existence ininterrompu en soi (le moi), alors que nous avons seulement pris l'habitude d'associer des impressions semblables, et de les associer de si nombreuses fois que nous n'avons plus conscience de passer de l'une à l'autre.

Hume va donc montrer que c'est l'accoutumance de glisser d 'une chose à une autre qui induit le mirage ou la fiction du moi.

Il s'agit donc d'un effet de croyance : " nous n'avons aucune idée du moi " (Hume, op.cit.). - Qu'est-ce que l'esprit ou le moi ? " Rien qu'un faisceau ou une collection de perceptions différentes qui se succèdent les unes aux autres avec une rapidité inconcevable et qui sont dans un flux et un mouvement perpétuels " (Hume, ibid.) - Quand je regarde ce qui se passe en moi, je tombe toujours sur une perception particulière : chaleur, froid, amour, haine, plaisir, douleur.

Je ne peux me saisir moi-même sans une perception.

Nous sommes un faisceau de perceptions différentes qui se succèdent; pensées, sens, facultés changent constamment : " L'esprit est une sorte de théâtre, où des perceptions diverses font successivement leur entrée, passent, repassent, s'esquivent et se mêlent en une variété infinie de positions et de situations " (op.cit., p 344).

Il n'y a pas dans notre esprit d'identité. - La croyance en l'identité est le fruit de l'imagination e t de l'esprit qui ont naturellement tendance, que ce soit pour les choses extérieures ou les perceptions intérieures, à associer les impressions toujours distinctes, à unir ce qui est séparé, à rassembler nos multiples expériences discontinues. Principe de connexion qui se subdivise en trois principes : 1. Le principe de ressemblance (il régit notre imagination).

P ar analogie, nous imaginons que deux idées simples, correspondant à deux impressions distinctes, sont semblables : par exemple, j'associe l'idée de cheval, animal familier que j'aime, à la vertu, qualité orale que j'apprécie, et je forme l'idée de cheval vertueux. 2. Le principe de contiguïté (il régit notre perception) : j'associe deux phénomènes perçus simultanément : j'associe, par exemple, la froideur à la neige. C omme nous avons pris l'habitude d'associer des impressions semblables de si nombreuses fois, nous n'avons plus conscience de passer de l'une à l'autre.

En passant facilement, habituellement, d'une chose à une autre, l'esprit ne remarque pas ce passage : de là la fiction de l'identité.

Exemple du ralenti cinématographique : la succession très rapide des images nous donne l'impression d'une action, alors qu'au ralenti nous percevons une somme d'actes discontinus.

Lorsque la succession est trop rapide, trop coutumière pour qu'on l'aperçoive, on croit voir la même chose. 3. Le principe de causalité (il régit notre raison) : de la conjonction répétée de deux phénomènes perçus simultanément, notre esprit conclut à une relation de causalité; à l'apparition d'un premier phénomène – par exemple, la source de chaleur – je m'attends à celle d'un second phénomène – l'ébullition.

Les pseudo-liaisons nécessaires ne sont que des connexions de fait, des habitudes.

La connaissance est la construction d'une habitude : celle-ci est si forte qu'elle entraîne une croyance en l'existence objective de relations là où il n'existe que des successions habituelles. - T oute connexion est donc produite par notre esprit, elle ne dit rien sur l'essence des objets qui demeure cachée.

C 'est notre esprit qui imagine que les objets se ressemblent, bien qu'en réalité ils sont toujours distincts.

Notre esprit procède toujours suivant le principe d'union avec régularité, avec méthode. En réalité, les objets sont distincts les uns des autres, les événements ne se répètent pas, notre esprit ne sait rien des lois qui les régissent. - Il en est de même en ce qui concerne la conscience ou le moi.

L'individu n'a que des sensations externes ou internes reliées par des associations contingentes, et non par un sujet.

Il n'est que la constatation d'un défilé d'images et de sensations.. »

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