Peut on donner une définition de l'homme ?
Extrait du document
«
Donner une définition d'un être, selon Aristote, c'est donner son genre et sa différence spécifique.
En suivant cette
méthode, Aristote peut donc définir l'homme comme "animal [genre] raisonnable [différence spécifique]".
Donner une
définition, d'autre part, implique de déterminer l'essence unitaire de l'être à définir ; or, n'y a-t-il pas précisément
une forme d'opposition entre l'animalité et la rationalité, dans la définition aristotélicienne de l'homme ? Et cela
n'implique-t-il pas l'impossibilité même de déterminer une essence unitaire de l'homme dans une définition ? Ou bien
alors, l'essence de l'homme ne résiderait-elle pas précisément dans cette absence même de possibilité de définition
essentielle ?
I.
L'essence de l'homme, chez Descartes, échappe à sa définition aristotélicienne comme "animal
rationnel"
- La définition d'Aristote : l'homme est un être vivant doué d'une faculté
d'intellection (âme intellective, ou plus précisément partie intellective de
l'âme), ce qui le distingue spécifiquement du règne végétal (âme végétative)
et du règne animal (âme sensitive, ou partie sensitive de l'âme).
Le terme
"animal" est ici à prendre en son sens premier, c'est-à-dire comme être
vivant.
- La démarche cartésienne : dans la recherche d'un fondement absolu de
vérité, nous devons douter de tout, même de notre propre corps ; or, la
première certitude à laquelle nous parvenons est celle de notre propre
conscience : "Je pense, je suis" (Discours de la Méthode) ; l'ego cartésien
constitue donc notre première certitude, avant celle même de notre corps,
qui ne peut être que déduite : en cela, l'homme ne saurait d'abord être défini
comme "animal", c'est-à-dire comme être doué d'un corps.
L'homme est sa
propre conscience, il est un "moi".
Néanmoins, l'homme n'est pas seulement sa
conscience, mais en même temps son corps ne peut être saisi directement
par la conscience immédiate : la définition de l'homme pose donc problème,
d'où le dualisme cartésien, fondateur de la modernité philosophique.
II.
Le criticisme kantien : l'essence
de l'homme est duelle, donc impropre à une définition unitaire
-Dans la veine cartésienne, Kant distingue le monde des choses en soi
(noumènes), et celui des objets de notre représentation (phénomènes).
Nous
ne percevons que ce qui passe à travers les structures a priori de notre
subjectivité, y compris notre propre être.
En ce sens, Kant distingue le moi
empirique, c'est-à-dire celui que nous percevons dans notre vie sensible
quotidienne, et le moi "nouménal" (c'est-à-dire purement intelligible), qui ne
peut être perceptible comme tel mais qui est ce qui rend notre subjectivité
sensible possible.
L'homme est donc partagé en deux formes du moi, qui
appartiennent à deux mondes opposés : le monde du déterminisme universel
(celui des phénomènes), et le monde de la liberté transcendantale (celui des
choses en soi).
L'homme est libre autant que déterminé, et c'est cette dualité
qui fonde la possibilité d'un sujet moral, qui doit se déterminer librement.
1.
D'après Kant, nous ne pouvons nous présenter les phénomènes que sous
les formes de l'espace et du temps; et les phénomènes ainsi représentés sont
enchaînés les uns aux autres par un déterminisme inflexible.
Comment alors
admettre la liberté ? Le seul moyen, c'est de mettre en question la valeur de
la science, de montrer qu'elle n'est pas la représentation exacte du réel, et
que, par suite, la liberté est possible en réalité.
Or, telle est précisément la
conclusion de la Critique de la Maison pure.
Celle-ci établit que le monde tel qu'il nous apparaît et qui est soumis au
déterminisme, n'est qu'un monde apparent, tout relatif à la constitution de notre esprit, et que, par conséquent,
nous n'avons pas le droit de conclure de ce qui apparaît à ce qui est.
Il peut donc y avoir, dans le noumène, une
causalité libre.
Or, la raison pratique transforme pour nous cette possibilité en nécessité.
Elle ne nous prouve pas
cette liberté fondamentale ; elle nous oblige à y croire.
2.
Ainsi donc, d'une part, la science implique le déterminisme universel ; d'autre part, le devoir postule la liberté.
Comment lever cette antinomie? Kant distingue dans l'homme deux espèces de causalités et de caractères : les
caractère et causalité empiriques (homme-phénomène) ; les caractère et causalité intelligibles (homme-noumène).
a) Le caractère empirique, c'est l'homme en tant qu'il se connaît, qu'il s'apparaît à lui-même : c'est-à-dire une série
de phénomènes (faits de conscience) reliés entre eux par une loi, loi qui s'exprime par le mot : moi.
Cette expression
ne signifie rien autre que l'unité de notre perception.
En d'autres termes, nous ne pouvons apercevoir les faits de
conscience, qui sont plusieurs, successifs, qu'en les reliant les uns aux autres par la causalité.
Notre caractère.
»
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